inajoi de la place, i|ià clait, disait-on. indispensable pour visiter
le tombeau. Elle lut inutile. Le gardien vint en courant au devant
de m o i, e t , sans demander de laissez-passer, m’introduisit
dans l’enceinte, où ilcommença sur-le-cbamp à débiter avec volubilité
le tbême ordinaire de son discours aux étrangers. Il débuta
par me montrer d'une main la consigne écrite qui défend
l’ormellemcnt de couper des brancbcs de saule pleureur; en
môme temps il tenait dans l’autre main, comme un palliatif à la
sévérité de celte défense, une serpette ouverte. En d le t , la consigne
n’avait de valeur que celle d’une lettre morte et on avait autant
de brandies de saule qu’on en désirait, au prix d’un demi-
sb illingla pièce.
Une guérite, veuvedcson factionnaire, était placée à l’entrée du
tombeau. Elle ne servait plus qu’à contenir des registres sur Ics-
(juels les voyageurs inscrivent leurs noms avec un empressement
qui a presque la force d’un instinct. Ce pencbanl à couvrir les
murs, les monuments ou le papier d ’inscriptions n’a pas manqué de
s exercer ici. Au dire du gardien, les premiers registres sont devenus
la propriété des gouverneurs successifs de l’île, qui les ont
emportés en Angleterre. Plus tard , personne ne s ’est plus soucié
de les recueillir, et maintenant ils deviennent la possession du
gardien qui les annule, ou s’en sert pour allumer sa pipe. Que de
gens seraient désappointés s’ils connaissaient le sort de leurs
inspirations !
La plupart de ces écrits , tracés par des bommes appartenant
a toutes les classes de la société, portent l’empreinte d’un même
sentiment : celui d’une profonde pitié, qui’ inspire des pensées
très-singulièrement exprimées. C’est un mélange de réflexions
na’iv e s, d’indignation violente, de douleur et de regrets, respectable
en lui-même, mais qui donne plus de prise encore au ridicule
qu’à la sympathie.
En quittant le tombeau, les mains garnies de branches de
cyprès et de saule, et de feuilles du géranium planté par madame
Bertrand, je rencontrai plusieurs de mes compagnons qui venaient
d’arriver. Je les suivis dans la maison où, comme moi, ils avaient
(Ré conviés à se ralraîchir. On se hâta de nous demander quels
mets nous désirions pour déjeûner, et bienUÎt le repas fut prêt.
Notre hôtesse, madame Torbett, était une femme de cinquante
ans environ. Elle habitait Sainle-Hélène depuis i8 i5 , et prétendait
avoir connu l’empereur. Son mari était le propriétaire du
terrain contenu dans le creux du Bol de punch du diable. À la
mort de Napoléon on lui demanda s’il voulait accéder aux d e r nières
volontés d(! l’empereur, qui avait exprimé le désir d’ètre
enterré dans ce site pour lequel il avait toujours marqué une pi-é-
dilection particulière. M. Torbett agréa cette proposition sur-le-
cbamp, et peu de jours après, son champ re<:utles restes mortels
de l’illustre captif.
Il ne faut pas croire que la concession faite par M. Torbett fût
entièrement désintéressée. Au dire du gardien du tombeau, cette
concession fut au contraire une source de gain considérable pour
cette famille.
D’abord, le gouvernement anglais lui alloua une indemnité
annuelle de 200 livres sterling. Au bout de quatre ans, pour
échapper aux demandes incessantes de la famille Torbett, cette
rente fut rachetée au moyen d’une somme de 1200 livres sterling,
une fois payée; ce qui produit un total d’environ 5o,ooo fr.
Ensuite, pendant une assez longue période d’années, la famille
Torbett resta en possession du droit d’exploiter ouvertement les
voyageurs, en e.\igeant de chacun d’eux une somme de câiiq
shillings (6 fr.), pour les admettre auprès du tombeau.
Maintenant, fidèle à ces habitudes d’exploitation, elle tient auberge.
De sorte que , si ces détails sont vrais, la pauvre vc-uve
serait loin d’étre dans le dénuement qu’elle semble afficher.
Mais il est un autre fait qui, s’il est vrai, jette une ombre de
plus sur la conduite de cette famille.
Le gardien du tombeau nous raconta également qu’à l’époque
où le terrain du tombeau appartenait encore à la famille Torbett,
des Anglais de la plus basse classe, se réjouissant peut-être de
voir le rég'imc impitoyable de surveillance imposé à la population
finir avec ia mort (ht,monarque caji'.if, venaient se réjouir et