'Zélée ne pourrait produire qu’un effet très-fâcheux sur le moral
de nos matelots , accoutumés à voir, dans ce navire notre fidèle
compagnon, un asile prêt aies recevoir et à les sauver en cas d’accident.
Dans ce nouvel arrangement, je laisserai à l’hôpital de Hobart-
Town les malades, probablement au nombre de quinze ou seize,
encore trop fiiibles pour reprendre la mer, sous la surveillance médicale
et administrative de M. le docteur Hombron. A notre sortie
des glaces, M. le capitaine Jacquinot viendra les reprendre à Ho-
bart-'lown, tandis que je continuerai nos opérations sur la Nouvelle
Zélande, et nous nous l ejoindror.s à la Baie-des-lles au mois
de mars ou d’avril, pour nous diriger ensemble vers la France.
Le gouverneur de Van-Diemen s -L a n d , sir John Franklin, et
toutes les autorités de la colonie, nous ont comblés de politesses,
et se sont empressés de fournir à tous nos besoins avec la plus
parfaite obligeance.
Mon projet de pousser une'noiivelle pointeau sud, sur le méridien
d’H ob a r t-T ow n , n’avait d’abord pour but que d’ajouter
à tons nos travaux déjà accomplis un honorable supplément; mais
ce que j’ai appris ici m’a prouvé que cette tentative était presque
une obligation. L’expédition américaine qui se trouve en ce moment
à Sydney, l’expédition de James Ross, qui va arriver inces_
saramentici, poursuivent avec ardeur lemême but, et chacun ne
pense qu’aux progrès possibles vers les régions antarctiques. Dans
un pareil mouvement des esprits, il eût été fâcheux qu’une expédition
française eût été obligée de se tenir en arrière. Reste à savoir
jusqu’à quel point la fortune va nous favoriser dans celte
nouvelle tentative.
J’ai l’honneur de vous adresser les calques de deux cartes, con-
lenant nos opérations sur la côte S. 0 . de la 'Nouvelle-Guinée et
sur la côte S. E. de Bornéo.
Comme ce sont deux morceaux importants de géographie, j’ai
désiré les assurer contre toutes les chances de malheur, e tje serai
bien aise qu’il leur soit donné de la publicité dans le Bulletin
de la Société de géographie et dans les Annales maritimes.
Hobart-Town, Astrolabe, 19 février 1840.
Monsieur le Ministre,
Il n’y a que deux jours que je suis de retour à Hobart-Town,
e t j em ’empressse de vous transmettre les résultats de notre seconde
excursion dans les régions polaires du sud. Ces résultats,
je l’espère, seront de nature à exciter l’intérêt général ; ils devront
surtout être favorablement accueillis par le ro i, q u i, lui-m êm e ,
dirigea mes efforts vers les parages antarctiques. Pour répondre
à son attente, il verra que, malgré les fatigues, les dangers et le
terrible fléau qui accompagnèrent ma première tentative, j’ai pris
sur m oi d’en hasarder une seconde, sur un point du globe précisément
opposé à celui qui m’avait été indiqué. Deux considérations
puissantes me poussaient dans cette direction : d’abord le
champ était complètement vierge , puisque aucun navigateur n’y
avait jamais pénétré au-delà du 59= degré ; ensuite, d’après le
petit nombre de déclinaisons de l’aiguille aimantée jusqu’alors
observées dans des latitudes bien moins élevées, les physiciens
avaient été conduits à placer le pôle magnétique austral dans ces
parages.
Mon unique regret était d’avoir affaire à des équipages fatigués
par v ing t-h uit mois de la navigation la plus active qui ait jamais
été accomplie, et de plus, tout récemment décimés par l’affreuse
dyssenterie ; cependant je savais qu’ils avaient confiance en mou
étoile. Dans les états-majors, à travers l’ennui général, quelques
personnes, encore animées du feu sacré, souhaitaient presque
aussi ardemment que moi de voir cette nouvelle pointe s’accomplir,
et m’invitaient à cette tentative.
Enfin la concurrence des capitaines anglais Ross et américain
W ilk e s, acheva de me décider. Je ne songeai qu aux précautions
nécessaires pour rendre cette nouvelle épreuve moins fatale que
la première à nos marins, et le succès le plus complet a couronné
les mesures que j’ai prises.
Nous appareillâmes à'Hobart-Town le i®’’ janvier au matin ;
mais le vent contraire me foi’ça de laisser tomber l’ancre dans la
rivière au bout de quelques heures. Le 2, nous pûmes vider la Baie
des Tempêtes ; mais nous fûmes encore quelques jours contrariés