
Les papiers publics de France ( i ) & d’Angleterre
(2) ont répandu que les Anglois nous ayant
pris dans la guerre précédente des plants d’épicerie,
les ont fait'planter à la Jamaïque, ou ils réuHifient
à merveille, M. Céré, qui connoit l’état des envois
qu’il a fait, certifie (3) qu’ils n’ont pu nous enlever
qu’un bâtiment chargé de plants de raven-tfaras ,i
de jacquiers et autres objets dé moindre prix que
les épiceries fines. Il feroit pofîible qu’ils fefuffent
procurés ces arbres , fans les avoir conquis fur.
nous. Au refie, il faut s’attendre que tôt ou tard,
chaque nation Européenne ayant des Colonies en
A fie , eh Afrique & en Amérique, trouvera le
moyen de fe rendre indépendante des autres pour
les productions, que fon fol et fa pofition lui
permettront de faire croître. C ’efî beaucoup à la
France d’avoir pris l’avance &de-s’être mife en état
d’appt ovifionner d’épicerie la métropole. :
A R T I C L E T R O I S I È M E .
Culture & végétation des arbres a épicerie.
La partie de ces arbres étant très diftante de la
France, je ne puis décrire leur culture & leur:
végétation, que d’après ce qu’on en a publié, ou
d’après dés mémoires particuliers. Une inftru&ion
qui a paru de rifle-de-France, en 1782, me
fournira une partie de ce que j ’ai à exposer.
Culture du giroflier
Jufqu’ici on n’a élevé le giroflier cayophyllus
arcmaîicus que de graine c’eft-à-dire, par le moyen
des baies ou anthofles. On le sème & on le tranf-
plante ënïmte. Il croit fi bien de bette manière,
qu’on- n’a .pas imaginé de le provigner.
î Le - ter rain ou on doit faire le semis a befoin
d’être .fouillé juiqu’à là profondeur de trois pieds, j
S’il n’eft pas frais & à l’ombre, il ne convient point.
Pour planter on y fait des trous qu’on ne remplit
pas exactement*, on y laiffe un petit .creux de trois
à quatre pouces-, tant pour entretenir de l’humidité
, que pour donner un peu dabri au jeune
plant, par la hauteur pré-dominante de la circon-
, férence du trou.
Avant d’y dépofer la graine, M. Céré confèiüe.
de la mettre tremper pendant 24 heures dans l’eau
& de la dépouiller de fon enveloppe. Si l’amande
étoit noire, elle ne vaudront rien. Quand elle eft
d’un verd clair, on eft àÏÏÏiré quelle germera. On
• la plante aufîi’ tôt, à é lignes de profondeur, ayant
foin de la recouvrir d’un peu de terre légère- &•
jfacile à foulever & de répandre deffüsdes feuilles,
’qu’on arrofe avec un arrofoir à pommé.
-, ; Il eft néceflaire de défendre chaque trou par un
i { 1 ) Mercures de France n . ° 41 -, Samedi i s O fto b r e
.*7* 5’ 5 4 4 . Samedi 29: Q û g b r e 178 J . ......................
j ( 1 ) Evening p o f t -©» Loado» , | G h fo n ic le 28 S ep t
em b r e 178#.
(g) tf€tîï«-da 17 Novembre lySf»
entourage de gaulettes, afin que rien ne nuife au
jeune plant qui eft très-délicat.
Si la chaleur eft de 20 à 2.3 dégrés la,graine de
giroflier lève en 25 ou 30 jours. En tenant la terre
continuellement humide, le plant a au bout d’un
mois 5 ou 6 pouces de hauteur & 4 feuilles développées*,
à io-mois ou un an il a 2 ou 4 branches*
On auroit plus d’avantage à femer le giroflier
en-place, que de le mettre en pépinière / pour le
t’anfplanter enfuite. Ses racines, compofées d’un
chevelu très-délié, craignent le contad de l’air.
v .Si on veut le tranfplanter, il faut le lever en motte
avec précaution.
Quoiqu’il aime beaucoup l’ombre dans fa jeu-
nefî'e, il ne doit pas être tellement abrité, qu’il
ne puiffe recevoir l’influence de l’air. Il périrait
inévitablement fous un arbre touffu, tel que le
manguier ou le tamarin. Il fe plaît fous le cocotier,
fous l’agati, fous le bois de demoifelle, & fous
tout autre, dont les branches &les feuilles foient
rares. M. Martin étoit d’avis que les habitans de
Cayenne plantaffent leurs girofliers au milieu des
rocous, des cafféyers, des cotonniers , des bananiers,
jufqu’à-ce qu’ils euffenr de 7 à 9 pieds de
haut. A cette époque les girofliers fleuriffent & ils
ne veulent plus être ombragés. De petits défriche-
inens dans les bois- pourvu que le fol en fut frais,
feraient les placés les plus favorables..
Le giroflier croît avec allez de rapidité-, il s’élève
à la hauteur des cafféyers, des cerifiers, c’eft-à-dire
jufqu’à 18" & 20 pieds. On en a cependant vu
monter beaucoup plus haut.- Voye% pour fa def—
cription le Didionnaire.de Botanique. Sa cime eft
difpofée en pyramide ou en cône, comme celles
de tous les mÿrthes , dans la famille defquels on
le clafTe, Rumphiusauteur de l’herbier d’Am—
boine, allure que ..son écorce, qui eft lifte, unie
& très adhérente, recouvre un bois tellement dur,
qu’une petite-branche peut porter un homme. M.
Céré au contraire dit que la plus forte ne porterait
pas un enfant. Son affertion eft appuyée de l’opinion
de M. Hubert, colon de Bourbon, qui a
vu des girofliers fouffrir par lé poids feul de la
Tpfée & de l’eau des pluies , retenues fur leurs
feuilles, il eft difficile de concilier deux opinions
fi oppofées, â moins d’admettre qre ces arbres
aux molucques font d’une conftitution plus ro—
bufle, ou que ce qui les rend frêles, eft moins
la foibleffe du corps de- leurs 'branches, que de
.leur peu d’adhérence à l’endroit de leur insertion-
su tronc. Il paraît du moins prouvé qu’a ITfléf-
de-France & à Bourbon, les girofliers fe fendent
& fe déchirent fouvent fans coup de vent, par
la - pefantéur feule des d ou x . Lés branches d’en
bas; toujours les plus chargées, font les plus
fujettes à cet accident. Pour les prévenir M- Céré
a proposé de ne les point briffer monter haut,
màîs de les conduire comme ; les cafféyers, en
les étêtant & les ébourgeonnant. Cette pratique
fans doute îendroit les doux plus beaux. Mais
on ne pourrait l’employer qu’en retranchant le
bout des branches & par conséquent beaucoup
de doux & de fruit, qui fe placent en corymbes
aux extrémités.
On s’eft affez bien trouvé des tuteurs fichés
dans la terre, à 3 ou 4 pieds des arbres & à peu-
près au milieu du tronc. Par cette précaution
le coup de vent du premier Janvier 1790 n’a
prefque pas nui aux girofliers de l’Ifle-de-Bourbon.
M. Hubert a voit encore le projet de planter
tellement les girofliers qu’il pût à la moindre
apparence des coups de vent, les lier quatre à
quatre par le haut en les rapprochant ; il efpéroit
qu’une plantation de girofliers, ainfi traitée, fe
foutiendroit mieux.
M. Richard en‘ examinant la belle plantation
de girofliers, faite à la Gabrielle, lfle de Cayenne,
a remarqué, que ceux qui reçoivent le vent
d’Eft ou le foleil levant, étoient en général plus
vigoureux que les autres ; ceux qui étoient au
vent d’Ôueft étoient pour la plûpart chétifs,
quoique en affez bonne végétation. Cette remarque
pourrait bien n’être applicable qu’à
Cayenne & peut-être même à la feule pofition
de la Gabrielle.
On a beaucoup varié fur le produit des girofliers.
Si l’on en croit Valentin ( Hift. Simp.
ref. page 202 ) ils donnent une fi grande quantité
de d o u x , que d’un feul arbre on en a
retiré 625 livres. Cette production paraît bien
extraordinaire, quand on la compare à celle
qui eft rapportée par d’autres témoignages. Ce
que• nous lavons c’eft que M. Hubert de l’Ifle-
de-Bourbon , for un de les girofliers, qui avoit
40 pieds de haut, a recueilli 35 livres de doux,
fans compter les baies. On regarde avec raifon
cette récolte comme un phénomène. L ’Abbé
Raynal, M. Céré & beaucoup d’autres en rab-
battent beaucoup, puifqu’iU n’efiiment le produit
communs des girofliers l’un dans l’autre qu'à
2 livres, cd l-à -d ire , à 10000 doux, une livre
en contenant $opo -, ce qui eft confirmé par le
témoignage de M. Richard. Il eft bon d’obferver
d’après M.- Poivre, que cet arbre n’a des récoltes
abondantes que tous les trois ans. Cette particularité
lui eft commune avec un grand nombre,d’autres
, de nos? climats.
Dans les molucques les girofliers donnent ordinairement
des doux & des fruits la feptième
ou la huitième année. A Amboine, ce n’eft qu’à
10 ou 12 ans.
On a vu à Plfle-de-France, des girofliers
rapporter à trois ans. ils font en plein rapport
à 6. Ils donneraient plüs longtemps & de plus
beaux d o u x , s’ils étoient plus lents dans leur
végétation & dans leur frunification.
Les d o u x font 9 mois à fe former, avant
d’avoir acquis la grofleur & le point convenables.,
pour être épicerie ou 'doux marchands de
ce moment à celui- de la .maturité des [baies,
après le développement & le détachement de la
fleur, il fe paffe 3 mois. Ainfi, la frudi ficanon
entière s’opère en un an. A Cayenne la récolte
s’en eft faite en Juillet, fuivant Valentin, à
Amboine, c’eft depuis Juillet jufqu’en Sep- .
tembre.
Dans les ouragans le giroflier peut être ren-
verfé, mais les doux adhérent fortement à l’arbre.
Ceux qui tombent, à quelqu’époque.que ce foit, .
ne doivent point être rejettés- ils ont plus ou
moins la qualité d’épiçerie.
Valentin affure que quelquefois le giroflier eft
rangé par un vers, ce qu’on reçonnoit à l’état:
de les feuilles, qui font flétries & pendantes.
M. Céré, ne voulant rien perdre des premiers.
produits des girofliers qu’il cultiyoit, a réuni
les d o u x tombés à tout âge & à toute faifon,
même les baies ou authofi.es. En examinant le
girofle du commerce on y trouve ce mélange,
ce qui prouve que les Hollandois ne prennent
pas la précaution de ne cueillir que les calices-.: >
Dans cet état M. Céré a jugé qu’ils avoient beaucoup
d’aromat. On ne peut regarder comme
privé de cette qualité les doux naiffans. Ma:s _
ils ne font pas au même degré que quand ils
font près du tems de la floraifon. Une remarque
plus jufte de M. Géra, c’eft que les baies font
bien parfumées & pourraient en quelque forte
remplacer les doux.
Au moment ou j’écris, j’ai fous les yeux cinq
échantillons de girofles, 4 de Fille-de-France&.
un de Cayenne. Les échantillons de 1 ifle-de-
France m’ont été envoyés en 1787 par M. Céré
fous 4 n°s ; celui dé Cayenne eft le premier
rapport d’un giroflier de l’habitation de M. Pra-
; ville, fituéfur la rivière d’aprouge.
Sous le n°. premier de l’Ifle-de-France fonr
des doux tombés verds & jaunes, & dès doux
tombés à l’époque de l’épanouiftèment de -la fleur.
Leur longueur étoit de 5 lignes y compris le
bouton & leur circonférence de 4 lignes.
Le n° 2 comprend des çloux tombés avant
& après l’épanouiffemeut de la fleur. C’eft un
mélange de vrais doux.êr de baies commençantes.
Ils ont 4 lignes & demi à cinq lignes & demi de.
I longueur, fur 4 lignes de tour & font rou-
[• geâtres.
Le n°. 3 n’offre qué des baies commençantes
c’eft-à-dire ayant déjà un commencement de
gonflement. Les plus renflés ont 10 lignes de
longueur fur 8 de tour. Ils font bruns & grisâtres.
Ces çloux , comme les précédées ont été ra-
maffés .par terre.
Ce qui compofe le 4e n°# f°nt ces doux,
cueillis exprès fur les arbres, au montent précis
ou leurs fleurs alloient s’ouvrir & par çonféquent
dans l’éiat le plus parfait. Ils font encore ranges
dans toutes leurs parties. Ils ont 6 lignes dé loti-,
gueur & 4 de tour. M. Céré n’a fait fîibir a
tous ces doux d’autre préparation que deles mettr e