
ce n’étoit que les Ergots renfermés dans le milieu
des gerbes. Ceux de la circonférence, & les plus
CTros, étoient tombés, à .caufe-du frottement qu’éprouvent
les épis, dans le tranfport des gerbes.
En ajoutant, s’il étoit poffible, à ce déchet, ce
qui s’eft perdu d’Ergot * pendant le travail des.
inoiflonneurs, ce qu’en ont difperfé les vents,
qui heureufement ont précédé la moiffqn-, enfin,
ce que des citconftances encore plus favorables
à la production de l’Ergot, pourroiènt en faire
naître de plus, on fe perfuacbroit qu’en certaines
années, il peut y en avoir en Sologne une grande
quantité.
J ’ai trouvé en 1777, beaucoup d’Ergots dans
le Berry, fur-tout, à Momipouret; Chaffignoles,,
& autres villages voifins de la Châtre, dont le
fol eft analogue à celui de la Sologne. Il n’y en.
avoit pas moins dans les nouveaux défrichemens
des Landes, près d’Ardçntes & de Clavières. Ce
qu'on lit dans le volume de la méridienne de
Paris, efl d’accord avec cette bbfervation. M. Le
Mon nier, lavant Botanifte, rapporte que le feigle
eft particulièrement fujetà l’Ergot, dans la grande
Lande de Mery-ès-bois, en Bçrri, qu’il trouva
remplie de fougères, dont les racines donnoient
beaucoup de peine à ceux qui vouloiènt les défricher.'
Dans le.Neboüfan, pays de la généralité
d’Auch, il y eut une grande quantité d’Ergots,
en 1777, année pluvieu le. On alfure que le feiglè,
en Saxe, en Luface, & dans quelques cantons
^3e l ’Allemagne & de laSuiffe, produit beaucoup
d’Ergots. Perfonne, à ce qu’il paroît, n’en a calculé
la quantité, ni les proportions.
Il en vient peu en Brie, où, à la vérité, on ne
cultive que très- peu de feigle.
J’ai parcouru une partie de la Champagne, &
j’ai examiné beaucoup de champs de feigle, fur
les bords des chemins, où on trouve le plus d’Èr-
got*, je n’en ai pas apperçu. Cependant, M. Tillet
en a vu beaucoup dans les environs de Troyes,
dans des refrains fecs & fur des remparts. C’eft
auffi fur les bords des chemins, que M . Fpugeroux
de l’Académie dès. Sciences, croit qu’il en naît
davantage.
On peut dire, en général, que l’Ergot efl rare ’
en Beauce, quoiqu’on y en découvre quelque-
-fois. Ayant fait battre, à part, douze douzaines
de gerbes de feigle, qui ont produit onze mines
de -grains., mefure de Pithiviers, dont chacune efl
du poids de quatre-vingt livres, il n’y avoit; en
tout, que trois Ergots. Cependant, dans le même
pays, ï en yù une affez grande quantité, dans
quatre endroits'différens; favôir , le long d’un
ch em in au bord d’un foffê , auprès d’un bois, &
à la place diine berge , qu’on avoit défrichée ré-
cement. Un terrain rarement mis en valeur, &
dans lequel j’avois femé du méteil , en 1778, refia
inculte en 1779.' Quelques grains de feigle, qui
s’y étoient femés, levèrent, malgré la dureté du
SA> & beaucoup, de chiendent qui l’infefto.it.)Ih
produifirent des épis fains & des épis Ergotés,
chargés d’Ergors; on en comptoit fur plufieurs
jùfqu’à dix-fept» La plupart en avoient douze ou
quatorze. Au moment de la maturité, fur mille
nuit cens cinquante épis, il s’en efl trouvé trois
cens vingt-deux Ergotés, fans%y comprendre Ce
que les vents & les oifeauxen avoient fait tomber.
Une feuleTouche portoit dix épis de bon feigle &
huit épis Ergotés. Il fembloit qu’ri y en eût davantage,
où. il y avoit le plus de chiendent. Le même
terrain ay.ant produit trente,épis d’ivraie, il y en
avoit quinze Ergotés-, une feule fauche quîportoit
treize épis d’ivraie en avoit huit Ergotés. M.
Beaumé de l ’Académie des Sciences, m’a certifié,
qu’il avoit vu -beaucoup d’Ergots dans. du
feigle, qüifefemoitdelui -même, plufieurs années
de fuite, dans un terrain, où on en avoit cultivé
quelque temps auparavant.
J ’ai obtenu trois çènts-vingt épis fains & quatre
vingt Ergotés-, dans un petit efpace, où j’avois
fait une expérience fur la caufe de l’Ergot.
Le Père Cotte, Curé de Montmorency, affùre
qu’en certaines années, il a'recùeilli un quarteron
d’Ergot, en deux heures de promenade, & en ne
prenant que celui qui fe trouvoit fur le bord des
champs. Enfin, je ,cônnois quelques endroits,
auprès d’Andonville en Beauce, où les terres
étant maigres, on efl obligé de temps en temps,
de les biffer repofer plufieurs années de fuite ;
lorfqu’on recommence à les enfemencèr, on y
- met du feigle-, elles produifent plus d’Ergot que
celles'qui font habituellement cultivées..
Si cette dernière circonftance, comme lès faits-
précédens fembleroient le prouver, fervoit,beaucoup
à la muhiplication.de l’E rgot, il ne foroit
pas difficile d’expliquer pourquoi il y en a en;
Sologne plus qu’ailleurs • car c?efl ùn pays où Ton
défriche perpétuellement. Les terres ne' rapportent
que neuf-à douze ans, en les laiffant repofer
de trois années l’.une. Ce terme expiré, ellesiéflent
incultes, & ce^qu’elles produifent n’eft plus que
pour la pâture des befliaux. Gn ne recommence
à les cultiver que long-temps'après. Si un terrain
efl remis en valeur, dans une année propre à la.
génération de l’Ergot, il s’y en trouve beaucoup..
On verra, quand il s’agira des çaufes, que jufques-
ici il efl difficile de rendre raifon de ce phénomène
& qu’il faut fe contenter de l’avoir remarqué#
Temps où VErgot paroît...
L ’époque où paroiffent les-premiers Ergots,
efl différente, félon les pays, les terrains, la température
de l’année & le temps où ie.feigle à été
fernéy toutes choses étant égalés d'ailleurs, ils
font formés plutôt dans les provinces méridionales,
dans les champs fablonneux & légers,
lorfque les mois de mai & juin font chauds
et fecs-, dans les feigles femés de bonne heure-
I & dans, les feigles. d’automne. Cette, différence
fuit la progression et la maturité du feigle. Dans »
une année lèche, j’ai vu, en Beauce, le 20 juin,
de l’Ergot formé fur du feigle d’automne. Le
Pere Cotte ayant femé du feigle, au mois d’avril
1777, n’y trouva \de l’Ergot, que~le 12 août :
ïe printemps de cette année avoit été humide
& frais. En 1778, ou la température du printemps
fut toute différente, le 23 juillet, j’ap-
perçus des Ergots, formés fur du feigle femé
en avril, et le long d’un mur au nord, et-par
conséquent à l’expofition la plus propre à retarder
la floraison et la maturité du feigle, d’où
dépend la naiffance de l’Ergot ; enfin, de plufieurs
planches, composées,, de diverfes terres,
où j’avois femé du feigle, celle qui étoit formée
de fable à la furface, a produit les premiers
épis de feigle, les premières fleurs & les
premiers Ergots.
Comment Je forme VErgot.
Quelque attentif que foit un obfervateur,
la nature fouvent lui dérobe fes fecrets, ou ne
les lui,dévoile qu’après qu’il along-temps cherché
à les deviner. Je ne me flatte point d’avoir
découvert la manière dont fe forme l’Ergot :
c’efl un point difficile à faifir. Mais au moins mes
recherches m’en ont approché de très^-près.
J ’ai vu, ainfi que quelques phyficiens, fur
des épis de feigle, un fuc vifqi eux, iuifant,
d’un goût mielleux, qui enduifoit l’intérieur,
l ’extérieur et les arrêtes même des bâles, où
étoient renfermés des Ergots naifians. Mais,
plufieurs bâ!es étant privées de ce fuc , quoique
elles çontihfient de jeunes Ergots, je ne puis
prononcer fur la caufe qui le produit, ni fur
la part qu’il a à la formation de l’Ergot : j’aurai
la même referve à l’égard d’un grand nombre
d’infectes qu’on trouve fur le feigle, fur-
tout au temps de la floraifon, Les uns. font
de petites. mouches femblables à celles qui Té
voient fur le vinaigre, fur la liç de vin ou lur
le vin éventé. On les prend facilement à la main,
et, d’après le Pere Cotre, elles fautent plutôt
qu’elles ne volent. Les autres font des vers très-
déliés, très-agiles, d’une ligne de longueur &
d’un jaune aurore, qui, quelquefois, font au
nombre.de fept ou huit dans une; même bâle :
la couleur brunâtre qu’elle acquierre, efl un
figne certain de leur préfence. Ils font plus
Taré dans les épis des tuyaux principaux, que
dans ceux des tuyaux fecondaires, & ils fe
Trouvent particuliérement dans les bâles inférieures.
Mais, i.°, le nombre des infeéles qu’on
découvre fur tous les grains, à l’époque de leur
floraifon, efl confidérable, & on n’efl pas affu-
ré qu’ils produifent dn défordre dans, la végé- >
ration -, 2.°, pour juger fi les mouches dont il
s’agit, ca'ufent l’Ergot en piquant l’embryon du
feigle ^.travers les bâles, il faudroit les avoir
pour ainfi dire, furpris dans ce travail; 3.0,
j’ai remarqué que, d’un grand nombre de bâles
qui contenoient des vers jaunes , aucune n’a
porté d’Ergots. Ces infeéles rongent entièrement
les anthères & difparoiflènt enfnire, fans
qu’on s’apperçoive de qu’elle maniéré.
Quoiqu’il en foit, ayant apperçü dans, un
épi de feiglè, à la place d’un grain, une fub-
fiance blanchâtre, plus alongée que du feigle
& fans organifation distinéle, j’ai foupçonné
qu’il fe formeroit à' cet endroit un Ergot. Les
bâles étoient fortement • adhérentes .entr’elles,
& couvertes du fuc mielleux & Iuifant dont
j’ai parlé. La Tubflancé blanchâtre, en vingt-
quatre heures, prit une couleur jaunâtre, qui
augmenta d’intenfité par degrés, enforte que
huit jours après, ce fut un Ergot bien formé
et coloré en violet. Une Tubflancé fembîable,
obfervée fur un autre épi, éprouva les mêmes
changemens, et fut entièrement convertie en
Ergot d'ans l’efpace de dix jours : voilà de
que j’ai vu d’abord, fans déranger les bâles.
Ênfuite j’en ai entrouvert plufieurs, & j’a i .
remarqué qu’à la partie inférieure de la fub-
fiance blanchâtre, vers l’endroit où efl ie germe
dif grain de feigl,e il paroiffoit avant tout une
petite tache violette qui fe fonçoit dé plus en
plus, & s’étendoit de manière, que la partie
qui fortôit de la bâle refloit encore blanche,
les autres parties étant déjà violettes. Je ne fuis
autorisé à avancer ce dernier fait que par trois
obfervatiôds, nombre, à la vérité, peu^ confidérable
; mais il efl difficile de les multiplier en
matière auffi délicate, & qui exige tant d’attention.
En fe rapellant ce que j’ai dit plus haut,
qu’ il y a des grains mixtes, dont une partie
efl de l’Ergot & l ’autre du feigle, celle-ci étant
plus ou moins, confidérable &, la plus éloignée
dé l’infertion , & en réfléchiflant fur la der-.
nière obfervation, qui conflate que c’eft vers le
milieu du germe que commence l’altération du
grain defliné à être Ergot, on fera porté à
croire que cette graine monftrueufe fe forme
par l’accroiffement du germe, contre nature,
aux dépends du corps farineux. Aurefte, je ne
tiens pointa cette idée, quelque fondée quelle
me paroifle.
L ’ E r g o t nouvellement f o r m é eff d’une confi-
ftance molle ; il Te durcit peu à peu ; il exhale
lorfqu’on i’écrafe fous les doigts, une odeur
fembîable à celle du miel qui commence à
fermenter, il a une faveur fucrée qui vraisemblablement
attire, quelquefois des fourmis , car
j’en ai vu monter le long du tuyau, parvenir
jufqu’à l’épi, & ronger l’Ergot tendre. C’eft
donc 'à elles qu’on doit attribuer, ces cavités
profondes qu’on y remarque-quelquefois;- cavités
bien différentes des gerçures qui ne peu-
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