72 NOTICE BIOGRAPHIQUE.
L’éducation de Jules d’Urville, avait eu un but arrêté
: on le destinait à la prêtrise. Le voir entrer en
religion, c’était la plus cbère espérance de sa mère,
qui, depuis quelque temps, sentait bien qu’il fallait
renoncer à l’espoir de voir un jour cet aîné de la famille
investi de tous les privilèges qui revenaient jadis
aux nobles premiers-nés. Bien que d’une piété fervente,
l’enfant ne voyait ces dispositions de sa mère qu’avec
une répugnance marquée, et se sentait soutenu avec
bonbeur par son oncle, l’abbé de Croisilles, qui
penchait, lui, pour la carrière des armes. Mais seul, et
sans conseils, l’enfant avait déjà fait bien des rêves de
grandeur, bien des projets ambitieux qui devaient
peut-être, décider de son avenir; rêves et projets qui
plus tard présidèrent aussi à tous les actes de sa vie, et
qu’il a voulu raconter lui-même , dans des mémoires
inédits.
« Conduit un jour de foire à Condé, mon pays naît
tal, dit-il, quoique mon coeur ne me paidât que fai-
« blement pour ma patrie; comme cette petite ville
« n’avait produit aucun homme célèbre, je me promis
« de redoubler d’efforts, afin d’y faire parvenir un
« jour mon nom sur les ailes de la renommée. Habi-
« tuellementplongé dans de semblables réflexions, j’en
« avais contracté un air sérieux et froid, peu ordi-
« naire à mon âge. Tant d’orgueil entre-t-il dans l’âme
« d’un marmot! »
Toujours préoccupé de ces idées de gloire et de
grandeur, lejeuned’Urvillefinissait sa rhétorique, lors-
qu’après le rétablissement du culte catholique, M. de
Croisilles fut nommé grand-vicaire et secrétaire-général
de l’évêché de Bayeux. Ces nouvelles fonctions ne
lui firent pas abandonner l’éducation de son neveu.
Toute la famille vint s’établir près du nouveau fonctionnaire,
et Jules d’Urville put suivre un cours de
mathématiques à l’école secondaire de Bayeux, en
même temps qu’il recevait quelques leçons particulières
de grec, qui lui permirent bientôt de traduire Lucien.
L ’on était en i 8o4 , et Jules d’Urville avait alors
quatorze ans. Napoléon venait de faire bénir, par le
pape Pie VIÏ, la couronne d’empereur que son génie
avait placée sur sa tête. Ce fut alors aussi qu’il ouvrit
les lycées impériaux, soumis à une discipline toute
militaire, et où la jeunesse vint avidement puiser une
instruction qui pût la mettre à la hauteur de l’impulsion
imprimée à la France par la gloire de l’empire.
Notre jeune héros ne devait pas être des derniers à
rechercher l’honneur, alors tant ambitionné, d’obtenir
une place dans les écoles. Sa mère s’y opposait
pourtant; mais malgré l’amour qu’il avait pour elle,
rien ne put arrêter l’enfant avide de connaître et de
travailler. D’ailleurs, il y avait dans celte nouvelle
existence qui s’ouvrait devant lu i, quelque cbose qui
lui parlait au coeur, et semblait lui dire que là , enfin,
il allait trouver une solution à ses rêves ambitieux,
un aliment à son âme inquiète.
Ainsi donc, après un brillant concours, Jules d’Urville
entra au lycée de Caen , comme élève boursier de
la commune de Bayeux. Toujours poursuivi par ses
idées de gloire, il demanda à suivre les cours de Iroi