effrayant paysage. Sur chacune de ces soniniitcs, on retrouve la
trace des constructions destinées aux gardiens du prisonnier. Des
mâts de signaux, des télégraphes se dressent de toutes parts et sur
divers points, plus rapprochés, des édifices affectés aucasernemcnt
des troupes, témoignent de la rigoureuse surveillance dont il
était l’objet.
An bout de quelques pas , on arrive auprès de deux maisons,
li ’une est assez grande; clic est mieux abritée, son extérieur est
plus frais. L’autre est petite, son apparence est dégradée. Des
bâtiments sales et noirs l’entourent. La premièi’e maison est celle
qui fut élevée pour servir de logement à l’empereur, longtemps
après son arrivée, et qu’il n’a jamais habitée. La seconde est celle
où il demeura constamment.
Quelle que soit la tristesse ressentie en visitant le tombeau, elle
ne saurait égaler celle qu’on éprouve en entrant dans cette demeure.
On est saisi d’un juste sentiment d’indignation en voyant
dans quel état les pi’opriétaires de eet édifice l’ont laissé. On a
peine à comprendre une si révoltante incurie; car elle fait encore
plus de honte pour ceux qui la tolèrent q u e lle ne froisse les sentiments
de ceux qui en sont les témoins.
Pourtant Longwood, on nous l’a affirmé, est une propriété de
la compagnie des Indes, affermée à un officier en retraite de l’armée
anglaise (le'capitaine Mason, autant qu’il m’en souvient), au
prix de 160 livres sterling, environ 4 ooo fr. Le rapport des terres
dépasse de beaucoup le taux de la rente que la compagnie perçoit,
et on est même surpris qu’elle se soit contentée d’un bail aussi
faible. En outre , Longwood procure à son locataire une autre
source de revenus qui provient d’une taxe prélevée sur la curiosité
des voyageurs. Il faut un permis du 'prix de trois shillings
pour visiter cette habitation, et cet impôt doit produire une
somme assez considérable. On ne peut donc trop s’étonner, non-
seidement de ce que les autorités anglaises souffrent un pareil
oubli de ce qu’on doit à la mémoire de l’homme le plus illustre
du siècle, à la mémoire du souverain déchu , mais encore de voir
un ancien officier, un militaire qui a peut-être pris part aux
guerres glorieuses de l’empire, témoigner si peu de res]K'cl pour
des souvenirs dont il lire un profit matériel. Celle conduite est
d’autant plus odieuse qu’elle est volontaire ; elle est sans excuse
plausible, et mérite la réprobation de tous les coeurs honnêtes.
L’intérieur de l ’édifice comprend cinq ou six pièces en tout : la
première est la pbis grande ; elle peut avoir huit pas de largeur
sur une longueur de douze. Elle servait de salie de billard. La
pièce suivante était le salon de réception. Qui pourrait le reconnaître?
un moulin à bras en occupe la plus grande partie.
C’est datjs ce salon, entre les deux fenêtres qui l’éclairciU, que le
corps de Napoléon fut déposé après sa mort ; c’est là, nous dit le
guide qui nous conduisait, qu’il fut placé dans le cercueil.
Là, l’édifice change de forme. Deux ailes font saillie de chaque
côté. L’aile gauche contient deux pièces : la salle à manger; une
seule fenêtre l’éclaire, elle fait face à l’est ; une cheminée est
placée vis-à-vis la fenêtre. La pièce suivante servait de bibliothèque
; elle est éclairée par deux fenêtres qui s’ouvrent aussi à l’est.
Celte chambre est la mieux conservée de toutes; elle est ornée
d’une boiserie en assez bon état. On croit y sentir encore une
certaine odeur de maroquin, qui est particulière aux bibliothèques.
Napoléon se rendait de son appartement, qui formait l’aile
droite, dans la salle à manger située en fa c e, ¡lar une porte in té rieure
murée aujourd’hui. 11 passait ensuite dans la bibliothèque.
r.es parois de toutes ces chambres étaient barbouillées de noms
écrits à la craie, presque jusqu’au plafond. Le moulin à bras lu i-
même en était couvert. Les p lus anciennes inscriptions dataient de
trois ans. Elles ne pouvaient pas tarder à être effacées par les voyageurs
avides de trouver une place pour y placer leur signature.
On ne peut parcourir ces différentes pièces sans ressentir une
vive émotion. On assiste presque aux actes de la vie du prisonnier.
On le suit dans scs moindres occupations ; on le volt renfermé
dans sa bibliothèque, s’efforçant d’oublier le poids de la
captivité, ou bien penché vers les persicnnes de ses fenêtres, examinant
à travers leurs fentes les troupes du camp voisin et jugeant,
spectateur inv isib le , de leins manoeuvres. Tontes ces pensées
X. 4