Mais, à mesure que j ’avançais dans l’E ., je vis lè v en t mollir
et varier graduellement. Nous parvînmes pourtant jusqu’au cap
JValsch, et nous le reconnûmes comme avait flût jadis Cook, à
neutou dix milles de distance, quoique nous n’eussions plus que
quelques pieds d’eau sous notre quille, puisque la sonde ne rapportait
plus que quatre brasses de fond.
Il est évident que les calmes et les brises variables que nous
éprouvions annonçaient le reversement prochain de la mousson.
Je renonçai doue à pousser plus loin vers l’E , et m’efforçai,
sans plus de retard , de regagner dans l’O. le terrain
que j’avais perdu. Durant près de quinze jours, il nous fallut
lutter contre une série de grains violents, de sautes de vent et
de bourrasques fort ennuyeuses et fatigantes pour les équipages;
mais j’eus bien sujet de me féliciter de la résolution que j’avais
prise ;c.ir il est fort douteux que les deux corvettes eussent pu
échapper à leur perte, si nous eussions été engagés dans les récifs
du détroit sous de pareils auspices.
Enfin, le 27 mars, les deux corvettes purent s’amarrer en parfaite
sécurité au fond do la vaste baie de Ilafflcs. Les Anglais fondèrent
sur ce point, il y a quelques années, un établissement
qu’ils abandonnèrent bientôt, et dont nous vîmes les ruines.
Bien qu’incessamment poui suivis et dévorés par les moustiques,
les mouches et les fourmis, nous mîmes tous à profit les buit
jours que je consacrai à cette station, et la masse entière des observations
et des matériaux eut beaucoup <à gagner à cette relâche,
d’autant plus que jamais navire français n’avait encore v isité
cette portion de l’Australie.
Deux jours après notre arrivée, à notre grande surprise, nous
reçûmes la visite d’une embarcation anglaise montée par des officiers.
Ceux-ci nous racontèrent qu’ils avaient appris notre présence
h Rajfles-Bay TpoY desBouguis, occupés à pécher le tripang,
et ajoutèrent que les Anglais venaient de fonder de nouveau,depuis
si.x mois environ, un ctablissemeni au port à quelques
lieues dans l’O. de notre mouillage, sous la direction de Al. le capitaine
de vaisseau Bremer. Je leur promis d’aller rendre une
courte visite à leur gouverneur, si les vents me le permettaient.
En effet, le 6 avril, nous sortions de Raffies-Bay, et quelques
heures après, nous laissâmes retomber l’ancre au fond du beau
bassin du port Essington, à li’ois milles environ de la cité naissante
deVittoria.
Dès le jour suivant, j’allai rendre ma visite au capitaine Bremer,
officier d’une aménité, d’une douceur de caractère et d’une
noble simplicité de manières qui, dès le premier abord, préviennent
singulièrement en sa faveur. 11 parait animé d’un zèle si ardent
et d’une volontés! ferme pour le succès de sa naissante co - .
Ionie, et il a su si bien inspirer les mêmes sentiments à tous ses
subordonnés, qu’il sera bien démontré que l’Angleterre doit renoncer
à ce projet, si ce nouveau fondateur y échoue. Par son
climat, par les localités, surtout par la nature de son s o l , le port
Essington est loin de présenter les avantages que les Anglais ont
trouvés sur d’autres points de l’Australie, notamment au port
Jackson, à Hobart-Town , à King-Gcorge-.Sound et même à
Swan-River. Mais j’avoue franchement qu’un établissement dans
ces parages, quel qu’il puisse être , sera un [grand bienfait pour
les navires destinés au passage du détroit de Torrès. Du moins,
après cette épineuse navigation, ils pourront compter sur un
lieu de ressources et de rafraîchissements, et, en cas de sinistre,
sur un asile et des secours assurés. Au demeurant, à juger par les
travaux déjà exécutés, il m’a semblé qu’en six mois les marins et
les soldats de la corvette XAlligator, affectée au service de cette
colonie, ont bien mis leur temps à profit.
Le 7 avril au matin, à mon retour, je reçus à boid àeXAstrolabe
le digne capitaine Bremer, et quelques-uns de ses officiers ;
p u is , après avoir pris congé l’un de l’autre aussi affectueusement
que si nous eussions été de vieux amis, dès midi je cinglai au N.
Comme je vous l’annonçai déjà par mon rapport d’Amboine,
mon but désormais était d’utiliser de mon mieux le reste de la
campagne, par des travaux divers dans les Moluques et dans les
Philippines. A cette époque de l’année, vouloir rentrer dans
rOcéanie en faisant le tour de la Nouvelle-Hollande, c’eût été
employer, presque sans aucun résultat, le reste du voyage. En
effet, il eût fallu compter sur deux mois environ pour atteindre
Hobart-Town, puis sur deux autres mois pour cette relâche et
la navigation de la Nouvelle-Zélande, où je me serais trouvé en
plein hiver, et par conséquent dans l’impossibilité de rien faire
de b on , ni pour l’hydrogi’aphie, ni pour l'histoire naturelle.