qu’il en avait tracée, promettant de faire l’acquisition
de ce chef-d’oeuvre pour le Musée de Paris. En effet,
à son retour en France, d’Urville apprit, de la
bouche même de M. de Rivière, que cette magnifique
statue venait d’être acquise parles soins de M. de Marcellus
, sans qu’il l’eût même vue, et sur la seule autorité
de la notice qu’avait rédigée Dumont-d’Urville.
Placée aujourd’hui dans le Musée de Paris, cette statue,
sous le nom de Vénus de Milo, occupe le premier
rang parmi les chefs d’oeuvre de l’art antique.
De retour en France à la fin de 1820, M. Gauthier
fit encore choix du jeune et savant enseigne, pour
travailler, sous sa direction, à la construction des
cartes de la Méditerranée. En conséquence, il se dirigea
vers la capitale, avec sa famille réduite à sa femme
et un fils de quatre ans environ , et avec ses immenses
collections. Il partagea celles-ci libéralement entre le
Muséum et une foule de botanistes ; puis il lut à l’Académie
des Sciences, sur son dernier voyage , une notice
qui le mil en rapport avec plusieurs des membres
de cette société. Partageant son temps entre ses travaux
au dépôt de la marine et ses études botaniques,
il menait une existence active, mais peu aisée et par
suite semée de grandes privations. Simple enseigne de
vaisseau, ses appointements se bornaient à 2000 francs
par an; sa femme était sans fortune aussi, et il ne
touchait presque rien de son patrimoine.
Heureusement, fort heureusement pour cette vie de
privations qu’il n’aurait pu supporter longtemps, et
aussi pour son courage qui allait toujours endécroissant,
à mesure que l’amertume entrait dans son coeur,
fort heureusement, disons-nous, cet état de choses
ne dura pas longtemps. Le 1 '’^ mai 1821, il fut nommé
chevalier de la Légion-d’honneur ; le i 5 août de la
même année, après neuf ans de service comme enseigne,
il fut promu au grade de lieutenant de vaisseau.
C’étaient là, pour l’instant, tous ses désirs; il allait
pouvoir avouer enfin hautement un projet conçu depuis
son arrivée à Paris, avec l’nn de ses camarades,
M. Duperrey ; projet qui devait donner un commencement
de réalisation à ses désirs de grands voyages
et de découvertes , et que son grade , inférieur à celui
de M. Duperrey, ancien officier de Y Uranie, fait
lieutenant de vaisseau au retour de celle expédition,
avait retardé jusqu’alors.
« A cette époque, dit-il, rebuté par treize années de
« misères, d’humiliations et d’efforts sans succès, on
« a vu mon ardeur s’éteindre , les illusions de la jeu-
« liesse se dissiper, mon ambition s’anéantir ; résolu à
« traîner mon triste harnais par la seule raison que mes
« moyens de fortune ne me permettaient point de le
« quitter. » Voilà ce qu’était, à l’âge de trente-un ans,
Jules d’Urville; fatigué des bommes et des choses, aigri
par les événements ; mais, quoiqu’il en dise, toujours
soutenu par une volonté énergique, toujours dominé
par les idées de gloire et d’ambition de sa jeunesse,
qui devaient lui faire surmonter les difficultés
sans nombre et les obstacles qui s’opposaient encore
aux combinaisons de son ardente imagination.
Le projet d’un voyage de découvertes et de circum