
vertures du nez de la femelle, des gouttes de
fang noirâtre. A cette époque, elle n’a voit encore
pris qu’une once & deux gros d’Ergot. Sa
langue jaùniffoit > & paroiffoit gonflée & molaffe
fur les bords.
Le fixième jour, la couleur du bec commen-
çoit à changer fenfiblement : l’humeur qui for-
toit par les ouvertures du nez, étoir moins rouge*,
*£lle s’éclaircit par degrés, & devint limpide : le
bec fe brunit enfuite, & fe noircit particulièrement
vers fa racine ; la peau qui fupérieurerr.ent
la recouvroit, fe gonfla en plufieurs endroits *,
il devint froid, ainfi que la langue, dont l’extrémité
pàüt, & fe fphacéla (2) au point qu’on
pouvoir en détacher des parties. L’oifeau fur plus
irifle de jour en jour *, quelquefois il appuyoit
contre la muraille fon bec, qui étoit infcél; fes
plumes n’éroient plus lifles & luifantes comme
.auparavant. Il mourut dans la nuit du neuvième
au dixième jour.
Il avoir mangé une livre & quatre onces de
farine de feigle, une once de fon 8c une once
& fept gros d’Ergot.
Le canard mâle ne fut fenfiblement attaqué que
le huitième jour , après avoir mangé une once
& trois gros d’Ergot : alors j’apperçus pour la
première fols une humeur rougeâtre qui décou-,
loir des ouvertures du nez*, bientôt le bec éprouva
aufli de d’altération : le mal fit des progrès juf-
qu’à la nuit du treize au quatorze, que cet oi-
feau mourut : dans ce dernier, la langue pâlit
feulement, fans fe fphacéler ; il différa encore
de l’autre, parce que la membrane intérieure de
fon bec devint noire à fon extrémité. Sur la fin
de fa v ie , il traînoit fon aile, & paroiffoit avoir
des vertiges. .
Ce fécond canard avoit mangé deux livres de
farine de feigle, une once de fon & deux onces
& fix gros d’Ergot.
J ’obferverai que leurs excréments avoient toujours
été moulés, excepté les derniers jours.
Examen & ouverture des corps apres la mort.
Toutes les plumes du canard femelle, dont le
corps étoit très-maigre, tenoient bien ; lès pattes
îi’avoient éprouvé aucun changement.
La chair paroiffoit belle, & étoit fans odeur.
L’oefophage, le gros boyau qui tient lieu d’ef-
tomaCj les mtefiins, & les autres parties du bas-
ventre n’offroient rien de contraire à l’état naturel
: je n’y ai remarqué aiicüri point gangréneux
a pas même le moindre ligne d’inflaoema-
(1 ) Ce mot eft confacré, en chirurgie, pour exprimer
les effets de la gangrené, portée au plus haut degré.
tion. 11 en étoit de même du cerveau & des
vifeères de la poitrine.
Tout le mal étoit concentré dans le bec*, on
y . voyoit une grande tache violette, qui s’éten-
doit depuis les ouvertures du nez, par où elle
avoit commencé, jufques vers la pointe du bec,
dont elle occuppoit la largeur. L’épiderme qni
le recouvre étoit foulevé, gonflé & rempli, en
quelques endroits, d’un fang noir & fétide.
La pointe de la langue étoit fphaeélée, quoiqu’il
n’y eût rien à fa bafe ni à l’arrière-bec.
La membrane pituitaire étoit entièrement réduite
en bouillie noire , d’une odeur infuppomble.
Le corps du canard mâle avoit peu de chair :
j’apperçus à fa furface deux traces d’inflamma-
| tion, l’une au pli, l’autre à la première phalange
I de l’aile, qu’il laiffoit traîner quelquefois avant
fa mort. Rien de particulier dans l ’intérieur de
la^ tête, de la poitrine & du bas-ventre, fi ce
n’eft qu’on diflinguoit encore des parties d’Ergot
non digéré dans le gefier.
Le bec à l’extérieur avoit une couleur livide ;
il étoit gonflé *, on y trouvoit même du fang
noir fous l’épiderme; on'voyoit l’extrémité de
la membrane du palais gangrènée au plus haut
degré : là , le mal s’étendoit depuis la pointe
du bec, où il avoit commencé, jufques vers l’entrée
des narines,* fa largeur diminuoit infenfible-
inent & il étoit environné d’une ligne rouge.
La langue étoit feulement pâle & jaunâtre :
l’arrière-bec & particulièrement l’entrée des narines,
paroiffoient fains*, mais la membrane pituitaire,
depuis l’os frontal jufqu’à l’extrémité
du bec, fe trouvoit entièrement fphaeélée, fans
que les nerfs olfaélifs fuffent endommagés : les
parties même des os quelle recouvroit, com-
mençoient à fe carier, il s’en exhaloit une odeur
infeéte.
Par cet expofé on voit que dans l’un & l’autre
canard, le bec a été particulièrement affeélé.
La gangrène a été plus étendue & plus confi-
dérable dans celui dçs deux qui a vécu le plus
long-temps, & qui a mangé le plus d’Ergot.
Seconde expérience, 8 O Sobre 1777.
Une dinde d’un an, bien conftituée & mangeant
bien , fut defiinée à être nourrie particulièrement
de fon gras ( i)d e froment & d’Ergot
en poudre. Mon intention étoit .d’éprouver û
ce mélange, dans lequel entroit un aliment propre
à engraifier les dindes, produiront le même effet 1
(1) On appelle ainfi la portion de froment qui refte
après qu’on en a féparé la première farine Cette portion
eft compofée de l’écorce & des gruaux, dont on tire „
p a r la mouture économique, la plus belle ôc la meilleure
ferme, t e fo» gras eft très-nutritif.
que celui que jVvois fait donner aux canards.
La dofe d’Ergot ne fut d’abord que d’un trente-
troifième, elle fut portée enfuite jufqu’à un neuvième.
Les fept premiers jours la dinde mangea.-feule
& de bon appétit, quoique dès le cinquième
jour la dofe d’Ergot fût d’un neuvième*, en-
fuite elle fe laffa, & il fallut la faire manger
de force.
Dés le fept, n’ayant pris encore qu’une once
& quatre gros & demi d’Ergot, elle avoit un
oeil enflammé, les ouvertures de fon nez étoient
bouchées.
A l’époque du quinze, je la trouvai fenfible-
roenr maigrie*, elle perdoit de fes plumes, vrai-
femblablement parce que c’étoit le temps de la
mue (2) : celles qui dévoient les remplacer ne
poufloient qu’avec peine. Elle fut auffi attaquée
de vertiges, comme l’un des deux canards.
Le dix-fept, le tour de fa tête étant devenu
violet, il fortoit de fes narines une férofité jaunâtre,
& le deffus du bec changèoit de couleur.
La dinde alors avoit mangé quatre onces & fix
gros d’Ergot.
Le vingt-un, le dévoiement qu’elle avoit eu
quelquefois depuis le quinze, la reprit.
Le vingt deux, elle rendit de l’eau par le bec,
fon jabot étant gonflé & tendu. Elle mourut ce
jour—là, après avoir mangé pendant l'expérience
trois livres de fon gras de froment, huit onces
de farine de feigle , quatre onces de farine d’orge,
que je fus obligé de lui donner pour mafquer
mieux l’Ergot les premiers jou rs ,’& huit onces
& quatre gros & demi d’Ergot.
Examen 8 ouverture du corps»'
Il ne paroiffoit aucune marque d’inflammation,
ni de gangrène aux pattes & au bout des ailes;
un des mufcles peéloraux étoit enflammé : on
voyoit la partie inférieure du poumon gorgée d’un
fang noir.
J ’ai trouvé les bords du bec violets & gonflés,
& la membrane pituitaire fphaeélée dans
tous les finus qu’elle occupe. A la vérité,
la ganrène n’ y avoit pas fait autant d’im-
preffion que dans les canards; mais ce n’éroit
pas^ la feule partie qui fut altérée; car le jabot
étoit enflammé, & parfemé intérieurement de
corps glanduleux, petits & noirâtres. Quelques
portions de la membrane qui unit les cartilages
de la trachée-artère, lovaire en partie, les
deux cæcum, le reétum & leurs attaches étoient
noirs comme de l’encre, & exhaloient une odeur
infeéïe.
Les inteflins;grêles étoient enflammés dans toutes
leurs circonvolutions, & gangrènes dans quelques
parties; ils conrenoienr de diftance en dif-
tance un mucus jaunâtre, & même de la pellicule
noire d’Ergot, qui n’avoit pas été digérée.
Cette dinde avoit mangé cinq onces & fept
gros & demi d’Ergor plus que les deux canards.
Eft-ce par cette raifon que la gangrène avoit
fait fur elle plus de ravage, ou bien e f i- c e
parce quelle y avoit plus de dilpofiiion?-
Troijïème expérience, 12 OSobre 1*777.
Après m’être alluré, pendant fix jours, qu’un
cochon âgé de fix femaines & fevré, mangeoit
avec avidité de la farine de feigle dans du petit-
lait, je commençai à lui faire donner un quarante
neuvième d Ergot, avèe de la farine de féi-
gle délayée dans de l’eau chaude.
Les premiers jours il en mangea, mais peu;
la nourriture étoir renouvellée chaque fois : il
préféroitjes épis de froment qu’il trouvoit dans
fa litière, qu’on changèoit fouvent.
Pour me convaincre que l'Ergot feuî lui étoit
défagréable , je. lui faifoit donner quelquefois de
la farine de feigle pur dort il ne laiffoit pas.
Souvent à la farine de feigle je fubdiiupis celle
d’orge, que les cochons préfèrent à toute autre;
& au lieu de délayer les aliments dans l’eau commune,
on les délayoit dans du pem-iair ( i) . Ces;
changements'é.ioient .d’autant plus néceffaires ,
qu’il falloir perpétuéllement ufer de rufe pour
déterminer le cochon à manger de l'Ergot.
Le douze, après qu’il en eut pris feulement
quatre onces & demie, l’extrémité de fes oreilles
& de fes pieds me parurent rouges. L ’animal
avoit le ventre refferré, malgré l’ufage du petit-
lait.
Les jours fuivans, il fit encore des difficulté«
qui m’obligèrent d’avoir recours à d’autres moyens.
Enfin je lui donnai de l’Ergot avec du lait; alors-
il en mangea fans peine.
Le dix-huit , la rougeur dès oreilles étoit plus
étendue, celle des pieds gagnoit les jambes, &
augmentoit d’intenfité ; la queue & les oreilles
étoient pendantes; le cochon maigriffoir.
Vers le vingt , fon ventre me parut tendu ;
fes jambes devenues violettes & froides étoient
gonflées , & avoient de la peine à foutenir fora
corps; l’intérieur de la geule étoir enflammé. Le
cochon moins v if qu’à l’ordinaire , & comme
étourdi, éprouvoit au corps des démangeai fons^
dont je m’apperçus,' parce qu'il cherchoit à fe
frorter.
( î ) Le petk-lnit, avec lequel on nourrir quelquefois les
cochons dans les Fermés , eft toujours mêlé de beaucoup
de parties caféeufes. Ce fut celui-(z) C’étoit au to Oftobre, là-que- Remployai..