
qui n’y font pas démontrées, & une manière
d’agir bien difficile à prouver. Ce que M. Fagon
dit, mérite une difcuffion particulière.
Il eft vrai qu’il y a des brouillards qui gâtent
les froments-, & dont la plupart des épis
du feigle fe défendent, non pas à çaufe de
leurs barbes, comme le croyoit M. Fagon,
mais parce que le feigle, à l’époque où les
brouillards font nuifibles, n’en peut plus être
affeélé. Ces brouillards, dans les froments barbus
comme dans les froments fans barbe, cau-
fent évidemment la rouille; maladie dont le
feigle eft peu fuceptible, car ce grain étant
plus hâtif que les autres, & n’ayant pas une
végétation vigoureufe, il n’eft pas auffi fujet
aux effets d’une transpiration fupprimée, &
par conféquent à la fouille. Aufli remarque-
t-on que les champs de méteil, dont les épis
de feigle excédent ceux du froment, fe rouillent
moins que les champs de pur froment. M.
Fagon au relie regarde l’humidité de l’air com-
caufe & des maladies du froment & de celles
du feigle, qu’il paroît confondre , -quoiqu’elles
ne fe reffemblent pas. Si cette humidité prod
u is it l’Ergot en pourriffant la peau qui recouvre
le grain , & en la noirciflant, le mal
ne commenceroit-il pas par la partie du grain
qui eft le plus à découvert & le plus exposé au
contaél de Pair J or j’ai obfervé précifément
Te contraire. On ne peut difconvenir, avec
M. Fagon, que l’Ergot vient en grande abondance
dans les terres humides ~ & froides, &
dans les années pluvieufes. Mais ce ne font
pas là les feules circonllances qui en donnent
le plus, & je ne me fuis pas aperçu que le
feigle de mars y fût beaucoup plus fujet que
celui qu’on feme en automne. Je me fuis
affuré, par une expérience, que du feigle
femé le 18 Septembre, n’avoit pas plus dErgot
que du feigle femé le 11 Octobre, c’eft-
à-dire, un mois plus tard, quoique bien des gens
penfaffent que le dernier dût en avoir davantage.
Il eft étonnant que M. Lemonnier annonce
que dans fon voyage de Berry, il voyoit
beaucoup de froments niellés & ergotés ,
parce qu’il, eft extrêmement rare de trouver
des épis de froment ergotés. Quelques recherches
que j’aie faites depuis huit ans, en paffant
l ’été au milieu des vaftes pleines de froment,
Je n’en ai découvert qu’un petit nombre. Je
ferois porté à croire que les Ergots que M.
Lemonnier a vu, étoient fur du feigle , vraisemblablement
appelé bled dans le pays, doutant
plus que je fuis certain que cette efpèce
de grain en produit beaucoup dans la partie
du Berry dont il s’agit, & que la nielle (nom
qu’on donne au charbon), étoit fur du froment.
Ce qu’sl y a de prouvé, c’eft que l e ;
charbon n’eft pas du aux vents humides &
chauds : je doute qu’on puifte leur attribuer
l’Ergot, puifqu’on affure qu’il eft plus'abondant
dans les années humides & froides.
L ’opinion de M. Tillet ne mérite pas moins
d’attention que la précédente. Une circonftan-
ce particulière lui en a donné l’idée. En fai-
fan t une expérience pour confia ter la caufe
d’une maladie des froments,, il trouva quelques
épis ergotés, & , dans les Ergots, des vers
renfermés qui fe changèrent en papillons dé
la plus petite- efpèce. Il examina- l’Ergot avec
phi s de foin, & crut appercevoir à fa bafe un
trou qui communiquoit dans un canal intérieur
, pratiqué au centre. Quelquefois l’in—
feéle endommageoit peu l’Ergot; quelquefois
il en rongeoit tout l’intérieur, & ne laiffoit
que l ’écorce. Ces fentes qu’on découvre fur de
gros Ergots, & que Langius & d’autres ont
atiribué à la féçhereffe , M. Tillet lès regarde
comme l’ouvrage du’ même infeéle. Il s’étaye
des obfervations de MM. Marchant & de Réau-
mur, fur les galles des différens végétaux, qui
pour la plupart doivent, leur origine à des
infeéles. M. Réad & plufieurs autres phyficiens
ont adopté l’opinion de M. Tillet, q u i, au
premier coup d’oe il, paroît vraiffemblabie ; mais
cep end a n f elle n’eft pas prouvée Car indépendamment
de ce que cet académicien eftima—
ble convient qu’il n’a trouvé des infeéles que
dans le plus petit nombre des Ergors fournis
à l'examen , pour mettre la chofe hors de
douté, il eût fallu qu’il eût vu les infeéles
piquer les bâtes, ou les jeunes grains de feigle,
ou que les papillons qu’il en a obtenu,
euffent produit des oeufs & des, infeéles pareils
à ceux qui Les avoient formés. D’ailleurs
comment peut-on être affuré que ces.infeéles
foient la caufe de l’Ergot, puifqu’il eft également
poflïble .qu’ils ne s’y introduiront que
pour s’en nourrir, coifime on voit des cha-
ranfons ou des mélabres ronger intérieurement
des froments^, des pois, des feves, des lentilles
&c. ? On a cru que les petites mouchés
qui fe remontrent fur les épis de feigle , â
l’époque de leur floraifon, en piquoient certaines
bâles, & donnoi^nt naiffance à l’Ergot.
Dans ce cas il faudroit admettre d’autres in-
ieéles que ceux qu’admet M. Tillet, puifque
•les, derniers, donnent des papillons, ail lieu
de mouches. J ’ai,déjà fait obîefver qu’il ne
fe formoit pas, d’Ergots dans les bâles qui ren-
fermoient plufieurs petits vers de coule,ur jaune
aurore , . parce que j’en ai fuivi plufieurs
avec beaucoup d’affiduité. Voilà donc deux
fortes d’inleéles-qui ne font pas caufe de l’Ergot.
Enfin le P., Cotte, ( i) ayant confervé
pendant trois mois des grains ergotés, les-a vu fe
réduire en poufiière, & fervirjlenourriture à
^de petits infeéles. Mais il a cru qu’ils pouvoient
vy être v< nus après coup : ce qui eft d’autant
plus vraifemblable, que des grains ergotés que
j’-ai gardé pendant cinq ans, étoient au bout
de ce temps, entiers & fains.
Les feélateurs d’une troifième opinion crôyent
que l’humidité du fol eft la caufe principale
de l’Ergot ê ils fe fondent fur ce qu’il en
croît davantage fur des terres abreuvées deau,
Si dans les années pluvieufes. Mais on en
trouve aufli dans des endroits élevés, fur des
remparts, 'dans des années féches, M. Tillet
en cire des exemples.. J ’en ai ciré plufieurs
précédemment. M. Dubuat de Nançay en Sologne
, pour s’affurer s’il étoit vrai que plus
un terrain eft humide, plus on y trouve d Erg
o t , choifit (2) trois pièces de terre'différemment
firù'é.s, l’une dans un endroit un peu
plus élevé que le relie du pays, l’autre dans
un lieu qui I’étoit moins, & la troifième
dans un parc auprès d’un large foffé pratiqué
pour égôûter les eaux. Le terrain le
plus élevé produisît le plus d’Ergots. Je dois,
à la vérité,-dedire qu’il n’étoit pas beaucoup
plus élevé que ceux du p a y s ,& que les filions
auxquels on donne un pied d’élévation ,
y étoient difpoféstranfverfalement;enforte qu’au
rapport de- quelques habirans même, ils avoient
été long-temps couverts d’eau : ce qui m’empêcha
de me rendre à l’avis de M. Dubuat,
qui d’abord m’avoit fait une grande impreffion.
Ces. trojs champs furent femés à des époques
différentes;; favoir : un au commencement
•d’oilohre, un autre à la mi-novembre, & le
troifième vers la fin de Décembre. M. Dubuat
alloît fouvent les vifirér. Il remarqua que
la floraifon , dans les deux derniers femés,
avoir été fuccelfive, ayant duré plus d’un
mois, pendant lequel le temps fut alternativement
beau & pluvieux. La floraifon de la pièce
femée la ^.première & dans le terrain le plus
élevé j avoir été fimultanftée, & s’étoit paffèe
en huit jours, durant une pluie continuelle. Il
en eft réfultéque la pièce enfemencée de bonne
heure,. & dont la floraifon s’étdit faire rapidement
& pendant la pluie, fut perdue
d ’Ergots, ‘ au lieu qu’il y en eut bien moins
dans les deux autres enfemencées plus tard, &
dont Ta floraifon fut de longue durée , avec
des alternatives de beau & de mauvais temps.
Cette expérience expiiqueroit pourquoi il fe
trouve, dans le même canton, dés champs
(1 ) Le Mémoire de M. Dubuat, eft un manu f a it que
fa i entre le mains. -
remplis d’Ergots & d’autres qui n’en ontgueres;
pourquoi dans la même pièce de ferre il y a
des épis qui en font inf^élés, tandis que les
autres en font exempts ; ' pourquoi enfin un
épi a plus où moins d’Ergots. C’eft que les
effets de la pluie, à laquelle. dans ce cas ,
il faudroit rapporter la formation de l’Ergot,
dépendroient, d’après M. Dubuat, dé l ’état &
du degré de floraifon où feroient les différens
champs de feigle, les différents épis & les différents
germes. Cette ingénieufe remarque
feroit d’un grand poids, fi.elle eût été faite
dans différens pays par différentes perfonnes,
& fi l’on pouvoit fe perfüader que la florailon
d’une pièce de terre, dont tous les grains ont
été femés au même temps, ait été tellement
fucceflive, qu’il y ait eu prefqu’un mois de
différence entre celle d’un épi & celle d’un
autre, & que la floraifon ait été plus prompte
dans la pièce de terre qui a fleuri pendant la
pluie. On demanderoit encore pourquoi les
feigles de Sologne font plus fujets à être gâtés
par les pluies pendant leur floraifon, que
ceux des autres provinces.
Dans une quatrième opinion adoptée par
d’autres favants, l’Ergot eft regardé comme une
môle occafionnée par un défaut de fécondation.
Le piflil dans ce cas, ne recevant pas la
pouffière des étamines, le grain devient mon-
ftrueux. C’eft ainfi qu’ont penfé les célèbres
Geoffroy (1) & Bernard de Juffieu ; c’eft ainfi
que penfent MM. Aymen (2) & Béguillet {3).
Cette opinion n’eft pas contraire aux trois qui
la précédent; car en la fuppofant bien fondée,
le défaut de fécondation ne peut^ être
qu’une caufe immédiate de l ’Ergot, & il en
faut admettre une autre qui la dérermine,. foit
dts piquures d’infeéles, fôit la pluie ou les
brouillards, foit l’humidité ou la nature du fol.
Je ne rappellerai point ici tout ce qu’on lit
dans l’Encyclopédie fur la manière d’expliquer
comment un défaut de. fécondation peur produire
l’Ergot : je ne dois infifter que fur dek
faits, & non fur des railbnnemens. II eft certain
que plufieurs végétaux portent des fruits
informes & extraordinaires ; mais il n’eft pas facile
de décider, quel eft l’accident qui y donne lieu.
J ’obferverai feulement , à l’égard de l’Ergot, que
s’il s’en formoit dans toutes les bâles dont les
ovaires ne font pas fécondés , les feigles, non-
feulement de la Sologne , mais de tous les pays * Il
(1 ) Mémoires de l’Académie des Sciences, 1711.
(z ) Tomes 3 & 4 , des Savans Etrangers.
- (3) Differtation fut P Erg o t, ou bled cornu, imprimée
à Dijon, en 1761. ' . .
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