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Le vingt-deux, les oreilles & la queue étant
froides- il rendit pour la première fois dés ex.-'
créments liquides ; il étoit couché fans pouvoir
fe relever & il fe plaignoïr.
Le vingt-trois, il mourut après avoir eu dés
mpüvemens convùlfîfs.
En vingt-deux jours, il avoit mangé une livre
& douze onces d’ Ergot, cinq livres & onze
onces de farine de feigle, deux livres onze onces
de farine d’orge, cinq pintes de petit lait, indépendamment
des épis de froment qu’il avoit
trouvé dans fa litière les premiers jours car
dans la fuite je ne fis jetrer fous lui que du
chaume, pour le forcer à mander de l ’Ergot.
Examen & ouverture du corps.
. Les quatre pieds étoient gonflés, fur - tout
aux articulations des jambes ; cellés-ci étoient
d’un rouge violet ; on y obfervoit de gros boutons
de la même .couleur. J*
Les orëilles’ pàroiffoieht peu gonflées,, mais
livides dans les parties les plus éloignées de la
tête. Un cercle rouge y bornoit la gangrène du
côté de la tête, particulièrementen-deffous. Lorf-
qu’on les avoit difféqué , on s’appercevoit que
la couleur violette avoit plus d’intenfité immédiatement
fur les cartilages, que près de la
peau.
La chair de l’animal, qui étoit maigre, n’exha-
lbit aucune odeur.
Je vis des taches violettes à un des poumons
& plufieurs points inflammatoires dans ces deux
vifcèrés.
-Le milieu de i’eflomac, l’épiloon, les intef-
tins grêles & les gros inteftins étoient plus ou
moins enflammés : ces derniers ne contenoieut
prefque que de la paillé que le cochon avoit
mangée , & de la pellicule d’Ergot., facile à distinguer
à fa couleur.
Le dedans de la geule étoit enflammé; on
v.oyoit aux articulations des pieds avec les jambes
une bouillie noire & fétide : c’étoient les
feules parties de l’animal qui femiflent mauvais
: la gangrène avoit fait une impreflion moins
forte aux extrémités de devant. Auffi,le cochon
avant fa mort fe tenoit-il mieux fur les.
jambes de .devant que fur celles-de derrière.
0 13 obfervera encore que la gangrène, dans
ce cochon, qui avoit mangé plus d’Ergot que
les.oifeaux des deux précédentes expériences,
y avoit fait de plus grands ravages.
Quatrième expérience , 21 Septembre 1777.
Le fujet de cette expérience eft qn cochon
de fix mois, qui étoit vigoureux.
Je l’avois cnoifi de cet âge & de cette çonf-
tituîion, parce que jecraignoisque le premier n'eût
j(îé.auffi ienflble a l’aèlion dè l’E rgot, que parce
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qu’il étoit jeune ; & afin q’ ie fi j’obtenois
de nouveaux effets, ils fuffent plus concluans.
Le premier jour, on lui donna, dans fuffi—
fante quantité d’eau, de la farine de feigle, avec
un treizième d’Ergot en poudre. D’abord il en
mangea y mais bientôt il n’en voulut plus. Il
prenoit aifémenr la farine du feigle, lorfqu’elle
étoit , feule : il la refufoit ou n’en mangeoit que
très-peu, dès qu’on y mêloit de l’Ergot.
Les détails ,de cette expérience, qui a. duré
foixante & neuf jours, font .trop longs pour
être, tranfçrits en entier ; il me fuffira d’extraire
de mon journal les particularités qui annoncent
les- effets gradués de la maladie que le cochon
a éprouvée.
• J ’obferverai auparavant, qu’après m’être a f-
furé par des efiais multipliés, qu’il n’avoit du
dégoût que pour l’Ergot feu l, j’ai employé une
infinité de moyens pour le lui mafquer, & le
déterminer à en manger. La proportion de l’Ergot,
dans fa nourriture, varia perpétuellement :
d’un treizième qu’elle étoit dans le commencement,
elle fut portée à un tiers. les-derniers
jours. Je ne l’augmentai pas d’une manière régulière;
car fou vent je la faifois diminuer lo r f-
que l’animal marquoit plus dé répugnance. | | |
Dès le cinquième Jour, les: yeux du cochon
me parurent rouges.-11 n’avoit' encore mangé
alors que huit onces & quatre gros d’Ergot. Le
lendemain , je vis fuinter du grand angle- de
chaque oeil, une humeur blanchâtre, qui dé-
truifon & altéroit les foies voifines ; les paupières
avoient de la chafîie. Lë ventre, étoit tendu
& l’animal, quoiqu’il prît beaucoup de petit-
lait, rendoit des excréments durs.
Le treize, je le trouvai attaqué de vertiges ;
il fe foutenoit à peine, & fe plaignoit le lendemain,
il boitoit des pieds de devant, qui me
parurent enflés. Ses yeux n’étoient pas auffi rouges
: il devint fale, crafl’eux, quoique fa litière
fût propre & fouvent renouvellée.
J-e quinze, l’humeur âcre qui découloit de
fes ÿèux, avoit fait une impreffion corrofive à
la paupière inférieure.
Vers le 'v in g t, il fe forma à l’articulation du
pied droit avec la jambe, deux trous par lesquels
il fortit une matière purulente; mais ces
plaies fe couvrirent bientôt de croûtes, & le
cochon ne boita plus.
Cependant, l’extrémité de fa queue étoit froide;
une oreille devint rouge, & fe gonfla.
Le vingt-fix, fes jambes foiblirent encore pour
la fécondé fois : fes yeux redevinrent enflam-
(1 ) Je préviens ceux qui Tcroient tentés dé répéter cette
expérience avec exaftitude , qu'elle.exige du temps, dé
la patience, & qu’il faut perpétuellement imaginer de
notivelies’rufes II n’en eft pas d'un quadrupède comme
d’un o jfeau1 , auquel on p e u t.aifément faire avaler de
forc^ içs aliments qu’on lui dçftinc.
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mês; ou il ne rendoit plus d’excrémens, ou ceux
qu’il rendoit étoient durs : il s’adouciffoit & on
pouvoit le foigner avec moins de difficulté
une craffe épaiffe couvroit fon corps, & plus
particulièrement fes oreilles. Dans ce fécond mal-
a i fe , comme dans le premier i il eut plus de
peine à manger de l’Ergot.
Le trente-trois, la femme qui en avoit foin-,
ayant été léchée par lui, fenut une démangeai-
fon qui n’eut pas de fuite, & qui nç peut-
être attribuée qu’à la falive de l’animal. Il avoit
perdu beaucoup de fes foies.
Le quarante-deux, j’apperçus une tumeur à
l’articulation du pied gauche de devant avec
la jambe, à l’endroit même où il avoit déjà
paru du mal. J ’y portai la main ; & chaque
fois l’animal retir oit fon pied, comme fi je lui
eu fie fait de la douleur.
Le- quarante-cinq , les yeux s’enflammèrent,
pour la troifième fois. C ’étoit toujours après que
la dofe d’Ergot avoit été augmentée : depuis trois
jours je l’avois portée à un tiers.^ Les jambes &
le deffus du calcanéum droit étoient gonflés. Le
cochon buvbit beaucoup. Dans cette circonfiance
je diminuai la dofe d’Ergot, pour voir fi je ra-^
lentirois par ce moyen les progrès du mal. La-''
nimal fe remit un peu : mais je- repris par degrés
la dofe précédente, & il ne jouit pas longtemps
du relâche que je lui avoit procuré.
Le cinquante , les deux oreilles étoient livides
Sl pendantes,- il y avoit à lune déliés une tache
gangrénêufe. Le bout de la queue étoit violet,
noir, & fans mouvement ; on^ pouvoit même
en féparer des parties, fans que 1 animal le fen-
tît; il éprouvoit comme 1 autre cochon, des de-
mangeaîlons; fes excrémens étoient durs; une dè
fes paupières paroiffoit fermée le matin, & s’ou-
vroit pendant le jo u r , lorfque la matière qui
la colloit étoit devenue plus tenue; plus il mangeoit,
plus il maigriffoit. ^
Le cinquante-huit, après qu on lui^ eut fait
manger beaucoup d’Ergot, à la faveur d un grand
appétit, ou plutôt parce qu’ayant perdu le goût 7
il ne difiirguoit pas qu’il avaloit de 1 Ergot, la
fumeur qu’il avoit au-deffus du pied droit , s ouvrit;
il en découla une matière rouffâtre. La plaie
étoit profonde, & s’étendoit jufques dans 1 articulation
, comme je m’en fuis affuré en la fondant.
Il fe forma suffi une plaie au-deffus du
pied gauche, mais moins confidérable. Les deux
jambes étoient froides & gonflées; il s en déta-
chôit des portions de mufcles, defféchées & in-
fenfibles. Le cochon ne pouvant plus marcher,
©n le foutenoit pour le faire manger.
. Le foixante-huit, il avoit des mouvemens con-
vulfifs & du dévoiement; il mourut le lendemain.
Pendant le cours de l’expérience, le cochon
a mangé foixante - dix - neuf livres & quatre
onces de farine de feigle, vingt-fept livres de
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farine d’orge & dix pintes de petit-lait, mêlé
de partie caféeufes, fix pintes de lait de heure ,
fix pintes de lait, quatre livres d’orge en grain,
des carottes, des navets, & autres légumes , & ,
ce qu’il trouvoit de froment dans les épis de
la .paille fraîche qui lui a fervi de litière pendant
quelque temps; car dans la fuite, je l’ai
remplacée par du chaume : enfin vingt-deux livres.
& fix onces d’Ergot.
Il réfulte, efiimation faite, que le cochon a
pris en total, fept huitièmes d’aliments de bonne
! qualité, & par cpnféquent un huitième d’Ergot.
; J ’inûfte fur ces calculs, afin qu’on ne croie
pas que les animaux fournis aux expériences, ont
pu mourir de faim.
Examen & ouverture du corps.
La chair du cochon, entièrement fans gratifie;
n’avoit pas d’odeur, & paroiffoit vermeille ; les
foies tenoient bien à la peau, quoiqu’elle nen
fût pas garnie autant que fi l’animal n eût pris
que de la bonne nourriture.
Il y avoit plufieurs taches violettes aux jambes
de devant & de derrière; le bout de la queue
; étoit noir & violet, & les oreilles livides.
Le cerveau, les-vifcèrés de la poitrine, &
plufieurs de ceux du bas-ventre, tels que le foie,
la rate, les reins & la veffie, n avoient rien de
contraire à l’état naturel.
La véficule du fiel parut extrêmement petite,
& remplie d’ une bile épaiffe jaune comme
du fafran.
La partie de l’efiomac qui avoifine le pylore;
étoit enflammée & gangrènée en quelques endroits;
il en étoit de même des inteflins grêles,
dans lefquels on remarquoit des rétréciffe-
ments, qui fembloient être autant d appendices
vermiformes, & de diftance en diftance, de la
pellicule d’Ergot, mêlée aux matières; les vaif-
feaux du méfentère étoient gorgés de fang.
La queue fe fendit par le moyen du fcalpel ;
avec une très-grande facilité; ce qui prouve à
quel point elle étoit gangrénée; aulfi étoit- elle
noire à l’extrémité, & dune couleur violette
. au-deffus.
La lividité des oreilles étoit plus confidérable
fous la peau qu’extérieurement.
Les deux premières phalanges du pied droit
de devant, étoient gangrènées & defféchées, fur-
tout aux articulations; les os en étoient brunis
Les mêmes parties du pied gauche de devant
étoient auffi gangrènées .mais à un point moins
confidérable, car les os n en étoient pas altères.
Sur chaque calcanéum, il y avoit une tache br
vide, plus grande à l’un q u i 1 autre..
Cet état a été confiaté par d ix -huit de mes