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renient ceffé de couler, malgré cela aucun poiffon
n’y a périr; on a, à la vérité, caffé la glace
de temps - en - temps, mais le propriétaire n£
iemble pas avoir attaché une grande valeur à
•cette circonftance.
Un autre Etang, appartenant au Chevalier
-Jalamondes, de cinq pieds de profondeur, d’une
fil perfidie d’environ vingt mille pieds carrés, a
confervé tout Ton poi/Ton. Le fond de cet Etang
«toit argilkux.
Dans plulieurs autres Etangs du même canton
le poiffon a péri dans ceux qui avoient un fond
,vafeux*. il s’eft parfaitement bien confervé dans
ceux à fond argilleux purgés de toute? les herbes.
L a carpe a par-tout foufferr le plus, enfuite
les brochets & le? anguilles : les ranches réfif-
îoient le mieux même dans les Etangs à fond
vafeux.
Le Prieur de la Chartreufe de Montmerle
auquel M. Varenne s’ëtoit adreifé pour fe procurer
quelques notices fur la mortalité des d;ffé-
rens Etangs que cette communauté poffédoit alors,
lui répondit dans une lettré très-détaillée , que
l ’opinion des habitans du canton, particulièrement
celle d'un des frères chartreux, chargé de
l ’adminiftration des Etangs, étoit que la brouille
(efpèce de graminée dont nous avons fait mention
ci-deffus ) produifoit cette mortalité ; d’après ;
l ’opinion du frère chartreux, cette plante recèle ;
des principes fulfureux, qui tue les poiffons. j
M. Varenne paroît avoir réduit, à fa jufiç va- ;
leur l’opinion du frère chartreux ; quelque peu ’
de connoiffance que l’on puiffe avoir en phy- |
lique, on s’apperçoir aifément, que cette plante i
en elle-même eft très-innocente, mais elle peut ,
comme toute autre produire par la putréfaélion
un air méphitique dans lequel le poiffon ne
fauroit vivre. La réunion de plulieurs faits cités
nous conduit naturellement à conclure que c’eft
uniquement à la qualité de l’air que le poiffon
a été forcé de refpirer, qu’il faut attribuer cette
épidémie. On fait que les ouies remploient à
l ’égard des poiffons, les mêmes fondions que les
poumons à l’égard des animaux terreftres. Les
poiffons refpirent l’eau par la bouche, & l'expirent
par les ouies. Ce vifeère eft comppfé de
parties innombrables mais néanmoins diftindes.
C ’eft dans le teins de l’expiration & au moyen
du froiffement & de la divifîon extraordinaire
que fouffrent les parties de l’eau, que l’air qui.
y eft mélangé, fe détache & entre dans les vaif-
feaux capillaires des ouies, aider à la circulation
du fang.
Le poiffon a donc befoîn que; l’air dont l’eau
-eft impregtiêe, foie d’un degré de pur été comparable
à celui que refpirent les animaux terref-
tres. Mais dans les Etangs vafeux - marécageux -
& bronilleux, & fous une croûte de glace de
quinze pouces d’épaifteur, qui a duré plus de
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fix femaines, l’air, partie conftituante de l’eau,
& qu>y eft en quelque forte diffoute, n’a-t-îl
pas -pu fe corrompre à la longue, caufer enfin
une forte dafphixie aux poiffons, non pas, ù
la vérité, auffi prompte que je fuis parvenu à
leur donner par artifice, mais capable de le
rendre malade & de le faire périr.
*'On avoit déjà reconnu depuis long-rems,
qu’il s’exhale continuellement, du fond des marais,
un air fétide & corrompu, qui ne produit
que trop fouvent des épidémies mortelles. A la
vérité, ces émanations font plus nombreufes
quand la chaleur en favorife le développement,
& voilà pourquoi les pays marécageux font plus
mal-fains en été, mais il en fort dans tous les
tems, & il fuffit de remuer le fond des marais
pendant 1 hiver, pour s’en convaincre, par la
quantité de bulles d’air qui s’élèvent & viennent
crevèr à la fnrface.
Les magnifiques expériences faites de nos jours
fur 1 air & fur les fubftances aériformes, nous
ont appris la nature de celui qui s’échappe des
marais. On lui a donné indifféremment le nom
de gaz inflammable mofétifé, & d’air inflammable
des marais; on y a également reconnu la
préfence de 1 ai? crayeux ou air fixe. Ce gaz de
marais produit par les matières végétales & les
fubftances animales qui pourriffent dans l’eau,
fe dégage des marais, des Etangs, des égouts,
des latrines. Il paroît qu’il eft composé de trois
fubftances aériformes, mélangées à différentes
dofes, à favoir, l’air fixe, la moféte, & l ’ air
inflammable. Sans entrer ici dans des dicullions
fur les différentes efpèces que nous venons de
nommer , il fuffit d’obferver, qu’aucun d’eux
n eft refpirable, fans compromettre la vie de
l’animal qui l’aura refpirè. J
Maintenant, fi l’on rapproche les circonftsnces
dans lefquelles le poiffon a péri dans les Etangs,
de celles où il a été confervé, on reconnoîtra
que la mortalité a.-été d’autant plus grande ,
qu il a dû fe rencontrer plus de matières .propse
à produire du gaz inflammable mofétifé, & de
l’air fixe, • V ; . § J ...
La vafe n’eft que le réfidu de la flercoration
& de la tranfpiration abondante des poiffons,
du fuc des terres qui s’ égoûtent dans les Etangs,
& cette innombrable quantité d’infeétes qui
naiffent, croiflent, multiplient & périffent dans
les eaux ftagnantes.
Plus il y a de vafe* raffembJée; plus la fermentation
a été excitée, plus il a dû fé former
de gaz inflammable mêlé de moféte.. A l’égard
de l’air fix_ë , comme l’eau en eft avide, elle
s’en eft emparée ; mais on verra .bientôt à quel
point l’eau imprégnée d’air fixe eft mortelle aux
poiffons.
La brouille a augmenté la corruption. Cçti$
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plante ne fe trouvant plus en contaél avec lair
extérieur, eft tombée en pourriture, & la pourriture
a produit un gaz qui n’étoit plus refpirable.
Cette fubftance aériforme s’eft élevée au-défi us ,
de l’eau, d’où elle n’a pu fe dégyiger^ fous une
içoûte de glace, de quinze à feizé pouces d épàiffeur.
Le poiffon n’a donc plus eu que de 1 air en
partie méphitique à refpirer ; il a commencé à
fouffrir, puis il a été malade, enfin il a péri.
Suivant toute apparence fa mort a été d’autant
plus prompte, & l’épidémie d’autant plus générale
que les caufes de mortalité ont été plus
abondantes & plus aélives. On a pu faire à cet
égard , d’obfervations, tant que la gelée a duré;
maisileft certain que les poiffons avant de périr ,
ont été très-languiffans, qu’ils avoient perdu leurs
forces, la qualité de l’air qu’il venoient chercher
à la furface de l’eau, a augmenté leur engour-
diffement, au point qu’on en a trouvé, dont
les nageoires dorfales étoient collées contre la
glace, quoique le corps flottât dans l’eau.
Après avoir remonté des effets à la caufe, pour
la connoître, j’ai penfé que la vérité de cette
découverte ne feroit, ni conteflable, ni douteufe,
fi de cette caufe j’obtenois les mêmes réfultats,
c’eft-à-dire , fi je parvenois à donner artificiellement
au poiffon la même maladie qu’il avoir
éprouvée naturellement par le concours des cir-
conftances dont la rigueur de l’hiver l’avoit rendu
viélime. Les. expériences-fuivantes viendront à
l’appui, de mon affertion.
i . e Expérience. Le 6 Mars, à onze heures &
demie du matin, nous avons placé fur l’appareil
pneumato-chimique, une cloche de verre
remplie d’eau, dans laquelle étoient deux tanches
d’environ fept pouces de longueur ^, très-
vives^. Enfuite nous avons' réduit l’eau qu’elle
contenoit, à environ moitié, en y introduifant
de l’air inflammable' produit par la limaille de
fer &- l’acide vitriolique. Les deux tanches fe
font d’abord fort agitées ; leur refpiration étoit
précipitée ; elles remontaient du fond du vafe à
la fuperficie de l’eau , & rèdefeendoieht avec
précipitation. A ces grands mouvemens, qui ont
duré environ une heure, ont fuccédé des mftans
de repos, puis de nouvelles agitations * mais de
plus courte durée que les premières. Ces deux
poiffons fc font affoiblis de plus en plus, leur
agonie a été très-longue. Plulieurs fois je les ai
cru mortes, même dans la journée du fix, cependant
ils refpiroienr encore. Mais le mouvement
de leurs lèvres fe ralentiffoit de plus en
plus, l’orifice de la bouche ne faifoit que's’en
«•’ouvrir, ainfi que la conque de leurs ouies.
L’une des deux tanches m’a paru décidément
morte , le 7 , à neuf heures du foir, & la fe>-
conde étoit au dernier degré d’affoibliffement
à minuit.
Expérience- A onze heures cinquante mi -
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mites, àu moyen du même appareil & fous un
autre récipient, nous avons introduit deux brochets
d’environ huit pouces.de longueur . &
nous y avons fait pafl'er pareillement de l’air
inflammable. Les brochets font entrés fur-le-
champ dans une grande agitation-, ils élevoient
leur tête hors de l’eau, & la repjongeoient bien
vite Le mouvement de leurs ouies & de la conque
qui les couvre, étoit vifible;. mais ils fe. font
bientôt affoiblis : l’un deux, renverfé fur le
ventre , refpiroit encore à trois heures -, l’autre
eft mort une demi - heure après. Au furplus ,
il eft allez difficile de faifir l’inftant où un poiffon
expire : quelquefois on le croit mort, qu’il n’en
eft rien, un moment après- pn le voit donner
encore quelques lignes de vie. Tous les brochets
que nous avons afphyxi^è, avoient la bouche
ouverte après leur mort.
2.e Expérience. Nous avons fait de l’air méphitique
en laiffant éteindre, une chandelle fous
un bocal dont l’orifice baignoit dans l’eau. A
l’aide de l’appareil pneumato-chimique, nous
avons fait paffer cette moféte fous une cloche,
enfuite ijpus y avons introduit , à-peu-près une
quantité égale d’air inflammable. Ces deux fubftances
aériformes, mélangées de la forte, o c -
cupoient environ la moitié de la cloche. Deux
brochets ont été introduits dans l’eau qui rem-
pliffoit l’autre moitié ; nous avonsx remarqué les
mêmes affoibliffemens que dans l’expérience pré- ■
cédente, mais les deux brochets- ont vécu environ
une heure de moins.
4.® Expérience. Nous avons produit de l’air
fixe par la diflblutkm de la craie dans l’efprit
de vitriol affoibli. Après en avoir faturé l’eau de
quatre grands flacons; cette, eau-a été verfée
dans une cloche de verre, on a placé la cloche^
fur l’appareil pneumato-chimique, & nous y-
avons introduit une nouvelle dofe d’air fixe. C’eft.
dans cette eau ainfi préparée, qu’on a fait entrer
un brochet-d’environ neuf pouces de longueur.
Rien n’approche des convulfions où ce-bain
a jetté ce pauvre animal ; tantôt il s’élançoit-.
hors de l’eau avec fureur, tantôt il lui prenoit
destremblemens; quelquefois il ouvroitlahouche
comme s’il eût voulu engloutir une proie, & îaa
refermoit plus vivement encore. Son corps fe
replioit en demi-cercle, changeoit bien vite
de fituation. Nous ne nous fomines point ap-
perçus, mon coopérateur & moi , qu’il ait jamais
ouvert la bouche pour refpirer, ni qu’il ait
entr’ouvert les ouies ; on n’appercevoit qu un peu!
de mouvement fous la gurge. Cependant il a;
vécu plus d’unè heure ; mais la violence de. fes;
mouvemens étoit déjà fort ralentie après le«pre-
mier quart d’heure. Sa bouche eft refléè béante;
après fa mort. Il eft ftngulièrement remarquable,
eue l’eau imprégnée d’air fixe , qui eft devenue,
un remèie.pour les hommes , toit-le. fluide, le