
il le nourrît de cette litière, comme ii c’eût j
été de la paille fraîche ( i) . Après trois mois
de rufes & de tentatives inutiles, je réfo-
lus de fubftituer à fa litière de la fciure de
b o is , parce qu’il falloit quelque chofe pour
abforber fes urines.' A cette époque MM. de
Jufiieu, Paulet, Saillant, & beaucoup (^autres
perfonnes qui a voient vu le cochon avant l’expérience
, l’examinèrent, & le trouvèrent d’une
maigreur extrême, ayant les oreilles, le corps
& W queue fales, mais fans aucun ligne de gangrène.
Pour les rendre témoins de la répugnance
du cochon pour l’Etgot, on apporta en leur pré-,
fence de la farine d’orge mêlée exactement avec
un dixième d’Ergot : l’animal n’y toucha pas y
on lui préfènra de l’Ergot feul, tant en poudre
qu’en grain , il s’en éloigna davantage. Ayant
fait jetter dans un vaiffeau de la farine d’orge
feule, délayée dans de l’eau, il en mangea avec
avidité. Je retirai le vaiffeau pour mettre de
la poudre d’Ergot au milieu de ce qui reftoit
d’aliments j le cochon prenoit ce qui étoit autour
, & ne touchoit pas à l’Ergot. Alors je
mêlai le tout exactement y il fe retira pour n’en
plus approcher.
Je préfume que pendant les trois jours qui
fuivirent celui ou je lui avois retranché fa
litière, il a mangé, forcé par la nécellité, un
peu du mélange, dans lequel il y avoit un dixième
d’Ergot y mais je n'en ai aacune preuve, parce
que je trouvois toujours fes alimens jettés
par terre. Il rongeoit de rage la porte de fa
cabane, & j étroit jours & nuits des cris perçans
qui incommodèrent le voifinage. J ’avois rétblu
de porter l’expérience jufqu’à le laiffer mourir
cfe faim s’il ne mangeait pas d'Ergot ; mais le
bruit qu’il faifoit me força d’abandonner ce
projet. Un homme de campagne auquel je l’ai
donné, l’a accoutumé par degrés, à de bonne
nourriture y au bout de quelque temps il l’a
tué j & m’a affuré qu’i l n’a trouvé dans fon corps
rien de particulier.
Le P. Cotte (2) a donné à des chiens de la
pâtée faite avec de la viande & de l’Ergot : ils
l ’ont refufée conftamment. Un maître des comptes
de Nantes (3) ayant voulu faire manger de cette
graine à des volailles, ii n’a pu y réuffir, fous .
quelque forme qu’il la leur ait préfentée, de
quelque manière qu’il s’y foit pris, & quelques
affamés que fulient ces volailles : un feul
(1 ) Chaque jour on lui donnait un nouveau mélange
en entier, afin que ce qu’il avoit faille ne l'incommodât
pas en s’aigiifûnt.
(2) Lettre du P . Cotte;
(3 ) Extrait desjregiftres du bureau d’Agriculture du
Mans, qui m’a été envoyé £at ÎA, VétiÜaid-du-Bibçrt,
médecin, de cette vide*.
canard en a pris, & il en eft mort. Suivant une
note qui m’a été remife, par un membre de
l’Académie des Sciences, des chevaux ne veulent
pas de farine où il y a de l’Ergot.
Expériences du troifième ordre a
Qui confiaient que V Ergot ancien n* eft pas moins
funefie que VErgot récent ; que celui de Sologne
liefi pas le feul mal-faifant, & qu’il peut être
mortel y même donné fous Informe de pain.
Les effets de l’Ergot récent & pris dans la
Sologne, n’étoiént déjà plus équivoques , puif-
que celui que j’avois employé jufqu’ici étoit
récemment récolté & de cette province;, mais
il falloit examiner s’il ceffoit d’être mal faifant
lorfqu’il devenoit ancien, comme on le croyoit
d’après une opinion accréditée ( i) y & li celui
qui étoit produit dans d’autres provinces avoit
aulîi des qualités pernicieules. On m’avoit fage-
ment fait obferver qu’afin de rendre mes expériences
plus concluantes, je devois enfermer
. enfemble deux animaux , leur donner la même
nourriture, avec cette feule différence que pour
l’un des deux feulement, une partie des alimens
feroit remplacée par une quantité d’Ergot
égale. Il n’éîoit pas moins important de s’affurer
fi cette graine, donnée fous la forme de pain ,
auroit dans la fermentation & dans la coftion,
perdu fon activité meurtrière. Tous ces points
méritoient d'être examinés : ils font l’objet des
expériences du troifième ordre.
Première expérience , 3 * Mai rjS'z»
Deux canards, l’un mâle & l’autre femelle-,
en bon état, fans être gras, ont été enfermés
avec toutes les précautions néceffaires pour qu’ils
euffent fuffifanfmem d’efpace, d’air & d’eau. On
leur a laiffé un mélange de farine de froment
& de feigle (2):, détrempé légèrement dans l’eau
avec un dix-féptième d’Ergor , & qui avoit près
de trois ans. Ces canards quoique accoutumés
à manger feuls tousjes jours depuis long-temps
d’une pâtée de fariné deftinée pour des poules,
n’ont pas touché pendant vingt-quatre heures,
au mélange dont l’Ergot failoit partie y nouvelle
preuve dé la répugnance de ces oifeaux pour
cette graine.
On les fit manger de force. D’un dix feptième
d’Ergot qu’il y avoit dans leur nourriture le
(1). Cette opinion eft répandue dans les Mémoires, de
l’Académie des Sciences, dans beaucoup de lettres que
j'ai reçues > Ce dans plulieurs écrits imprimés.
( t ) C’étoit de la farine de rné te il, de meilleure qua?
lité , que celle de feigle pur, employée dans la majeure
partie des expériences précédentes*.
premier jo u r , la proportion en fut, les trois
jours fuivans, d’un neuvième, & les deux autres
après, d'un peu plus d’un cinquième. A cette
époque le mâle mourut : il avoit. eu ainfi que
la femelle, du dévoiement le troifième jour,
n’ayant encore mangé chacun que deux gros &
demie d’Ergot*, graine dont le *mâle ne prit en
tout que douze gros & demi, avec onze onces
de farine^ La femelle qui lui a furvécu de deux
jours, a mangé"plus de trois onces de farine,
& fix gros & demi d’Ergot. Je vis la veille de
fa rnoit, fortir par les ouvertures de fes narines
une humeur fanguinolante, le tour de fa langue,
& la partie fupérieure & la plus extrême
du palais étoient rougeâtres
Je fis tuer un canard bien portant & en liberté,
afin de comparer le corps avec ceux des
canards qui éroient morts après avoir mangé de
l ’Ergot. Cette précaution que j’avois oraife juf-
qu alors me parut néceffaire pour me mettre
en état de mieux juger.
Ouverture des Corps.
L ’extrémité du bec du canard mâle étoit lfvide,
& la membrane-pituitaire noirâtre, fans que le
deffus du bec eût aucune tache de gangrène y . rien
d’altéré dans l’intérieur de la tète & de la poitrine ; j
la véficule du fiel petite, n’ayant que très-peu
d’une bile épaife & foncée y les vaiffeaux du mé-
fentère gorgés de fan g. Tous, les organes défi r nés
à contenir des matières alimentaires en étoient
remplis, fu r - tout les gros inteftins, dans
lefquels elles étoient jaunâtres, & entre-mêlées
de poudre noire d’Ergot, Quelques parties des
membranes des grós inteftins étoient rouges, ou
violettes & gangrènées.
C e canard dont le corps étoit fans g r a i f f e ,
avoit peu de chair, quoiqu’il en eût plus que
les deux 'canards des premières expériences*,
elle étoit livide & fèche.
Dans le canard femelle on voyoit les cornets
du nez violets, le bout de la langue rougeâtre,
l’extrémité de la voûte du palais gangrènée :
cette partie exhaloit une odeur fétide y le deffus
du bec même, dans plufieurs points, & particulièrement
vers les orifices du nez nez ne con-
fervoit pas fa couleur naturelle.
La véficule du fie l, l ’inferieur des organes
delà digeftion, quelques portions des membranes
des inteftins* les vaiffeaux du mefentère & la
chair étoient comme dans le canard mâle. v
La femelle pondoit quand on l’a foumife à
l’expérience y au lieu de trouver des oeufs entiers
dans fon corps, je n’y ai vu crue deux pellicules
vuides', fermes & repliées, fans apparence de
trou par où la double fubfbnce qui y étoit
renfermée, & qui contient l’oeuf, avoit paffé :
elle ne s’éfoit donc diflipée que par des vaiffeaux
ahforbans»
Aucune de ces particularités n?a eu lieu dans
le canard tué exprès, pour fervir de comparaifon.
Seconde expérience , z z Mai iy8z.
La difficulté de faire avaler .de force à des
canards les alimens qu’on leur introduit dans le
bec, à canfe de la forme dé cette partie, &
de la langue qui les'repouffe, me détermina a
ne me fervir dans la fuite-que de.poules, plus-
faciles à faire manger, parce que leur langue
eft plus applatie, & leur,arrièré-bec plus! large.
Jechoifis deux poules d’un an, à l’oeil vif, à la
crête vermeille & dreffée, & en embonpoint, l’une
pour lui donner de la farine de mèteil, mêlée
à de l'Ergot de Sologne de 1777 , & l’autre pour
ne la nourrir que de la même farine, dans une
quantité égaie à la totalité de la nourriture de
- la première, y compris l’Ergot. .
Les trois premiers jours, la poule qui ne
devoit pas manger d’Ergot y prit trojs onces de
farine, & l’autre également trois onces d’alimens;
parmi lefquels les deux premiers jours, il y
avoit deux gros d’E rgot, & le troifième jour
trois'gros. M’étant appercu, à l’état de leur
poche, que cette nourriture étoit trop confidé-
fable, je la réduisis pour chacune, à vingt gros
par jour y enforte que donnant toujours cette
dofe de farine à l’une, j’en donnai à l’autre
pendant deux jours, dix-fept gros, avec trois
gros d'Ergot, & pendant les deux jours fuivans,
feize gros de farine avec quatre gros d’Ergor.
Celle-ci dès le ttoifième^jôur eut du dévoiement,
qui ne la quitta1 pas. jufqii’à fa mort »
elle devint trifte, fes plumes perdirent leur liffe
& leur foutien y fa crête fe pencha & fe brunit ;
fur la fin même fon jabot fe gonfla, comme
je l’avois déjà remarqué dans les autres oifeaux
qui avoient mangé de l’Ergot. Elle ,mourut le
huitième jour ( 1 ) , après avoir pris une livre
& trois gros de farine, & deux onces & fe'pe
gros d’Ergot.
La poule qui -n’ayoit vécu que de farine,
s’étoit confervée en bon état, en ayant mangé
pendant le même temps une livre trois onces
& deux gros y quantité égale à la nourriture de
l’autre en y comprenant l’Ergot»
Ouverture du Corps-..
Le corps de la poule morte étoit maigre &
livide y il avoit une tache/gangrèneufe fur une
cuiiTe y l intérieur du bec & fur tout la langue ,
paroiffoiènt pâles y la crête & les appendices de
de defl’ous le bec, entièrement violettes y la po»
( t l C’eft la première poule, à laquelle j’aie donné
de L’Ergot jufqu’à la faire mourir. Ce fait annonce, que
cette efpèee de volaille n’y réfifte pas plus que 1e canard
fit te. dindon.