quinze à seize ans. On le voit, il ne manquait pas de se
confier à de vieilles connaissances.
En quittant les Canaries, la corvette se dirigea sur
rAustralie et de là sur la Nouvelle-Zélande, à travers
des dangers de toute sorte. Elle parcourut ensuite les
côtes de la Nouvelle-Guinée, semant partout sur son
passage des noms célèbres affectés, soit aux îles, soit
à des caps, soit à des baies de tenues découvertes. De
la Nouvelle-Guinée, d’Urville fit route pour Ani-
boine, et enfin après une longue navigation, il arriva
à Vanikoro, cette île aux douloureux souvenirs.
C’était là, sur des rocbers de coraux, à quelques
brasses de profondeur, que gisaient depuis quarante
ans, les restes du naufrage de Lapeyrouse; des ancres,
des canons, des boulets et quelques ustensiles en fer
et en fonte. D’Urville, dont le coeur en apparence si
froid et si endurci, avait cependant des larmes pour
tous les malbeurs, recueille avec religion ces seuls
débris d’une grande et déplorable catastrophe. Par ses
ordres un monument s’élève près des rocbers, causes
du désastre ; monument qui dira, par sa seule présence
, aux navigateurs audacieux parcourant ces
mers, toute une lamentable histoire et ses funestes
résultats. Enfin, la corvette reprenant sa course, fait
encore des travaux importants dans les archipels des
Mariannes, des Carolines, dans les détroits des Molu-
qnes. Bientôt après, revenant à travers la mer des
Indes pour se rapprocher du cap de Bonne-Espérance,
elle opère son retour en France, le 25 mars
1828 , après un voyage de vingt-trois mois.
Il n’entre nullement dans notre pensée, après ce
rapide exposé du voyage de circumnavigation de l ’^.s-
trolabe, de porter un jugement sur ses résultats ; ce
voyage est depuis longtemps apprécié dans les comptes
rendus de l’Académie des sciences de l’année 182g.
On y lit un rapport deM. de Rossel , alors directeur-
général du dépôt des cartes et plans, des plus favorables
aux travaux bjffirograpbiques de cette expédition;
l’esprit sérieux et consciencieux de ce célèbre hydrographe
est suffisamment connu pour faire apprécier
toute la portée des éloges qu’il accorda aux opérations
de cette campagne, d’autant mieux qu’à cette
époque, Dumont-d’Urville lui était complètement inconnu
; mais nous trouvons dans les mémoires inédits
de l’illustre marin le jugement qu’il a porté lui-même
sur l’expédition qu’il commandait, et on nous saura
sans doute gré de le donner. « Cette aventureuse
« campagne, dit-il, a surpassé toutes celles qui avaient
<c eu lieu jusqu’alors, par la fréquence et l’immensité
« des périls qu’elle a courus, comme par le nombre
« et l’étendue des résultats obtenus en tout genre.
(( Une volonté de fer ne m’a jamais permis de reculer
(C devant aucun obstacle. Le parti une fois pris de pé-
(( rir ou de réussir, m’avait mis à l’abri de toute hé-
« sitation, de toute incertitude. Vingt fois, j’ai vu 1’^.?-
« trolabe sur le point de se perdre, sans conserver au
« fond de l’âme aucun espoir de salut. Mille lois j’ai
« compromis l’existence de mes compagnons de voyage
« pour remplir l’objet de mes instructions, et durant
« deux années consécutives, je puis affirmer que