
fit injecter plufieursfois dans le bec, un demi-
gros chaque fois : tous ces annimaux fe portèrent
toujours bien*, les deux pigeons furent tués
au bout d’un mois, & mangés fans nul inconvénient.
Enfin il forma encore un pain Ergoté, que
deux perfonnes mangèrent pendant huit jours,
en le trempant dans du bouillon. La proportion
de l’Ergot étoit telle, que chaque perConne
mangeoit une once & trois gros d’Ergot, en tout
cinq onces & demie. Le refie de leur nourriture
confiftoit en un quarteron de viande, une
demi-livre de bon pain. & de l’eau. Elles n’éprouvèrent
pas la moindre incommodité.
Expérience faite dans le Maine (i)..
Une perfonne qui habitoit le Maine &
dont l’expérience n’a pas été publique a
defiré s’afïurer par elle-même, fi les effets de
l ’Ergot étoient, auifi pernicieux que le bureau
d’Agriculture du Mans l’a annoncé en 1764. A f-
furéequ’une graine quelle avoit ramaffée, étoit
le véritable Ergot nuifible, elle fit attacher par
la patte, dans l'a cuifine, un jeune coq de trois
à quarre mois. Qn deffécha de l’E rgot, on le
broya dans un moulin à poivre, on en pétrit
de temps en temps de la farine avec de l?eau
& on la mit cuire fous la cendre en forme de
tourteau. Ce fut pendant trois^ femaines la nou-
riture unique du poulet, fi ce n’eft qu’il ramaf-
foit, par hafard, quelques miettes dans l’efpace
où il pouvoir fe mouyoir : il étoit fouvenc vi-
fité; on remarqua feulement qu’il, mangeoit du
tourteau avec beaucoup de répugnance , qu’il
devenoit trifie & maigre de plus en plus, & que
fa crête avoit beaucoup pâli • ce qui fut attribué
à fa détention. Au bout de trois femaines
on le relâcha; il reprit fa gaieté & fa crête redevint
vermeille. Il av.oit mangé, une livre & un
quarteron d’Etgot.
Le bureau d’Agriculture du Mans, auquel cette
expérience fut communiquée, ne la regarda pas
comme.fuffifante & comme afiez probatoire pour
détruire des expériences contradictoires, parce
qu’un feu! fait, d’ailleurs fufceptible d’être dif-
cuté, n!eft. jamais une preuve convaincante. Le
bureau, penfa fagement que, vu l’état de la crête
du coq, fi on eût continué à lui donner de l’Ergot,
il auroit éprouvé, des effets plus marqués.
On ne peut cependant difconvenir que des
expériences de cette efpèce font très-importantes,
& capables de lailfer des doutes fondés
ffir les effets funefies.de l’Ergot. S!il n’y avoit
f i ) Le détail de cette-expérience m’a été commu&iquçe
fiax. la gerfonnç même, qui Ta faite,.
I eti trop derifque à raffiner les habitans des carrr
pagnes fur leurs» craintes à cet égard, & fi on
n’avoit pas foupçonné que les quantités d’Ergot
qu’on a. employé étoient peut-être trop foibles,
perfonne n’auroit ofé entreprendre de nouvelles
expériences, & on eût regardé l’Ergot comme
innocent. Mais à quels- dangers n’expofbic- on
pas les habitans des lieux oû il eft abondant,
li une erreur dans les expériences eût été caufe
qu’on l’eut juftifié à tort? Parmi les fubfiances
nuifibles, n’y en a- t-il pas qui empoifonneiit
lentement, & lorfqu’on en prend une certaine
quantité ? Aucun des hommes q u i, d’après
les expériences de M. Parmentier, ont mangé
de l’Ergot, aucun des annimaux auxquels lui &
d’autres en ont donné, n’ont approché des dofes.
que MM.. de Salerne & Réad ont fait prendre
aux deux cochons, qui en font morts. Ces réflexions
ne feront pas certainement défapprou-
vées par les favgns doni> les intentions font pures :
c’efl un témoignage que je dois fur-tout à M.
Parmentier, à caufe des preuves que j ’en ai entre
les mains (1),
Expériences deftinées à faire connoitre quelles font
.celles des précédentes.) qui méritent le plus de ■
confiance.
La diverfiîé. des réfultats obfenus dans les- expériences
de MM. de Salerne, Réad, Schler-
ger, Model & Parmentier. ayant donc néceffité
de nouvelles recherches, j’ai cru devoir ne négliger
dans les miennes aucune, attention & fur-
tout être exaél dans le calcul & les. proportions
des alimens qu’il falloit joindre à l’Ergot : je ne
me. flatte pas. d’avoir atteint aufli parfaitement:
qu’on le defireroit le but que je me fuis pro-
pofé; mais l’expofédes précautions que j’ai prifes,
le détail de chaque expérience & les conséquences
qui peuvent en être tirés, mettront les leéleurs
en état d’en juger;
Précautions prifes dans lès expériences.
J ’ai fait choix d’ànimanx de différentes efpè^
ces, tous bien fains,v& la plupart dans l’âge
de la force; trop jeunes ils auroient pu s’accoutumer
à- la nourriture que je voulois leur donner;
trop âgés, ils auroient peut-être, eu déjà de
la.difpofirion à la gangrène..
Les quadrupèdes onr été placés dans dès. cabanes.
fpacieufes & fuffifamment aérées ; &- les
oifeaux dans des poulaillers vaftes , dont les fenêtres
étoient grillées & les- portes exactement
fermées, pour ne s’ouvrir qu’ên m’a préfence.
Il eût été. mieux, fans, doute, de. laiffer ces anir
maux en pleine liberté ; mais dans ce cas com- I
mert les, conferver, comment les contraindre
de manger, iorfqu’ils rèfufoicnr ce qu’on leur
préfcnioitr Comment empêcher qu’on ne leur
donnât fecrèiunent dés aliments capables de dé- ,
truire les effets de l’ ergot ?
Les habitans de Sologne, où la maladie gangrène
ufe a régné le plu» fou vent, & où l’Ergot
efi plus abondant qu’ailleurs, ne vivent, pendant
les trois premiers mois qui fuivent la récolte,
que de pain fait de feigle, en y com- $
prenant le fon. Pour imiter d’abord leur ,manière
de fe nourrir, je fis donner aux animaux
de l’Ergot réduit en poudre, & de la farine de
feigle : en fuite j’y mêlai d’au tres aliments, foit
pour les engager, par ces changements, à prendre
plusaifément de l’Ergot, foitpour être affuré
des effets de cette graine jointe à différentes fubfiances.
Chaque jour les dofes d’alimens & d’Ergot
étoient pefées, les vaiffeaux & ufienfiles donron fe
fervoit, bien nettoyés, l’eau qu’on deftinoit à abreuver
les animaux, renouvellée. Lorfque par dégoût,
quelques-uns n’avoiem pas mangé leur nourriture,
je la faifoit jetter, pour en fubfiituer de nouvelle.
Les proportions d’Ergôt varioient du- commencement
à la fin de chaque expérience r d’abord
je n’en faifois donner qu’une petite quantité,
qu’on augmentoit par degrés. 11 falloit éviter
par cette attention, dé caufer la gangrène "
aux organes de la digéfiion, avant de la déteiv f
miner aux extrémités, parties quelle artaqUoit
fpécialement dans les maladies de.Sologne. Quelquefois
je fis mettre"'un quart, & même plus ;
d’un quart d’Ergot dans la nourriture; mais ce
fut rarement, dans- quelques ;cîrconfianets feulement
, & particulièrement dans les premières
expériences, où il s’agiffoit, peur ainfi dire, de t
tâtonner. D’ailleurs,.en certaines années les* ha-
birans de-Sologne peuvent habituellement en manger
prefque cette quantité pendant plufieurs mois
de fuite, comme le prouvent les calcyls que j’en
ai faits.
Je marquois exa&ement fur un journal les
dofes d’Ergot & d’alimens, les dérangemens dont
je m’appercevois- dans la famé (des animaux, &
tous les phénomènes qui fe prélentoient avant
& après leur mort. Enfin, pour donner plus ;
de force aux expériences, elles ont été faites:
dans un pays très-fain ( 1 ) & en préfence de
perfonnes dont le témoignage nefauroit être fuf-
peél (2).
- f t) A Andonville en Beauce; ou -pavais - rapporté de
Sologne, quarante-cinq livres d’Ergot., qui m’avoient coûté
à ramaffèr beaucoup de temps, de peine & de patience;,
au milieu d’une foule diobftacles Sc de dangers, même
de la part'des gens dti pays, qui ne comptant'pas fur
la pureté de mes intentions, font excnfablés à plus d’un
égard.
Je placerai fous trois ordres toutes les expériences
dont je dois rendre compte. Le premier
comprendra celles qui prouveut jufqu’à quel poinü
l’Ergot récent peut-être dangereux ; le fécond,
celles qui démontrent l’extrême répugnance des
animaux pour cette graine^ & dans le troifième
feront celles qui - confiaient que' de'l’Ergot ancien
n’efi pas moins funefle que de l’Ergot récent,
que celui de Sologne n’efi pas le feui ir.al-
faifanr, & que cette graine donnée fous forme
de pain , caufe la mort , comme lorfqu’on la
donne fans lui faire fubir la fermentation & la
coélion»
Expériences du premier ordre, qui prouvent ju f -
qu}à. quelpoint V Ergotrècentpeut-être.dangereux*
Première expérience y z z Septembre 2777»
Deux canards, de l’âge de quatre mois, un
mâle & une femelle, ayant été renfermés en*-
femble, on leur donna le premier jour de l’Ergot
en grain, auquel ils ne touchèrent -pas. J ’y
lubftituai une pâtée faite avec de la farine de
feigle & de la poudre d’Ergot : ils n’en mangèrent
que très-peu, on les fit promener pour
leur donner plus d’appétit, mais ce fut inutilement
: il fallut donc leur en faire avaler de
force. Les deux jeftirs fuivans on les nourrit ainfi.
Le quatrième jour pour voir fi leur appétit
étoit dérangé ,7'je leur fis jêfter de l’orge en grain,
dont ils ne Jaiffèrent rien. Voulant en fui te m’a f-
fùrer fi ce n’étoit pas pour la farine de feigle
autant que pour l’Ergot qu’ils avoient de la répugnance,
je fis mêler du fon gras de froment
à de la poudre d'Ergot; ils n-en prirent pas puisque
du mélange de farine & d’Ergot. On continua
à- les empâter , comme on empâte les-
volailles qu-on engraiffe. On avoit P attention-
d interrompre ( 1 ) de tems en teins cette opération
pour les faire boire,r afin de fe conformer
à la coutume des canards : on leur introd
uisit la nourriture dans le bec fans les bleffer..
Ils mangèrent d’abord un dix-feptième d’Er—
got, dont j ’augmemai là proportion jufqu’à uns
neuvième.
Dès le cinquième jour il fuintoit, par les ou«-
démid des Sciences , direûeur ' du Génie , aufli dit—*
tingué par fes. connoitïances en phyfîque , que par les
qualités militaires; M. Lelorg, maître des comptes Sp
M. Pelé, artifte vétérinaire éclairé. J ’ai toujours cherché
les lumières des autres, pour être moins fujet
errer..
( 1 ) Indépendamment'de cette précaution, nécelTaire
dans le momint pu on" les fa ifo it‘ manger , ils avoient
toujours- dans leur cabane, de l’eau pour boire- & p/3va?£
barboter..