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font 'imitateurs, ils furpaffent aifément leurs
maîtres; là , c’eft la nature; jl’a'rt. paroti à peine,
parce que les fabriqnes ont un rapport parfait
avec les fîtes & que les pro'.'petfls font ménagés
avec affez d’adreffe, pour qu'on ne foupçonne
pas l’intention. Depuis cette époque les Jardins
payfagiftes fe font multipliés, ils fuccèdent partout
à ces charmilles infenfibles, à ces lalles de
verdure fans ceffe tourmentées par les cifeaux
des Jardiniers, à ces parterres tracés au Cordeau
découpés bizarrement dans chaque carré. Ces
châteaux à façade ; ces parterres en avant, où -
rien ne garantit de farceur dn foleil, où les
arbres qui oient parottre font contraints à une
forme inflexible par l’inflituteur jardinier’/fera-»
blent rappellçr les fiécles où on devoit s’y promener
le chapeau fous le bras & l’épée au côté.
Rien n'y invite à cette douce confiance, à cette
aménité qu’inlpire un bofquet, où les arbres,
livrés à la nature, fe balancent dans les airs &
dans leurs ondulations, préfentent au moins de
l’ ombrage & de la fraîcheur. Là, ce ne font plus
ces allées découvertes, où le maître du logis peut
voir d’un coup - d’oeil fes convives, & lire en
quelque forte, dans leurs geftes, toutes leurs
penfées. Les bofqoets portent avec eux la liberté,
& le changement de Décoration des Jardins
a dû changer la manière de vivre à la campagne,
& par conféquent influer fur les moeurs
de°la Nation. Plus de libene & moins d’étiquette
; des moeurs aifées , une confiance naturelle;
plus de liaifons entré les individus, en
même tems que les vices, productions naturelles
des cours, ont dû tendre à s'effacer.
Rapports du Genre de Décoration avec le
Site.
Un peintre imite & ne copie pas. Le cadre
qu’il adopte ne peut pas renfermer tous les
objets qu’il a fous les yeux ; fon tableau c’eft
l ’ouvrage d’un homme , le fite eft forti des mains
de la nature. Pour compo er un beau payfage,
il doit élaguer, il faut qu’il fe borne à ia repré-
fémation de quelques-uns des accidenS , quil
les choifîffe de manière à former des contraries,
à répandre de la variété ; car le payfage de la
Nature perd , en paffant fur la toile , cette
impreffion de calme & de bonheur que la Nature
répand dans notre ame. Nous en éprou-
' vons les fouvenirs, lotlque nous voyons le
tableau d’un fite dont nous avons joui ; il faut
que l’art du Peintre remplace, en rendant plus
magique fon tableau, ce qu’il: y a de différence
entre la jouiffance & fon fouvenir. Le travail
doit être le même pour le Peintre, le Décorateur
de Speélacle & le Décora eur de Jardin ; tous
veulent réveiller des fouvenirs de la Nature, &
doivent unir la vérité au pittorefque , pour
produire l’imprefiion qu’ils veulent faire naître
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dans l'âme de leurs fpeétateurs. Sans vérité point
d’iilulion, donc pomt d'effet ; il faut que la
Décoration, ou, pour mieux dire, le travail d§
fartifte foit conforme au fire.
Un terrein montagneux, où toutes les terres
ont une inclinaifon rapide, paroît commander
des eaux en cafcades, en chutes variées & di—
verfifiées, tantôt roulant en écume, tantôt fe
précipitant fur des rochers. De-, nappes d eau
tranquille fe forment naturellement dans les
vallons qui fervent de bafe aux montagnes ;
(i la Nature n’en a pas formé, le Décorateur
p eut, fans blefler là vérité du lite, y pratiquer
des bafiins, des nappes dont les bords plus ou
moins champêtres, bordés de rocaiiles ou de
prairies , s’ada.tent à l’enlêmble du pays. Un
lac, un étang poiffonneux y préfentent un moyen
heureux de D coiation , fans occuper la place
l inutilement.
Un lite irrégulier eft décoré par la Nature,
l’art a peu de chofe à taire pour le rendre
agréable ; le Décorateur doit adoucir les formes
trop dures, & encore cette condition ne devient
néceflaire que dans les pays rocailleux & trop
couverts : tout le travail çonftfte à ouvrir des
profpeéb, à combiner le maffesavec les éclaircis
& les grands effets de la nature avec le travail
de l’homme. Un fite trop défert, trop lau-
vagé, fait naître des {enfations pénibles; l’homme,
dont la fociabili é forme Peffence, eft fatisfait
de voir les traces de la pré l'en ce de fes fem-
blables : il cherche bien la lolitude, mais il ne
la veut que momentanée, il defire, au fond
de fon ame, de pouvoir la rompre à volonté.
Première règle pour décorer des fîtes trè&-
| agrefles, c’eft que l’art y laiffe comme échapper
la trace de fon paftage. Et quelle trace r Un
arbre ployé, dont le tFonc forme un banc &
quelques branchages le doftier, un fentier qui
lerpente. une fontaine ruftique, puis des prrof-
peéls ménages qui fervent à lier ce fite fauvage
aux lieux habités. .
Quelques fabriques, mais peu nombreufes,
peuvent ajouter à la Décoration de ces faes.
Une maftire, refte d’ancien château, réveillant
le fouvenir des nobles voleurs qui vécurent jadis,
ajoutera l’idée de mort & de brigandage;
l’oeil le détourne, fe reporte, par un éclairci,
vers la Nature cultivée, & I imagination compare
ce liée le féodal au fiécle de la vérité :
c’eft jouir de fon exillence & de fon fiécle. Un
pont hafardé fur un ruifléaudominant des
chûtes- & des accidens alpcftres, peut encore
être une fabrique ana ogue à ce lite. Je le répète
, lorfqu’un fite eft montagneux , on doit
ajouter peu de chofe pour achever fa Décoration
; mais la Nature offre rarement des lires
aufii précieux, prefque tous les pays à décorer
font en plaine, ou dans des terreins faiblement
irréguliers : c’eft-là que l’homme doit tirer to u
«e rien St ménager hifqu’aux moindres accidens,
pour les encadrer dans fon tableau.
p Morel, qui a écrit <ur !es Jardins, en distingue
quatre, ordres différer ; le J>«v, le
Jardin \ Pays, la Ferme Le caraélère partt-
culier & diflinèÜfde chacun «ÇÏÏJt-'g ( Jh‘ ° r‘ e
des Jardins.) la variété pour le Pays la nobleffe
cour le Parc , l’élégance pour le Jardin , la
fiinplicité pour la Ferme Lapons le parc qui
Hf s’enlevelir, av’ec les châteaux , dans les dé-
coTibres de la féodalité; les autres Jardins lont
les Yeuls qui nou concernent. t
Le pays ; c’eft l’encadrement de la propriété
individuelle ; le pofléffeur d’un terrein peut répartir
les diverfe- parties de fes Décorations de
manière à fe ménager les profpeéts le= plus
agréable : c’eft fur la nature du pays qu'il doit
modifier fes plsntarions, fes fabriques & fes
cultiues, car les cul ures fe combinent avec les
Décorations. C'eft comme contéquence que j’ai
dit plus haut que les fites montagneux ont be-
foin de pen de Décoration, car le Pays décore,
il ne faut que pratiquer des éclaircis pour en
jouir.
La divifion de Jardin & Ferme que préfente
enfuite Morel, bonne pour fon fiécle, s efface
à préfent ; fout citoyen voudra décorer fan
manoir, ( i ) mais le décorer utilement : auftî
le genre du Jardin, c’eft à-dire la terre confa
crée à des Décorations flériies, va tomber en
défuétude & fe combinera graduellement avec
la Ferme ou Décoration utile. Ainli donc toutes
fes diviftons fe bornent en Pays & Ferme ,
c ’eft-à-dire , pour parler plus Amplement, qu il
faut combiner la Décoration de fon terrein avec
J’enfemble du fite. Que de grands mots qui, réduits
à leur jufte valeur, déracineroiem \a.Jïicnce
pour offrir une vérité connue de tout le
inonde !
K » Le premier conp-d’oeil de la magnificence,
dit Girardin, (D e la compofition des pàyfages )
peut quelquefois éblouir & fui prendre ; l’cftej,
au contraire, de la Nature c’eft de ne point fur-
prendre : mais plus on la voit, plus elle pàroît
aimable, & les douces fenfatiorls que fan afpeél
produit, par une analogie que toü: homme ne
peut manquer d’éprouver , font in enfibh ment
pafler *jufqu’à Pâme des impreftions voluptueufes
& touchantes. » Voilà la baie de tout ce qu’on
peut dire fiir la Décoration des Jardins.
Un pays de plaine exige un genre de Décoration
dire&ement oppofé à celui de* pays de
Montagne. C’eft le manoir qui eft le point central
de notre^habiration, ou du moins le lieu le
plus fréquenté & le centre où nous devons rapf
t ) Les Diftioimaixes ont décidé que le mot manoir
a vieilli : mais on peur décider cpntre eux qu’il eit
bon î puisqu’on se peut le remplaces même par domicile.
porter chacune de nos Décoration!, de manière
à produire pour chacun des points un profpcéV
agréable. Un pays de plaine offrant une lor gue
perfpeéüve fans objets bien faillants, qui préfentent
un repojoir à la v u e , indique, par fa
nudiié même, Je moyen de rendre un tel fite agréable.
L ’oeil y Cherche un point d’appui, il faut le
lui donner. S’il eft trop près du manoir : par
un effet naturel de la perfpedlive, le prôfptél:
paroît fe prolonger davantage ; il faut donc ,
pour en raccourcir l’effet, jettër les maffes à
un certain éloignement, que ces maffes qui
forment un cadre laiftem oes ..éclaircis dans les
endroits où le pays eft le moins uniforme, tel
que Peau, quelque village _, quelque bofquets
éloignés -, &c. Mais l’enfemble du rideau doit
être à une certaine diftance ; alors l’oeil trouve
un point d’appui entre les détails voifins du
manoir, & le pays fans borne qui s’ouvre devant
lui.
Par un principe contraire, un pays irrégulier
préfene fouvent des profpeéls trop rapprochés,
où le pays écrafe le fire à décorer. Il convient
alors de jetter les mati'es fur les devants; ils
forment une avant - kène qui repoufle au
h-in, en perfpcélive, les objets qui paroif—
faienr fi près. Les principes de la Décoranon des
Jardins font les mêmes qqe pour la Peinture."
Des Fabriques,
J ’ai déjà dit plufieurs chofes far les fabriques,,
aux articles C a b a n e , C h aum iè a e , Beauté!.
On a \ oulu faire des fabriques pittorefques, &.
les -hommes ôpulens, pour qui le malheur des
hommes pauvres n’étoit rien, ils ne le parta-
geoient pas, ont multiplié les cabanes & autres
imitations des demeures de l’indigence, tandis
qu’a l’intérieur tout y refpiroit lé luxe. Çes fabriques
qui réveillent l’idée .du malheur d’une
partie de nos frères, qui retracent l’idée de be-
fains & de fouffrances, devroient être proferites
par tous les hommes qui n’ont pas des aines de
roi. Adoptons des fabriques qui nous retracent
le bonheur, fi nous voulons jouir, & réveillons,
par ces conflruélions de lu xe, des lèntimens
chers à la patrie, l’amour des hommes4 des
lieux confacrés aux vertus civiques, des retraites
d’hommes heureux ; alors nos Jardins, conformes
aux fentimens qui nous, animent, ne
feront plus la flétriflure du poffeffeur.
Peu de fabriques; des arbres, des arbuftes,
de la végétation fatisfont davantage dans un
payfage, que toutes les conflruétions de l’homme.
I£s fabriques décorées dérruifent l’imprelfion de
la Nature & l’art imite difficilement fes acci-
I dens v un rocher, une chute, Une maltire,travaillés
à grands frais, portent toujours une empreinte
du Cifeau le de la main de î’A rtifk ,