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naturelles, Dumont-d’Urville fut désigné pour faire
partie de celte quatrième exploration ; ce choix justifié
par les talents du jeune enseigne, le fut encore par le
zèle dont il fit preuve pendant une campagne de neuf
mois. Ce fut alors qu’il eut le bonheur,— bonbeur
inestimable pour son âme ardente et toujours attristé
e ,— de fouler aux pieds ce sol de la Grèce, jadis
tant vénéré par lu i, inépuisable champ de vieux souvenirs
, terre classique de béros homériques dont il
avait bût, dans sa jeunesse, ses idoles et ses dieux,
patrie des philosophes à la morale grave et profonde
et des républicains aux idées ardentes et libres, toutes
choses qui sympathisaient si bien avec sa morale et ses
idées à lui !... C’était encore un de ses rêves qui trouvait
s a réalisation; car que de fois, l’écolier des bords
de l’Orne, le lycéen de Caen , à la lecture d’Homère,
de Sophocle ou de Platon, ne s'était-il pas épris d’un
grand enthousiasme pour cette terre des braves soldats
et des libres penseurs ; que de fois il avait ambitionné
de pouvoir la visiter un jour ! Ses voeux commençaient
donc à s’accomplir.
De retour à Toulon, et riche déjà des connaissances
acquises, M. d’Urvillene tarda pas à repartir avec le capitaine
Gauthier, pour accomplir l’explora tion hydrographique
dudétroit des Dardanelles, du canal de Constan-
tinople et de la mer Noire. Durant ce voyage la gabarre
la Chevrette, dit-il, « fit le tour entier des côtes du
« Pont-Euxin, promena le pavillon français du Bos-
« pbore de Thrace au Bosphore Cimmérien, et des
« bouches du Phase à celles de l’Ister, traversa plu-
« sieurs fois la Propontide, et termina son explora-
« tion au fond du golfe d’Argos. »
Au reste, celte dernière campagne (1820) lui fut
favorable sous tous les rapports. Partout où il put
mettre le pied à terre, il recommença ses éludes
de naturaliste et d’archéologue. Ses recherches furent
fécondes , et le hasard lui procura l’occasion de
rattacher son nom à une découverte importante dans
les fastes de l’antiquité.
A son passage à Melos, l’équipage de la Chevrette
apprit qu’une statue venait d’étre trouvée dans les décombres
de l’ancienne ville. D’Urville alla la visiter
avec plusieurs de ses camarades ; ceux-ci n’y virent
qu’un morceau de marbre comme un autre ; mais lui,
fut tellement frappé de la beauté des formes et de l’excellent
goût du morceau tout entier, qu’il en traça une
notice assez détaillée ; il avait reconnu, dans cette statue
, la célèbre Venus Victrix qui, depuis, a reçu le
nom de Vénus de Milo. On eût alors pu l’acquérir
pour 5oo piastres turques, environ /|00 francs de
notre monnaie. Il dit à M. Gauthier quil 1 achèterait
de ses propres deniers, s’il voulait bû permettre de
l’embarquer à bord de la Chevrette; mais celui-ci,
alléguant la nature de la campagne qu’il allait faire,
le mauvais temps qu’il pourrait rencontrer dans la
mer Noire, ne répondit à cette proposition que par un
refus formel ; et dès lors, il fut obligé de renoncer a
ses projets. Cependant à Constantinople, M. de Rivière,
notre ambassadeur, l’interrogea longuement sur
cette découverte, et lui demanda la copie de la notice
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