
les ali mens que M. de Salerne a fait donner au
lien. Les faits arrivés à Laborde-Vernoux, & que
ce médecin rapporte, ne font rien moins que
prouvés, comme on le verra par la fuite : car
on annonce que des animaux ont mangé d’eux-
mêmes de l’Ergot, tandis qu’ils ont pour cette
graine la plus grande répugnance. La fauffeté
de cette dernière affertion rend fufpeéte celle où
Ton annonce q'un cochon a perdu les quatre
jambes & fes deux oreilles. Le fon de froment,
que M. Réad a joint à l’Ergot, pendant tout le
temps de fon expérience, & que M. de Salerne
y a joint pendant les premiers jours feulement de
la tienne, forinoit-il une nourriture affez fubftan-
tielle , pour qu’on ne pût imputer la maladie &
la mort des cochons à l’inanition, qui difpofe
à la gangrène ? Comment au furpkis les animaux
ont-ils été foignés ; avec quelles précautions ?
Les éclairciffemens, f i MM. de Salerne & Réad
euffent penfé à les donner, auroient porté la
conviction dans tous les efprits, au lieu de laifler
des doutes, & de faire defirer de nouvelles
recherches.
Expériences, par lefquelles on effaye de prouver que
t E rg o t ri eft pas dangereux.
L ’opinion qui regarde l’Ergot comme capable
de caufer des maladies gangrèneufes, n’étoit pas
affez prouvée, même après- les expériences de
MM. de Salerne & Réad, pour ralentir le zèle
de quelqu’autres phyficiens qui s’occupent à éclairer
les hommes, en leur ôtant les préjugés qui
les inquiètent. Il devoit d’ailleurs en refulter un
grand avantage, fi Ton découvroit que l’Ergot
n’étoit pas mal fai fan i -, c’étoit d’engager par là
les hommes livrés, à l’art de guérir, à chercher la
véritable caufe de ces maladies, afin d’en indiquer
les moyens préfervatifs. Le motif, aidé d’obfer-
vaticns particulières, à fans doute donné lieu
aux expériences qui fuirent.
Expériences de M. Schtger. ( i )
M. Schleger a ' fait fur J Ergot des- obfer vations
& des expériences qui méritent d’être rapportées.
Des mouches qui ont mangé de la farine d’Ergot,
mêlée avec du fucre, de l’eau, du vinaigre dulcifié,
ou avec de l’eau de chaux., en font mortes.
On a donné du pain fait d’Ergot & d'un peu de
levain, à mangera deux chiens, a des poules, a
un cochon, a un mouton, & a deux carpes; les
quadrupèdes n’en ont pris que quand ils ont été '
preffés par la faim; un des deux chiens, dont la
boiffon étoit au mélange d’eau & de poudre d’Ergot,
a vomi, fans autre incommodité : K un & l’autre a
été conftipé, & a eu le ventre tendu pendant trois
jours;mais après qu’ils eurent mangé quinze onces
de ce pain, ils ontéprouvé du dévoiement:
les deux carpes ( i ) n’ont point paru affeélées :
les poules l ’ont refufé; lorfqu’on leur a fait avaler
de force, leur efiomac s’eft gonflé, & a longtemps
retenu la pâte, dont l’Ergot faifoit la plus
grande partie, mais il ne s’en en pas fuivi d’accident.
On a fait manger à un petit chien une once
de farine d’Ergot dans du lait; un autre en a
avalé trois onces dans du bouillon : un chat en a
pris deux onces ; aucun de ces animaux n’en a
reffenti de mal.
Un chien a refpîré pendant dix minutes la
vapeur d’Ergot, qu’on avoit mis fur un caillou
rougi au feu. Les fpeélateurs de cette expérience
n’en ont eu qu'un peu de chaleur aux yeux, &
le chien a paru ne rien éprouver.
De l'infufion d’Ergot, injeélée dans la veine
d’un mouton, lui a occafiônné des mouvemens
convulfifs, de l’oppreffion, des battémens de ventre.
Cet animal a mangé enfui te, & il lui eft fur-
venu une roideur univerfelle : on l’a tué; mais
M. Schleger ne rapporte pas le réfuitat de l’ouverture
du corps.
On a faupoudré d’Ergot une plaie récente,
dans une partie charnue du doigt-d’un homme;
le fang s’eft arrêté tput- à-coup ; le bl -ffé a éprouvé
une ardeur légère, fuivie d’un engourdinement
dans la plaie & dans le bout du doigr> Le même.
Auteur convient que quelque temps après qu’on
a mâché de l’Ergot, il imprime fur la langue
un goût d’huile rance, une fenfation brûlante,
une féchereffe âcre & mordicante, qui ne fe
diflippe que par l’ufage du lait; & que la pouf-
fière de l’Ergot pique le nez comme du tabac
très-fort.
C’eft avec ces expériences que M. Schleger
effaie de juflifier l ’Ergot du mal qu’on lui attribue
: il eft certain que d'après elle on ne peut
conclure que l’Ergot foit caufe des maladies gangrèneufes
de la Sologne, puifqu’aücun des animaux,
dont M. Schleger s’eft fervi na été attaqué
de gangrène : mais on peut objecter à M.
Schleger que fes expériences n’oni pas été portées
affez loin; que dans la plupart, il. s’eft,contenté
de donner une fois de l’Ergot'Ù des animaux
; que les habitans de la Sologne peu vent
en manger beaucoup.& long-temps de fuite (2 ),
&c. D’ailleurs, les faits même qu’il rapporte, détomp
L’Auteur qui a extrait M.Schleger, a omis de rendre-
te de ce qui. a pu arriver, au cochon Sc au mouton.
( i ) « Un homme, dit M. Schleger, qui mangeroit
•»chaque jour quatre ou fix livres de pain, ne s'expo-
»fe roit pas à un grand danger, en avalant avec le pain,
» une dcini'Once 4*£rgot en huit fours,(t) Journal Encyclopédique, du mots de Juin 177s, Proportion exafte »
pofent fortement contre l’Ergot : la répugnance (
des animaux pour cette graine, ainfi qu’il l’ob-
ferve, le chien qui a vomi pour en avoir pris
dans de l'eau, les volailles qui ont eu de la peine
à le digérer, des chiens dont le ventre a été
diftendu & conflipé d’abord, relâché enfuite,
parce qu’ils avoient mangé de 1 Ergot, les con7
vulfions & autres accidents du mouton, dans
les veines duquel on en a injeété de l'infufion,
l ’effet qu’il a produit fur le doigt d’un homme,
l’impreftion qu’il fait fur la langue & dans le n e z ,
toutes ces circonflances ne font-elles pas propres
à le faire regarder comme dangereux , & à le
faire foupçonner d’être la caufe des épidémies
gangrènneufes qui lui ont été attribuées ?
Expériences de M. Model (1).
M. Model, phyficien Ruffe, dit qu’il y a beaucoup
de preuves que des gens, par bravade ,
ont mangé de l’Ergot crud, fans en avoir été
incommodés.
I! mêla différentes fois de l’Ergot avec du feigle
'& du froment; il jetta le mélangera des pigeons ,
qui le laiffèrent d’abord, peut-être, dit-il, par
rapport à la couleur noire : le lendemain ils le
mangèrent avec beaucoup d’empreffemenr : il ne
leur en arriva rien.
De la farine de feigle & de la farine d’Ergot,
ayant été mêlées, à parties égales, ce mélange fe
■ gonfla & perdit beaucoup de fa couleur noire.
M. Model le fit pétrir enfuite avec deux fois autant
de farine de feigle qu’il y avoir d’Ergot :
on en forma un pain, qui après qu’il -fut cuit
étoit fans goûr,bien levé, & d’une couleur peu
différente de celle du pain de pur feiglé. Ceux
qui le mangèrent n'en reçurent aucune incommodité.
Des trois faits allégués par M. Model, le dernier
eft le feul qui mérite attention; car les gens
qui ont mangé de l’ergot par bravade, en ont
vraifemblablement mangé fi peu qu’on n’en doit
rien conclure; il en eft de même de ce qu'en
ont mangé les pigeons puifqu’il paroît qu’on
ne leur en a donné qu’une fois; encore ne fait
on pas à quelle dofe ; leur répugnance pour
l’Ergot eft plus facile à concevoir, que leur em-
preffement pour cette graine.
» qaelqu'ergoté qo’on fuppofe le grain dont on fe fert.»'
M. Schleger ne prévoyait pas qu’une feule gerbe de feigle ,
qui pouvoit rendre environ quatorze livres de gra in,
me fourniroit hait onces d’Ergot; 5c que de deux terrains,
l’un fur mille huit cent cinquante épis, en auroit
-trois cent vingt-deux ergotes. Sc l’autre fur quatre cent
en auroit environ quatre-vingt ergotes, comme je l’ai
attelle précédemment.
(O Récréations chimiques de M. Model publiées en
1768.
Le pain, que quelques perfotines ont mangé,
contenoit, félon M. Model, un quart d’Érgot;
quantité confidérable, fans doute : mais on ne
dit pas de quel poids il étoit, ni combien, en.
le mangeant entier, on a mangé d’Ergot. D ’ailleurs,
il n’eft pas certain que ces perfonnes n’aient
pas pris en même temps des alimens capables
de détruire le poifon de l’Ergot. Ce fait n’efl pas
affez détaillé pour qu’il puiffe faire quelque ini-
preffion.
Expériences de M. Parmentier^ 1).
M. Parmentier, apothicaire-major des invalides
, & phyficien recommandable par des ouvrages
d’une grande utilité, publiés en différens
temps, eft celui qui a fait les plus nombreufes
expériences fur l’Ergot, qu’il a regardé comme
incapable de produire de dangereux effets.
Il s’eft fournis lui même à l’épreuve de l’E rgot
: il en a pris à jeun pendant huit jours de
fuite, un demi-gros chaque matin, & il n’en a
pas été incommodé.
Il en a ajouté pendant quatre jours un huitième
aux alimens dont on nourriffoit un pigeon.
& une poule : celle-ci n’en voulut pas d’abord ;
le lendemain elle en mangea, ainfi que le pigeon,
avec avidité ; on leur en donna un quart les
quatre jours qui fuivirent on en fit pendant
ce même temps manger à un chien, en même
proportion, en le mêlant en poudre avec du
pain & de la viande.
M. Parmentier a fait un pain compofé d’une
once d’Ergot, de huit onces de pâte de farine
de feigle, y compris le levain : ce pain fut distribué
aux trois animaux précédens. Les deux
jours fuivâns, on leur fit d’autres pains, en
augmentant chaque jour du double la dofe d’E rgot.
Dans aucun de ces cas il ne réfulta de mal :
on tua le pigeon & la poule ; on ne trouvât
pas dans leurs corps de veftige de gangrène, ni
d'érofion.
Un cochon mangea pendant huit jours, tous
les matins une once d’Ergot jointe à deux onces
de farine de feigle, indépendamment des autres
alimens, dans lefquels on avoit foin qu’il n’entrât
pas de fon. Un chien pendant le même
temps, en prit par jour une demi-once mêlée
à du pain & à de la viande: M. Parmentier en
joignit un huitième à de la vefee & à du che-
nevis deftinés pour deux pigeons, qui les premiers
jours feulement refufèrent l’E rgot, à ce
qu’il croit, à caufe de fa couleur noire. II leur en
• (1 ) Obfervations 5c additions aux ^créations chimiques
de M. Model.
Journal de phyfique.
Mémoire particulier, -
K | ij