
drupècles, le bec & la crête des oifeaux font
devenus froids, & plus ou moins gangrènés $
car l’un des cochons, félon M. Réad, perdit
«ne oreille , qui fe fépara d’elle même. M. de
Salerne & moi nous n’avons obfervé que des
taches livides fur celles des trois cochons fournis
à l’expérience. La gangrène étoit bornée
par un cercle rouge, comme il a paru fur-tout
aux oreilles du cochon de la troifième, & à la
membrane du palais des deux canards. Le cochon
de.la quatrième expérience perdit fucceffivement
des parties de l’extrêmiié de fa queue , qui étoit
noire & infenfible : un de fes pieds fe deffécha,
& feroit tombé vraifemblablement de lui-même,
fi j’euffe pu donner plus d’Ergot à cet animal :
la gangrène avoir même carié les os. Le cochon
de la troifième expérience n’eut pas les jambes
fi maltraitées ; mais il y avoir aux articulations
de celles de derrière, avec les pieds, un bouillie
noire & fétide-, produit de la gangrène
portée à un haut degré. II eft à remarquer
qu’elle étoit comme dans les hommes, toujours
au centre de la partie affrétée , avant de fe communiquer
à l’extérieur. La diffeélion des corps
des deux cochons l’a prouvé.
C ’eft particulièrement au bec, ou dans les
environs du bec de dix oifeaux, que la gangrène
a caufé le plus de défordres, parce -que les
parties font très-étaignées du centre du mouvement
, ç’ell-à-dire, du coeur ; car le bec des deux
premiers canards, la crête & les appendices de
deffoûs le bec de cinq poules , ainû que l ’extrémité
de la langue , de la membrane du palais,
& la membrane pituitaire de la plupart de ces
oifeaux, tout étoit gangrèné d’une manière fen-
fible. ... . . ... ,.
Si les. hommes infortunés, qui ont .éprouvé
l ’épidémie dont il s’agit, étoiènt ftupides, les
animaux l’étoient auffi ; plufieurs ont eu des
vertiges, quelques-uns même m’ont paru comme
engourdis. Les hommes avoient le ventre refferré
pendant quelque temps , & n’ont eu du dévoiement
qu’en approchant du terme de la mort.
Dans les expériences du premier ordse , où je
ne donnois l’Ergot qu’à itrès7petite dofe d’abord,
les animaux, fur-tout les quadrupèdes, ne renvoient
que rarement, leurs excrémens, quoiqu'ils
bûffent . abondamment d’une boiffon relâchante
( r ) , & qu’ils mangeaflènt de la farine
de feigle, qui procure la liberté du ventre. Ce
n’étoit que les derniers jours que leurs dijeétions
étoient liquides. Dans les expériences du troi—
fième ordre, les oifeaux qui en forent le fujet,
eurent du dévoiement, plutôt ; mais ils vécurent
moins de rems, & mangoient plus d’Ergot. Les
urines des quadrupèdes coûtaient auffi avec facilité.'
La maigreur étoit extrême dans ceux'dés animaux
(0 Du petit-lait ou du lait-de-bçurrc,
qui furent long-temps en expérience, Scelle al loît
en croîffant, félon qu’ils mangoient plus d’Ergot.
Les corps de deux canards & de trois poules des
expériences du troifième ordre, avoient d’autant
plus de chair, que leur mort avoit été plus
rapide; ceux des deux poules fur-tout qui ne
vécurent que quatre jours, conferverent de la
graiffe.
Le filence gardé sur l’érat où étoient à l’intérieur
les cadavres des hommes qui font morts
deria gangrène fèche, annonce qu’on ne les a
point ouverts. Peut-être eût on trouvé, comme
dans les animaux, des vifcères enflammés où
gangrènés, & alors l’analogie eût été frappante
dans tous les points.
Une obfervation qu’on ne doit pas perdre de
vue, eft celle-ci. Tous les animaux qui ont été
fournis aux expériences, étoient comme je l’ai dit
fains & bien conllitués. On leur a donné avec
l’E rgot, des alimens choifis & de bonne qualité;
on les a mis dans la pofition la plus favorable
à la confervarîon de leur fanté, & par confé-
quent ils dévoient être moins fufccptibles que
d’autres d’être attaqués de la gangrène. Les
hommes au contraire, qui ont pu manger de
l’Ergot, fur-tout ceux de la Sologne ( i y , étoient
foibles, pauvres & ordinairement mal nourris,
vivant dans des habitations humides, refpirant
un air chargé d’exhalaifons pernicieufes.
Dans le pays on cuit mal le pain qu i éft toujours
mat. C ’eft dans les années de difette,
qu’ont régné principalement les - ép idémies ,
années où le feigle, indépendamment de l’Ergot
qui s’y trouve mêlé, avoit peut-être en outre
des qualités mauvaifes. Rien n’étoit donc plus
propre que ces circonftances, à les difpofer à
contrarier la gangrène.'
M. de Hyânt, (1) qui pendant vingt-cinq
ans, a exercé la rnédccim' à Romorantm en
Sologne, <croyait qite c ’éfoile piuiOr ; la confti-,
tution des habitans -, à leur genre d>é vie & au
fol maréeageux, qu il falh>îï attîibi:sef l; s épi—
démies gangréneuses , qu’à • une lio urrirùre de
pain fait de feigle Ergoté . Je ne puis f'.voir
fi M. de Ryant s’eft occupé des rapoort'- q t’avoit
le feigle Eirgo-é avec la gangrène fèche , ni qu’elle
confiance mérire fon opinion à cet égar Quor-
^ qu’-il en ta it, les caufes qui’l allégué , doivent être
r admifes comme concourantes, à ce qu’il me
femble.
. (x ) Une figure pâle ôc jaunâtre , une vpix foible , des
y eux lan'guiüans, un gros ventre, une t rilie aii-deJTous
de cinq pieds, une démarche lente, voilà ce qui peut
faire recbnnoît.e à la Ample in'peaion , un habitant de
Sologne, Dans; le pays, les hommes font . fujets aux
fièvres inteon i tentes , aux pbftruétions ôc aux maladies
dépenonntes de I épaifliflément des fluides. .Voyeç un
Mémoire fur ia Sologne , tome premier des Mémoires
de "la Société de Médecine.
(2) Içttce dç M. de Ryant, dit tt Mars
En I777\, on fit dans les Landes ( i ) de plufieurs
paroiffes de la Généralité d’A u ch , pays
où le fol eft prefque analogue à celui de la
Sblogne, une très-mauvaife récolte en feigle,
dont les grains étoient retraits, c’eft-à-dire, étroits,
ridés, n’ayant que l’écorce, & prefque point
de farine; (1) il s’y trouvoit peu de grains
d Ergot. Les malheureux qui vécurent dé ce
grain, éprouvèrent quelques fymptômes feulement
de la gangrène fèche , & d’autres, accidens
qui n’ont pas Jbu dans cette maladie. Il en fut
de même des animaux'auxquels M. Le Brun,
médecin du Roi, dans ces cantons, donna de
ce feigle; il patoît donc que la mauvaife qualité
du feigle avoir plus .de part à cette dernière
maladie, qiie T Ergot qui s’y trouvoit mêlé en
petite quantité ; auffi la maladie n’é;oit elle pas
du genre des épidémies, dont il eft queftion.
Il eft encore à remarquer que fur quatorze
expériences, dans lefquelles des animaux font
morts, pour avoir mangé de l’Ergot , il y en a
onze où il paroît que les défordres caufés par
la gangrène 9 ont été en raifon de la quantité
qu’ils ont mangé de cette dangereufe graine,
eu égard au temps que chaque expérience a
duré. On peut d'après cette remarque, ranger
dans l’ordre fuivant les animaux, félon qu’ils ont
été plus ou moins affectés de la gangrène. i.° Le
cochon nourri par M. Réad; i.° le cochon de
ma quatrième expérience du premier ordre ;
3.0 le cochon nourri par M. de Salerne; 4/ le
cochon de ma troifième expérience du premier
ordre ; 5.0 la dinde de ma fécondé expérience
du premier ordre ; 6.° la poule de in a fécondé
expérience du troifième ordre ; 7.0 les. deux
poules de la troifième expérience du troifième
ordre, lefquelles ayant mangé de l’Ergot en
quantité égale, & ayant vécu le même temps,
ont éprouvé abfolument les même effets, à
quelques nuances près; 8.°' le canard femelle
de ma première expériences du troifième ordre ;
3*° le canard mâle de ma première expérience
du premier ordre; io.° le canard femelle de
ma première expérience du même ordre;
i i . ° enfin, le canard mâle de ma première
expérience du troifième ordre,. parce qu’il
paroît q u e , fous forme de pain , l’Ergot doit
être pris à plus forte dofe pour caufer la
mor/.
Caufes de' la différence qui fe trouve enttre les'
réfultats de MM. Shleger, Model & Parmentier,
&c.& ceux que nous avons obtenus dans nos expériences
y MM. de Salerne } Réad & moi.
La caufe des différences qui fe trouvent entre
les réfultats de ces premiers phyficiens & les
nôtres, a vraifemblablement deux fourcès • la
première'., vient de ce que la plupart de leurs
animaux, n’ ont point été mis hors d’état de
manger autre chofe que des mélanges, dans
lefquels enrrbit i’Ergor. On peut au moins
le iloupçonner ; puifqu’on n’a donné aucun
détails : des précautions ; la fécondé vient de ce
que les animaux n’ont pas pris affez d’Ergot,
ni allez long-temps. M. Schleger ordinairement
n’en donnoit qu’une,, très—petite quantité; une
feule fois il en a donné un once à un chien.
M' Model ne s’explique pas fur la quantité qu’il
en faifoit prendre ; il ta contemoit d’en donner
.une fois ou deux. Danf les expériences de M.
Parmentier , ’ & dans celles qu’une perfonne a
faite dans le Maine y ks: animaux ont mangé
l’Ergot à‘ plus forte dofe ; mais ils ne’ leur en ont
donné, ni la même quantité, ni auffi long-temps,
que MM. de Salerne, Réad &\jnoi, & ils nont
pas approché de ce qu’en peux 'manger un habitant
de Sologne en trois mois, quand il en
a récolté beaucoup. MM. Schleger, Model &
Parmentier fur-tout, ne font tombés dans cette
erreur, que parce qu’ils ont cru que l’Ergot ne
formoit jamais qu’une infiniment petite partie des
récoires; ils n’en jugeoient que parce-qu’ils
voyoient dans des provinces différentes de la
Sologne, & en cela leurs expériences s’accordoient
avec leurs obfervations ; mais-leurs confëquencès
ne peuvent plus être admifes , comme on l’a
vu , & comme on le verra encore; il y a des
pays & des années où l ’Ergot eft extrêmement
abondant,
M. Schleger, en fiippofant qu’un homme , à là
rigueur, nepouvoit jamais manger au-de là d’une
demi once d’Ergot en une fëmaine,. ou, ce qui
eft la même chofe, d’un demi gros par jour
s’eft trompé, comme il eft facile de le démontrer;,
car un habitant de Sologne, qui n’a que du
pain , en mange quatre livres par jour, quantité
produite par la quatrième partie d’-un boiffeau
de feigle, que j’eftime capable de contenir en
certaines années huit onces d’Ergot, puifque
j’en ai trouvé ce poids dans une feule gerbe,
qui pouvoit rendre un boiffeau de grain, me-
tare 'du pays (1) C’eft donc deux onces d’Ergot
par jour, & par conféquent onze livres & quatre
onces dans les trois mois, qui s’écoulent depuis
la récolte du feigle jufqu’à celle du farrafin.
Quoique'd’après les faits & les; réflexions qui
précèdent, il paroiffe évident que l’Ergot donne
aux animaux une maladie gangrèneufe, analogue
à celle que les hommes ont éprouvée daas certaines
épidémies,'en différentes années, en dif-r*
férens pays, & fur-tout en Sologne,. je n’aflureraî 1
(1 ) C’eft la mefiire de Vierz.cn, dent le boifléau, cmv
tient environ quatorze Livres dç. feigle... «
(1) Mémoire erfvoyé par M. Le Brun.
B Je eonferve des échantillons de ce feigle.-