dernier coup de vent. En douze heures , il avait fait plus de fort
à nos voiles et à notre gréement que six mois de nos navigations
antérieures.
Le 27, dès m inuit, le vent repassa à l’E. S. E . , et fraîchit très-
promptement , accompagné de rafales et de grains de neige. Nous
étions en ce moment engagés entre deux chaînes de blocs énormes
et très-rapprochés qui se comptaient par cent et deux cents.
Cette position n’était pas agréable; au ssi, renonçant à tous
projets ultérieurs d’exploration sur cette portion de la terre Adé-
lie , \ o m’empressai de porter au nord , soùs toute la voile possib
le , pour nous échapper du labyrinthe où nous étions engagés.
A\-rs cinq heures, nous nous trouvâmes sur un espace oü les
glaces olair-seiiiées nous permettaient du moins de naviguer avec
moins de péril ; il était temps d’y arriver; car le vent souffla de
nouveau à l’est avec une violence extrême, soulevant une mer
très-dure, et nous enveloppant d’une neige épaisse et continuelle
qui nous masquait entièrement l’horizon.
Cependant je laissai successivement porter au N. N. O., N. O.
et ü . N. O., et même à l’ouest, afin de rallier au plus tôt le méridien
sans déclinaison. Les fragments de glaces étaient nombreux
sur notre route; mais nous ne vîmes que quelques grosses glaces;
la neige nous cachait les autres. Vers trois heures cinquante minutes
, nous tombâmes tout à coup au milieu d’un lit fort épais
des mêmes glaçons , qui nous fît juger que nous venions enfin
de doubler, à une petite distance, lu pointe nord de la fâcheuse
banquise qui nous avait causé tant de soucis trois jours auparavant.
Ce second coup de vent s’apaisa vers m in u it, après avoir
rendu la journée encore très-pénible pour l’équipage, à cause du
froid, de la mer qui déferlait fréquemment sur le navire, et de la
neige qui se glaçait en tombant sur toutes ses parties.
Le 28 janvier, le vent souffla du S. au S. O. avec un ciel très-
sombre et une neige continuelle qui ne cessa de borner notre vue
à une très-courte distance. Pourtant je poursuivis ma route à
1 ouest.Dans la journée suivante, le vent repassa à l’est grand frais,
pai rafales, et chassant une neige plus épaisse que jamais, qui
nous maintint dans l’ignorance complète de ce qui se trouvait
autour de nous. Elle encombra la corvette, et ii fallut la jeter à
la mer de temps en temps. Sur les trois heures de l’ap r è s-m id i,
le ciel s’éclaircit, mais l’horizon resta embrumé. Toutefois, je
gouvernais au S. 0 . e t, dès trois heures ti’ente minutes, notre
route fut barrée par une banquise flanquée de quelques gros glaçon
s, et distante au plus de ti’ois ou quatre milles. Sur les deux
corvettes, quelques matelots crurent apercevoir des portions de
terre au-delà de ia banquise ; mais ce fait mérite confirmation : je
suis presque sûr que la terre Adélie , dont nous avions tracé environ
cent cinquante milles d’étendue , doit se prolonger jusque-
là , mais trop loin dans le sud peut-être pour qu’elle pût être
aperçue du point de vue où nous étions.
Le 3o , à trois heures du matin , le vent fraîchit de nouveau à
l’est, il souffla avec une grande violence dès cinq heures et il
amena son cortège habituel de rafales, neige et grêle. Toutefois,
l’horizon étant un peu moins bo rné, je piquai dans le S. ü . ,
filant six noeuds, au travers d’une mer très-grosse.
A buit heures vingt minutes, la vigie signala la teri’e devant
nous. D’abord simple ligne , basse, légère et confuse, elle s’é claircit,
se dessine peu à peu et présente enfin à nos yeux un
spectacle nouveau. C’est une muraille de glace parfaitement verticale
sur ses bords et horizontale à sa cime, élevée de cent vingt à
cent trente pieds au-dessus des flots. Pas la moindre irrégularité,
pas la plus légère éminence ne rompit cette uniformité , dans les
vingt lieues d’étendue qui furent tracées dans cette journée, bien
que nous en ayons passé quelquefois à deux ou trois milles de
distance, de manière à en saisir les moindres accidents. Çà et là,
quelques grandes glaces gisent le long de la glace compacte , mais
en général la mer est presque libre au large. Ce jour, à midi, les
observations donnèrent 64 degrés 3o miaules latitude sud, et
129 degrés 54 minutes longitude est. La sonde ne trouva pas
le fond à cent soixante brasses.
Touchant la nature de cette muraille énorme , les avis furent
encore une fois partagés : les uns voulaient que ce ne fut qu une
masse de glace compacte et indépendante de toute terre ; les autres,
e t j e partage cette opinion, soutenaient que cette formidable
ceinture servait au moins d’enveloppe ou de croûte à une
base solide soit terre, soit rochers, soit même bas-fonds épais
en avant d’une grande terre. En cela , je me fonde toujours sur