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lancés, et on vit un jeune officier chercher, avec l’aide
d’un cordage, à s’élever contre la muraille droite et
glacée, sous laquelle la mer brisait avec violence. C’est
Gaillard qui, emporté par son zèle, a tenté cette dangereuse
ascension ; puis ses forces ont trahi son courage,
et bientôt les matelots de l’embarcation qu’il
commande , sont obligés de se dévouer pour recueillir
leur jeune officier ; Gaillard a ses habits
traversés par une eau glacée; vainement ses marins
font ployer les avirons sous leurs robustes
mains, au risque de les briser, afin de revenir promptement
à bord de la Zélée; victime de son dévouement,
Gaillard vient de contracter le germe de la
maladie qui doit l’enlever, et contre laquelle viendront
échouer tous les soins que lui prodigueront en vain
la science et l’affection.
Le 21 juillet 1840, les corvettes Y Astrolabe et la
Zc/éc mouillaient sur la rade toujours houleuse de l’ile
Bourbon. Ce même jour, deux officiers appuyés sur
les bras de leurs amis, entraient ensemble à l’hôpital
de Saint-Denis; tous les deux atteints de maladies
graves, quoique différentes, laissaient bien peu d’espoir
sur leur retour à la santé. Ils furent réunis dans
une même chambre, ils devinrent les confidents de
leurs mutuelles souffrances ; leur amitié déjà si étroite
vint s’augmenter encore sur leurs lits de douleurs. Lors-
qu’ensuite, au moment où les corvettes déployaient
leurs voiles, l’un d’eux déclara que, contrairement
aux ordres des médecins , il persistait à ne pas abandonner
son navire ; car sa mère l’attendrait sur le rivage,
et son désespoir devait être mortel si Y Astrolabe
rentrait au port sans lui ramener son fils; alors Gaillard
soulevant sa tête, et prenant la main de son compagnon
de douleur, lui fit ainsi ses adieux. « Je fais
des voeux sincères pour votre retour en France; mes
meilleurs souvenirs seront toujours pour nos compagnons
de route; quant à moi, j ’espère bien aussi rentrer
au port; mais si je dois mourir sur cette ile éloignée,
loin de toutes mes affections, que mes amis
pensent quelquefois à moi, qui les ai tant aimés, et
que ma bonne mère sache un jour que je suis mort
en bénissant son nom. )>
Le i 5 mai 1842, lorsque autour delà tombe ouverte
pour recevoir le corps de leur commandant, la majeure
partie des officiers des corvettes Y Astrolabe et
la Zélée se trouvèrent de nouveau réunis pour dire
un dernier adieu à leur illustre chef, ils s’abordèrent
en silence et en se serrant la main; ils se rappelaient
que quatre fois déjà ils s’étaient confondus dans une
même douleur , pendant le cours du voyage, en
rendant les derniers devoirs à leurs infortunés compagnons,
Marescot, de La Large, Gourdin, Ernest
Goupil ; et il y avait à peine trois mois qu’un navire,
arrivant de l’île Bourbon, avait apporté la fatale
nouvelle que Jean-Edmond Gaillard était mort.
Il était mort aussi, victime de son zèle, martyr de la
science, à la fleur de l’âge, lorsque la vie lui présentait
encore un si bel avenir; il était mort loin de la France,
loin de toutes ses affections. Son corps reposait, il est
vrai, sur une terre française ; mais plus malheureux que
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