
confrères, car à peine le cochon fut * il mort l
que je le tranfportai par un temps frais, &
promptement à Paris (*).
Ces effets de l’Ergot m’ayant paru confidéra-
bles, j’ai déliré que des yeux plus clair voyants
que les miens, les viffent, & m’aidaffent à distinguer
ce qui n’étoit pas dans l’état naturel.
Cinquième expérience , Avril 1778.
Lorfque je fis I'analyfe chymique de l’Ergot,
je confervai pendant deux jours une chopine
d’efprit reéleur de cette fubftânce ; elle étoit d’une
odeur particulière & défagréable.
Un jeune chien , bien gai & bien portant,
auquel on en a préfenté en a goûté un peu,
enfuite il n’en a plus voulu.
Un matin , avant qu’il eûfc rien mangé, je
lui en fis avaler de force, à plufieurs fois; le
refie du jour il fut trifte, prefque fans appétit
& fans foif. . 1
Environ dix-huit heures après la dernière dofe
d’efprit reéleur d’E rg o t, il vomit d’abord un
peu de pain qu’il avoit pris la veille; dans'le
vomiffement fuivanr, il ne rendit que de la fé -
rofité & une matière vifqueufe.
Quelques jours après, on lui donna encore
de la même manière, de l’efprit reéleur d’Ergot,
qui produifit le même effet, à une diflance
égale de temps.
On continua cependant dans la fuite à lui
en faire prendre plufieurs onces-, fans qu’il vomît
davantage,- foit que fon eftomac fouffrît
plus aifément un liquide, auquel il s’accoutu-
moit, foit que l'odeur déiagréable qui s’en exa—
loit, fe fût diflipée en partie. —
Quoique ce fait ne puiffe être comparé aux
quatre précédents, j’ai cru ne pas le devoir
pafler fous filence, parce qu’il indique au moins
que le principe le plus fubtil dé-l’E rgot, peut
incommoder les animaux.
'Expériences du fécond ordre , qui démontrent Vextrême
répugnance des animaux pour VErgot.
La répugnance des animaux pour l’Ergot, m’a
paru fi considérable, que fa i été étonné que les
perfonnes qui ont fait des expériences fur cet
objet, n’y ayent pas infifië davantage. On lit
dans les mémoires de l’Académie Royale des Sciences,
année 1710, que des poules n'en vouloient
pas manger, St qu’il falloir les furprendre pour
les y"déterminer. Le cochon auquel M. de Sa-
lerne a donné de l’Ergot, n’a marqué félon lui
mie grande répugnance que les premiers jours. La
,(*} ^ a e.te examine à la Société de Médecine » dont
; étois membre.
demoifelle de la Borde-Vernoux, dont il s'agit
dans le mémoire de M. Salerne, annonce que
des canards, qui d’eux- mêmes ont mangé de
l’Ergot, font morts. M. Schleger dit que des poules
ont refufé d’en prendre. D’après MM- Mo-
del & Parmentier, des pigeons & une poule
n’en ont pas voulu d’abord, trompés, à ce que
croient ces favans, par la couleur de l’ Ergot,
qui ne diffère cependant pas de celle de la vefee ,
dont ont nourrit ces oiféaux ; mais enfui te ils
en on mangé avec empreffemerit. M. Réad n’en
parle pas du tout. On fe rappellera que les deux
canards de la première de mes expériences, n’en
ont jamais mangé d’eux mêmes malgré leur vo*
racité naturelle; la dinde n’en a pris que pendant
quelques jours, 8cil a fallu enfuite en faire
avaler de force à ces trois oifeaux ; ce n’eft qu’en
ufant d'artifice, & en ayant recours à une infinité
de moyens qu’on a pu déterminer les deux
cochons à en manger (1). Les faits fuivants prouveront
cette répugnance d’une manière pbfirivê..
Première expérience , Octobre 1777.
Un jeune canard, auquel je fis donner une
once & demie d’Ergot concaffée & autant de far-
rafin , mangea le farrafin & ne toucha pas à
l’Ergot, dont je retrouvai le même poids. Le lendemain
je broyai l'Ergot, & je le mêlai à ,de
la farine de farrafin, en délayant.l’un & i’autre
dans l’eau. Le canard , qui par ce moyen ne
pouvoir pas féparer le farrafin de l’E rgot, refufa
de manger du mélange, & fouffrit plutôt la faim
pendant trois jours. Alors je lui rendit fa liberté-
Il étoit devenu maigre & foible.
Seconde expérience, Octobre 1777.
Jufqu’ici j’avois fait prendre aux animaux l’Ergot
réduit en poudre, c’eft-à-dire fous la forme
où l’on a coutume de leur donner ordinairement
les ■ aliments dont on les nourrit (2). Dans
cette fécondé expérience, il fut donné d’une autre
manière.
Je fis réunir un quarteron d’Ergot pulvérifév
fept quarterons de farine de feigle, dont on n’a -
voit pas ôté le fon, & fuffifante quantité de Jefa)
En partant pour la campagne, où je reftai tro is 012
quatre mois, je laifîai à Paris des épis de feigleergotés j
à mon retour je m’apperçus que des fouris avoieut mangé
tous les grains de feigle ôc n ’a voient pas touché a
l’Ergot.
fa) La plupart de ceux qui ont fait manger de l’Ergot
a des animaux l’ont donné eu grain. Mes expériences
étant faites pour vérifier les a u t r e s i l falioit en ufer
de ia même manière. MM. Model & Parnvi.ti ; en ont
1 fait faire du p ain , pour varier leurs expériences je me
I fuis fait un devoir de les imiter.
vain de froment. On. pétrit le tout avec de l'eau
chaude, & on le laiffa fermenter pendant la nuit.
Le lendemain on en fit un pain, qui étoit d’un
brun violer, ayant une odeur foiblement vireu-
fe, fans faveur défagréable. Il pefoit trois livres.
On donna de ce pain au chien d’un homme
de campagne : quoique cet animal fût de bon
appétit , & accoutumé d’en manger d'aufii brun, 1
il ne fit qu’en goûter & n’en voulut plus. Le
lendemain, pour l’engager à en prendre, j’en
fis mêler, à du lait caillé; il avala tout le lait,
& lécha feulement le pain, qui refia tout entier.
Un jour après, je me déterminai à ne lui
donner pour toute nourriture que du pain dont
l’Ergot faifoit partie : depuis deux jours il avoit
peu mangé, & devoit être affamé (1). 11 préféra
cependant de ne rien prendre du tout pendant
quarante-huit heures, plutôt que de fe nourrir
de ce pain ; il y goûtoit chaque fois qu’on
lui en prélentoit ; mais suffi- tôt qu’il avoit tlif-
tingué que c’étoit du pain ergoté, il le refufoit
abfolument. On me pria de fui rendre fa liberté,
dans la crainte qu’il ne devînt enragé;
& j’y confentis.
Troifième expérience > Novembre 1777*
Une poule fut deftinée à manger d'elle-même
d’un mélange d’Ergot & d’orge ou de feigle moulus,
& réunis avec de l’eau, fous forme de pâtée
, ou -à fouffrir les effets de la faim. La proportion
de l’Ergot fut d’abord d’un dix-feptième, &
à la fin, d’un cinquième. On laiffoit de ce mélange
dans le lieil où elle étoit renfermée, enforte qu’elle
en pouvait manger d’elle-même; mais quelque 1
peu qu’on, en laiffoit, on en retrouvoit toujours. '
Je le renouvellois chaque fois, afin de ne pas
forcer la poule à prendre une nourriture, gâtée,
L ’expérience dura vingt-trois jours. Je ne pus
la continuer parce que je quittois l’endroit où
elle fe faifoit. La poule fut mife en liberté.
Elle étoit maigre, mais n'avoit aucune marque
de gangrène; ce qui ne me furprit pas, parce
que calcul fait, en vingt-trois jours, elle n'avoit
pris que dix gros d’Ergot. La répugnance quelle,
avoit pour cette fubflance, fut caufe quelle ne
mangea pendant ce temps que douze onces de
farine d’orge , ou de feigle , tandis qu’elle en
eût mangé bien davantage, fi ces-farines n'euf-
fent pas été mêlées à de l'Ergot,
Quatrième expérience, 5 Janvier 1778, J
• On m’avoit affuré qu’une perfonne de Tourfa)
En mettant le chien hors d ’état de manger autre
cliofe que ce que je lui-faifbis donner, j’avois eu l'attention
de ne pas l’enfermer feul 5 car l’ennui auroit
pu lui ôter l’appétit, ii refta,% la vérité; a tta c h ém a is
dans une çhambrç habitée»,
raine avoit non-feulement nourri, mais même-
engraiffé des volai! les avec de l’Ergor pur : quoique
ce fait dont on ne fourniffoit pas de preuves,
pût être révoqué en doute, il a donné lieu
à l’expérience fuivante.
Une poule qui étoit en embonpoint, fut mife
dans un poulailler, ayant à fa difpolition de l'eau
d'une part, & d e .l’Ergot pilé de l'autre. Le
poids de l’Ergot m’étoit connu. Le premier jour,
elle a ramaffé quelques grains d’orge & d’avoine,
répandus dans le poulailler; enfuite elle a
mangé un peu d’Ergot ; mais bientôt elle n’en
a plus voulu, & a ceffé totalement de manger.
Elle eft morte le dix-feptième jour, fans que fon
bec & fon corps, que j'ouvris, m’offriffent dans
aucune partie, la moindre trace de gangrène.
Cinquième expérience , 4 Février 1778.
Le but de celle-ci étoit de donner la gangrène
à un cochon, en lui fàifanr manger de
l’E rgot, &- d’eflayer enfuite les moyens qui me
paroîtroient les plus propres pour le guérir ;
mais fa répugnance ayant été extrême, je n'ai
pu remplir à cet égard lobjet que je -m’étois
propofé.
Cet animal avoit environ un mois & demi ;
il étoit v if, bien portant, & de bon appétit,
comme je m’en fuis affuré pendant huit jours ;
il étoit plus fort que ne l’eff un cochon de cet
âge, parce qu'il étoit né d’ une mère qui pefoit
trois cents.
Je lui ai donné d’abord un dix - feptième
d’E rgot, foit dans de la farine de feigle, foit
dans de la farine d'orge, & je n’ai augmenté
cette dofe que de très-peu. *
J ’en ai fait joindre à du lait, à deslavures graffes
de vaiffelle, à des pommes de terre, à différentes
autres efpèces de légumes ; jamais il n’en
mangeoit qu’une très-petite quantité. (1) En entrant
dans l’endroit où il étoit renfermé, on
trouvoit renverfé le vaiffeau qui comenoic fa
nourriture, & fa litière mouillée par les aliments
qui y étoit répandus. Pour éviter cet inconvénient
, je fis fceller ce vaiffeau ; mais le cochon
avoit l’adreffe de l’enlever avec fon gronin, on
de jetter ce qu’il y avoit dedans.-Sa principale
& prefque fa feule nourriture, étoit la paille de
fa litière; car fes excrémens étoient comme
ceux des chevaux, compofés de paille hachée.
Je ne parvins pas davantage à l’engager à
manger de l’Ergot, en ne faifant jetter fous lui
que de la litière qui avoit paffé fous les chevaux:
(1) Cette expérience a été faite à Paris, où jen’avois
ni l é temps,, ni la facilité de reflet avec le cochon,
plufieurs heures de fu ite, pour inventer continuellement
des moyens de le déterminer à manger, comme j’avois.
f r it à la campagne dans les premières expériences,