eu la crainte d’etre rangé parmi les marins cFeau
douce, comme il l’a dit lui-même, il eût demandé son
changement. Cependant, la gabarre devait aller d’abord
à Civila-Veccbia, et il avait tant d’envie de voir
Rome, que ce seul espoir le fit passer par dessus la profonde
répugnance qu’il éprouvait pour sa profession.
Après deux ou trois mois de courses méditerranéennes,
arriva à Civita, et pendant six jours entiers, Jules
d’Urville put parcourir Rome, visiter ses édifices, et
mettant à profit les études de sa jeunesse, y recueillir
un fonds inépuisable de souvenirs. Qu’on se figure, en
effet, cette âme d’élite, cet esprit si vaste et si rempli,
faisant revivre par la pensée, sur cette terre , tout un
monde qui n’existe plus ! qu’on se le figure, parcourant
seul et rêveur, ces rues aujourd’hui presque désertes
et autrefois si peuplées , ces temples qu’encombrait
jadis une foule pieuse, et qu’elle délaisse maintenant,
cet immense Forum où toutes les destinées de l’empire
romain avaient été discutées, ce Capitole qui deux fois
avait été le bouclier de la ville éteimelle!
Mais quelques années encore, et le jeune enthousiaste
devait pleinement satisfaire tons les rêves qu’avait
fait naître en lui la lecture des poètes et des historiens,
en foulant aux pieds la terre illustrée jadis
par les exploits d’Achille, la grandeur de Thémistocle,
et le passage victorieux d’Alexandre.
lAAlouette revint bientôt à Toulon, puis après un
court séjour dans cette ville, elle remit à la voile pour
Lorient. G Alouette, en quittant le port, allait se diriger
sur le cap de Bonne-Espérance, où l’attendait
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lun terrible naufrage. Malgré l’attrait d’un semblable
voyage pour le jeune officier, Jules d’Urville demanda
et obtint son débarquement. Il venait d’apprendre
qu’une expédition de découvertes, sous le commandement
de M. de Freycinet, se préparait en France. C’était
la première fois, depuis qu’il appartenait au
corps de la marine, qu’une semblable circonstance se
présentait ; on pense bien qu’il ne voulait point la
perdre.
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En quittant VAlouette, il ne fit qu’un court séjour
en Normandie, dans sa famille , qu’il n’avait par revue
depuis quatre ans, puis il se rendit sur-le-cbamp à
Paris, dans l’espérance d’y rencontrer M. de Freycinet.
Celui-ci était déjà à Toulon, pour présider à l’armement
de son navire. Le jeune et ardent marin, ne s’arrêtant
pas un instant, arriva bientôt après lui, et
malgré toutes ses prières, malgré ses nombreuses démarches
, il n’obtint qu’un refus poli à sa demande
d’embarquer surf Uranie; les choix du capitaine étaient
déjà faits, et il ne pouvait augmenter le nombre des
ofiiciers de sa corvette.
Ce refus, qui lui fut peut-être par la suite plus
heureux que fatal, ne lui fit pas moins éprouver d’a1
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