mille SI souvent privée de son chef, les (pielques
jours que pourraient lui laisser encore les cruels maux
qu’il endurait ; sa vie s’était usée dans ces pénibles
excursions; les fatigues et les privations avaient bien
bâté l’époque de la vieillesse; jeunesse, santé, alfec-
tions de l’époux et du père, tout cela Dumont-d’Urville
l’avait sacrifié à sa noble ambition; pour lui la
mort eût été une délivrance ; mais , disait-il souvent,
il n’avait point encore accompli son mandat sur la
terre; malgré des douleurs incessantes, la vie, pour lui,
était encore semée de douceurs, à côté de sa femme si
dévouée et de son fils si affectionné ; il avait aussi à
coeur de livrer à la publicité le récit de l’expédition
qu’il venait de terminer.
Cette tâcbe qu’il s’était imposée, et qui devait, dans
sa pensée, clore sa vie, il ne lui a point été accordé de
la remplir ; les trois premiers volumes du Voyage au
Pôle Sud et dans T Océanie, ainsi que les troispremiers
chapitres du quatrième, ont seuls été rédigés par lui. La
partie ethnologique sur laquelle il avait porté toute son
tenlion, et qu’il s’était réservée, est restée inachevée.
Doué d’une mémoire prodigieuse, Dumont-d’Urville
laissait trop à ses souvenirs. Dans son troisième voyage
de circumnavigation, suivant ses propres aveux, il avait
surtout pour but de compléter ses observations sur
les langues océaniennes, qui depuis plus de quinze ans
étaient l’objet de ses études, et sur lesquelles il préparait
depuis bien longtemps un travail important ; et cependant.
dans ses manuscrits, on ne trouve que bien
peu de traces des recherches auxquelles il s’est livré; et
les quelques écrits qu’il nous a laissés, ne permettent
même pas de retracer tout le cadre du travail qu’il s’était
réservé. Sesjournaux de bord eux-mêmes, quoique
très-complets, ne renferment que le sommaire peu
étendu des événements principaux arrivés pendant le
cours de l’expédition ; il comptait avec raison sur sa
mémoire pour compléter son récit au moment de la
rédaction. C’était donc une oeuvre difficile que celle de
terminer l’ouvrage que sa mort laissait inachevé ; confiée
au dévouement et à l’affection de ses compagnons
de voyage , elle est à peu près accomplie. L ’histoire
du voyage est terminée, tous les matériaux ethnologiques
ont été rassemblés et mis en ordre par l’un de
ses compagnons de route, par celui qui, sous ses ordres
, s’était le plus occupé de la science de la linguistique
dans laquelle déjà il était très-versé. Dans
peu de temps, cette partie, aujourd’hui sous presse,
verra le jour.
Il nous reste à présent un dernier devoir à accomplir,
à nous qui avons été chargé de continuer la tâche
que s’était réservée le chef de l’expédition ; c’est
celui de faire connaître la vie de Dumont-d’Urville.
Il est loin de notre pensée de vouloir porter un jugement
sur des actes et des travaux qui sont aujourd’hui
du domaine public, et le panégyrique louangeur
n’est plus dans nos moeurs ; mais lorsqu’on fait
un voyage de quelque étendue avec une personne, on
est toujours bien aise d’avoir des renseignements sur
son compagnon, et, quoi qu’on en dise, ces notions
préliminaires influent souvent sur l’opinion qu’on doit