qn’i c i , offre des détails qui fans doute fatisfe-
ront la curiofité de plufieurs phyfioiens. Ils me
fauront gré devoir développé, autant que je le
pouvois, toutes les particularités qui concernent
les qualités extérieures, la manière dont il fe
forme, fes principes conflitutifs & fes caufes.
Mais fi je m’en étois tenu à ces obfervations,
je n’aurois qu’imparfaitement rempli le but que
je me fuis propofé ; car je-devois fpécialemcpt
m’occuper de faire connoître les véritables effets
de l'Ergot, fur les hommes qui s’en nourriftent
quelquefois. C’eft-ià le point qui intéreffe un
grand nombre de perfonnes, & celui fur lequel
les avis & les opinions ont été très-partagés.
Je me croirai heureux fi mes obfervations &
mes expériences, peuvent tellement éclairer le
public fur cet objet, qu’il lâche déformais à
quoi s’en tenir. Je parlerai auffi du tort que
l’Ergot fait aux cultivateurs en diminuant le
produit dé leurs récoltes. Quelqu’avantageux
q u’il fût pour cette claffe de citoyens, d’être
délivrés d’une production qui tient la place de
bons grains, fi l’Ergot eft innocent, on a bien
moins d’intérêt à le détruire.
Opinion commune fu r Us effets de VErgot.
Il a régné en différentes années des épidémies
gangrèneufes qui ont été attribuées à l’Ergot ,
parce que dans les pays où elles fe font mani-
fefiées, il s’étoir formé beaucoup de cette graine
*dans ia récolte qui avoir précédée. On les a éprouvées
vers l’année 1776,(1) auxènvironsde Blois &
deMontargis; en 1709 (2) en Sologne, dans le
Blaifois & dam le Dauphiné ; en 1747 (3) en
Sologne; en 1749 (4) auprès de Lille en Flandre
& de Béthune en Artois ; en 1764 (5) auprès
d’Arras & de Douai; en 1772 (6) en Sologne ,
fur■ tout' à Nancay, & depuis ce temps-là (7)
dans le Limoufin & dans l’Auvergne. Je ne parie
pas de celles qui ont caufé de grands ravages dans
toute la Heffe, eu 1597 , dans d’autres parties
de F Allemagne, en 1648 , 1649 & 1675- ni de
celles qui ont régné dans la Luface, dans la Mifnie 1 * 3 4
( 1 ) Mémoires de l’Académie des Sciences, année 1676.
(z ) là. Année 1 7 1 0 , St détails communiqués par l’Abbaye
Saint-Antoine.
(3 ) Mémoires de l ’Académie des Sciences , & Mercure
de Janvier 17.4 8 •
(4) Obfervations de M. Boucher, médecin de Lille,
journal de Médecine 1 7 6 2 , & Mémoires de M. Cauvèt,
adrelles à la Société de Médecine, en 1777. Ces deux
Médecins , trçs-eftimés, ont attribué cette maladie aux
variations de-Pair, &T non à l’Ergor.
(y) Méthode curative, par MM. de Larfé & Taranget,
? Arras, 175s'.
faits qui me font connus.
& dans le canton de Lucerne, parce qu’elles ont
des fymptômes^différons, comme on peut le
voir dans un bon Mémoire de M. Saillant, inféré
dans les Mémoires de la Sociéré de Médecine,
année 1776. Il paroît que la Sologne a été le
plus fouvenr affligée de ce'fléau, ce qui a confirmé
dans l’idée qu’il eft occafionné par l’Ergot.
. Ce fut vers 1670 ou 1672 que M. Perrault en
informa le premier l'Académie des Sciences. M.
Dodart, en 1675, rendit compte à la même
compagnie de tout ce qu’il avoit appris fur ce
fujet. Mais les perfonnes, qui lui avoient écrit,
n’alléguoient aucuns faits qui puffent prouver
que l’Ergor étoit la véritable caufe du mab.LA-
cadémie alors, pour s’en afturer, arrêtà qu’on
feroit des expériences, tant pour connoître lo*
rigine de l’Ergot, que ponr conftater fes effets.
Elle crut également néceffaire d’en faire l’ana-
lyfe chimique. On ignore par quelles circonftan-
ces les vues fages de cette Compagnie n’ont pas
été remplies; des expériences faites par fes membres,
auroient,‘dèsce temps-là éclairci, la queflion
d’une manière fatisfaifante. Le travail que je
publie aujourd’hui fur l’Èrgot, eft abfolument
tracé fur ce plan. Si on le trouve de quelque
utilité, c’eft à l’Académie des Sciences qu’ on en
aura Ja première obligation. Depuis cette époque,
cette Compagnie eut connoiffance. des mêmes
maladies, qui fe firent fentir- en Sologne : on
annonçoit toujours, fans le prouver, que l’Ergot
en étoit la caufe. Après un Mémoire de M.
de Salerne, médecin d’Orléans, imprimé dans
le fécond volume des Savans Etrangers,, on commença
à fortir de l’incertitude raifonnable ou 1 on
avoit été jufques-là. . Dans ces derniers Temps >
quelques Phyficiens eftimables, (1) guidés fans
douté par des motifs louables , ou cru pouvoir
j-ufiifier l’E rgot, d’après des expériences' qu’ils
avoient-tentées. Les faits qu’ils ont publiés, ont
jetté uu grand nombre de perfonnes, dans l’état
d’indécifion ôù l’on étoit avant le mémoire de
M. de Salerne. Comme cet objet intéreffe la
famé des hommes;, la Société de Médecine (2)
a penfé qu’il lui importoit de connoître la vé-
jité oans cette circonftance. Elle a décidé en
conféquence qu’il falloit de nouveau confulter
l’expérience -, & elle m’a chargé de ce foin.
Deux chcfes m’ont paru néceffaires p-our parvenir
, d’une manière plusfure, au but pfopofé ;
Ja première, d’examiner le fol de la Sologne,
fi abondante en Ergot, l’air qu’on y refpire, les
alimens dont fe noufriffent les habitans, leur
(1 ) MM. Schléger, Model & Parmentier,
(2 ) La Société, ppur cet objet, nomma plufieurç
CommhTaires , favoir, MM Dejuffieu , Paulet, Saillant,
Chamferu & moi Chacun de nous fit quelques recherches
dans les Auteurs, & l’on voulut bien s’en rapporter
à moi pour les obfervations & les expériences.
ponftitution,
cunftitution , leur genre de vie, les maladies auxquelles
ils font fujets, afin que s’il étoit prouvé
que l’Ergot ne donnât point la gangrène féche,
qui règne quelquefois dans cette province, on
pût avoir fur fà caufe de nouveaux renféigne-
mens; la fécondé , de chercher à découvrir l’origine
de l'Ergot, de voir cé que les feigles
en produifent, & l’ufage qu’on en fait, enfin
d’en ramaffer une quantité fiimfante pour en
donner à des animaux , & en faire l’analyfe chimique.
Ces confidérations adoptées par ta Société,
& accueillies par M. Néker, direéleur-général des
finances,, ont déterminé un voyage que j’ai fait
en Sologne, au mois de Juillet 1777; voyage dans
lequel je n'ai rien épargné pour m’acquittér convenablement
de la cominiffion dont j’étois chargé.
OPINIONS ET EXPÉRIENCES,
Qui tendent a faire regarder l’Ergot 3 comme
caufe de la gangrené fèche.
Je pourrois citer ici un grand nombre'de perfonnes,
dont les noms font refpeétables dans
les Sciences, qui ont penfé & écrit, que l’Ergot
étoit la caufe des gangrènes fèches de la
Sologne ; mais les uns ont conçu cette opinion
d’après de Amples oui-dire , & fondée feulement
fur ce qu’en certaines années» fécondes en Ergots
, i f eft venu de plufieurs cantons de la Sologne
à l’Hôtel - Dieu d’Orléans , beaucoup
d’hommes attaqués de cette maladie. Les autres
ont adopté la même idée depuis le Mémoire de
M. de Salerne , médecin d’Orléans, qui rend
compte d’une expérience propre à conftater les
mauvais effets de l’Ergot. S’il eft permis de le
dire, les premiers ont regardé trop précipitamment
l’Ergot comme dangereux, parce que les
maladies de Sologne', quoiqu’elles règnaffent d’autant
plus qu’il y avoit plus d’E rgot, pouvoient
dépendre d’une ou de plufieurs autres caufes.
Ceux q ui, pour former leur avis, ont attendu
la publication du Mémoire de M. de Salerne ,
fe font moins expofés à être trompés, parce
qu’ils ont jugé d’après un fait pofitif. Mais ce
n’en étoit encore qu’un , & il avoit befoin d’être
confirmé par les expériences de M. Réad, qui
ne s’en eft occupé que iong-temps après : çelles-
ci ont bientôt été fuiviesde beaucoup d'autres,
dont les réfultats font totalement oppofés à ceux
de MM. de Salerne & Réad. J ’expo ferai les unes
& les autres, & enfuite, celles que j’ai cru
devoir faire , pour décider la queflion.
Expériences de MM. de Salerne (1) & Réa d .fi)
M. de Salerrie a nourri un cochon, d’abord
(1) Académie des Sciences, Tom. 2 des Savans Etrangers!
_ _ (.2) Traité de l’Ergot par M. Réad, H&çdeçin 4ss hôpitaux
Militaires.
Agriculture. Tome IV*
Ide fon de froment, enfuite d’orge mêlé avec de
l’Ergot. L’animal en a mangé environ huit livres.
Il marqua les premiers’ jours une grande répugnance
, qui ceffa quand on eut fubftiiué l’orge
au fon. Au bout de quinze jours fon ventre
devint dur; fes jambes furent rouges & erriflammées
; il en fuinta une liqueur verdâtre & infeéle,
qui augmenra'de jour en jour. Le dos & le def—
fous du ventre noircirent ; la queue & les oreilles
étoient pendante;» L’animal avoit de la peine à
marcher, il chanceloit & feplaignoit : cependant
il cônfervoit de l’appétit. Ses urines couloient
librement, & fes excrémens étoient durs. Il
mourut : on trouva une tache gangrèneufe au
foie; une partie du méfentere, le jéjunum,,& •
fur-tout l ’ileum étoient enflammés. Il y avoit
fous la gorge & fous le ventre quelques boutons
noirs & entrouverts, par lefquels il fortoit une
humeur rouffe : le corps^de l’animal étoit très-
■ maigre.
M. de Salerne à l’appui de cette obfervation
rapporte une lettre d’une demoifelle de la Borde-
Vernoux, en Sologne, qui annonce qu’un cochon
a perdu les quatre pieds & les deûxoreil«
les, pour avoir mangé du fon de deux tiers de
feigle, mêlé d’Ergot, & la mort de quelques
animaux qui en avoient mangé d’eux-mêmes.
M. Réad en 1766, a donné, à un cochon, de
l’Ergot mêlé avec moitié de fon de froment. Cet
Ergot avoit été ramaffé dans les environs de
Frefne & d’Haufli, près Valenciennes. Dans les
dix premiers jours, l’animal a mangé trois livres
& demie d’Ergot, dont la dofe a été augmentée
lés jours füivans ; en tout il en a mangé environ
fept livres, avec le même poids, à-peu-près,
de fon de froment ; ainfi la proportion étoit de
moitié. Le dix-neuvième jour les yeux du cochon
étoient enflammés; il eh diftilloitune férofité qui
faifoit tomber les foies des parties voifines; le
cochon étoit affaiffé ; il fe plaçoit toujours de
manière qu’une" de fes oreilles étoit appuyée contre
le mur. Le vingt-troifième jour,'cette oreille,
qui s’étoit enflammée à fa bafe, & étoit devenue
livide, tomba : le vingt-quatrième, le cochon,
dont les yeux s’étoient encore enflammés davantage,
&"fermés même, mourut dans des convul-
fions. Les vifcéres du bas-ventre étoient gonflées „
il y avoit.au foie une tache gangrèneufe , d’un ,
pouce de diamètre. M. Réad ayant fait une forte
déco&ion d’Ergot, qu’il mêla avec du miel, des
mouches qui en goûtèrent, périrent dans l’efpa-
cede deux ou trois minutes. Quelques concluantes
qu’aient paru les expériences de MM. de Salerne
& Réad, on ne peut difeonvenir, quelles ne
démontroient pas encore les funefles effets de
l ’Ergot; car il leur manquoit des détails très-
intéreffans : ni l’un ni l’autre n’a parlé de l’etat
où étoit chaque eochon avant qu’il commençât
à manger de l'Ergot : on ne fait pas en quelle
proportion cette graine étoit chaque jour dans