monts ; clic conduit à Longwood, la seconde descend dans un ravin
, elle conduit au tombeau. Un sentier la divise à sa naissance;
il se dirige vers la mer.
Sur cet espace privé de l’abri du b o is , on subit de nouveau
la violence des vents constants de l’alisé. Des touffes d’herbes à
fleurs jaunes, des buissons rabougris, croissent sur des pentes où
la terre végétale n’a que peu d’épaisseur. Ils donnent pâture à
quelques vaches de chétive apparence , qui lèvent la tête et semblent
reconnaître l’étranger qui vient troubler leur repos.
On est alors à quelques pas d’un ravin, qui ’’porte le nom au
moins singulier de Bol de punch du Diable. Le tombeau de l’empereur
y est placé.
Le premier objet qui frappe la vue dans cette direction, est
une petite maison blanche comme les Anglais en bâtissent. Un
enfant de douze a n s , placé en vedette m’apporta aussitôt une
carte sur laquelle on lisait :
A LA TOMBE DE NAPOLÉON.
Sainte-Hélène,
Rafraîchissement sont suppliés aux visiteurs ,
sous la licence du gouvernement,
pour le bénéfit
d ’UNE VEUVE ET DE SA FAMILLE.
La spéculation avait passé par là. La tombe du grand capitaine
servait de réclame à une auberge. J’avais vu maintes fois le nom
de l’empereur placé sur l’enseigne des boutiques ; je l’avais vu
figurer dans les parades de foire ou sur la scène de quelques
théâtres ; mais jamais, cependant, je n’avais éprouvé de sentiment
comparable à celui que m’inspira la lecture de cette carte.
Dans les parades de foire, sur le théâtre, il semble qu’on l’ende
encore un cu lte , si grossier qu’il s o it, à la mémoire de l’homme
illustre. I c i, c’était en face de sonTombeau qu’on spéculait, non
plus sur un nom ou sur de glorieux souvenirs, mais sur le voisinage
de scs dépouilles mortelles ! Une buvette i côté d’une
tombe, et quelle tombe! celle de l’homme qui a rempli le monde
de son nom et du bruit de ses entreprises. A mes yeux, c’était une
douloureuse profanation.
Déjà l’époque du règne de l’empereur est loin de nous. C’est à
peine si la jeune génération de notre temps était née lors des événements
qui amenèrent sa chute. De ses triomphes, de sa splendeur,
de sa puissance, il ne reste que des traditions. Sa prodigieuse
fortune n’apparaît même dans les souvenirs de ses compagnons
d’armes que comme un rêve , et cependant, en approchant
de l’enceinte circulaire qui environne l’espace où son tombeau
est placé, il semble que sa mort soit récente, que sa captivité date
de la veille, et qu’on vienne d’assister à l’inhumation.
Ala vu ed e la plaque grise, sans inscription, qui recouvrait son
corps, le coeur se serre ; c’est avec une douloureuse émotion qu on
contemple celte fosse vulgaire où ont abouti tant de génie, tant
de puissance et de gloire. C’est avec un pieux recueillement qu’on
s’incline devant une si grande adversité, et qu’on touche de 1 oeil
ce terrible exemple du néant des choses humaines......
Un vieux gax-dien étaitpréposé à la garde du tombeau. Sa solde
était presque tout entière dans les libéralités des visiteurs. Aussi
ne leur laissait-il aucune trêve. Il ne permettait pas le recueillement;
à toute force, il voulait remplir son office de cicerone, et
débiter sa marchandise, qui consistait en rejetons du saule p leureur
qui ombrage ou p lutôt qui ombrageait le tombeau ; car le
vieux tronc était mort depuis longtemps. Il ne restait plus qu un
seul arbre d eb ou t, et ses branches languissantes, son écorce
maladive, indiquaient assez qu’il ne devait pas survivre au déplacement
du corps qu’il abritait.
La description du tombeau est dans tous les souvenirs. Nous
ne l’entreprendrons pas. Au moment où nous l’avons vu, les préparatifs
pour l’exhumation étaient déjà faits. Sous une tente
placée à quelques pas, on avait réuni tous les instruments nécessaires
à cette opération , qui ne devait avoir lieu q u à 1 arrivée
du prince de Joinville.
Je m’étais muni à James-Town d’une permission de l’état-
1
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