NOTES. 39
et dont le nom, aujourd’hui encore, est dans toutes les b o u ches,
et suffit pour passlonneiTes hommes dans toutes les parties
du monde , on fait malgré soi do tristes réflexions sur la fragilité
des grandeurs humaines.
Nous eûmes, dans notre excursion au tombeau et à L ongwood,
un temps affreux, une pluie presque continuelle, et beaucoup de
vent; à chaque instant on se trouvait dans la l'égion des nuages,
cl souvent ils interceptaient, sur la route de Longwood, la vue de
la vallée voisine. J’appris que ce temps était c e lu iq ui régnait presque
toujours dans ces parties élevées de l’île ; aussi n ’est-il pas
étonnant que la constitution robuste de l’empereur y ait résisté
si peu.
En allant visiter la maison qu’on avait fait édifier pour remplacer
la masure de Longwood, qu’habita toujours Napoléon, je
vis le nouvel observatoire de physique, établi dans cette ilc par le
capitaine Ross. 11 était dirigé par un jeune officier du corps royal
d’artillerie, qui me parut fort entendu ; il me l eçut avec une politesse
exquise, et mit beaucoup de grâce à me faire voir ses instruments.
Tous étaient exclusivement destinés aux observations
magnétiques; mais il attendait incessamment d’autres instruments
pour observer les phénomènes de l’électricité. L’idée qui a porté
le gouvernement britannique à établir ainsi des observatoires
dans diverses parties du monde, fait autant d’honneur à cette nation
que la libéralité qui préside à son exécution, et avec laquelle
on traite les hommes qui consacrent leurs veilles à des travaux
aussi ingrats , et dont les générations a venir recueilleront
seules les fruits ; car ce sont des matériaux qu’on amasse
pour elles.
Je ramenai avec moi à James-Town, ce jeune observateur qui
vit avec beaucoup d’intérêt les instruments do M. Dumoulin^
et les travaux que nous avions exécutés. {M . Dubouzet.')
Noie 4 , page 29.
Le 7 septembre i8 4 o , avec le jour , l’île de Sainlc-llélène
apparut enfin à nos yeux impatients do la voir. Un voile de
brume en cachait les contours ; il fallut encore quelques heures
d’un sillage rapide, pour nous permettre d’apercevoir plus
distinctement une succession do falaises à pic ou de pentes in accessibles
qui la limitent vers la mer. La roche nue frappe partout
le regard, et si quelque apparence de végétation se montre çà
et là , elle est confinée aux étroits interstices qui séparent les
sommets de l’île.
Dans l’intérieur, l’oeil effrayé s’arrête à regret sur des pics
aigus qui touchent aux nuages. D’immenses précipices, d’étroits
et profonds ravins sillonnent un sol sans verdure, sans culture
apparente, un terrain ingrat, aride, désolé. A l’aspect de cette île,
si affreusement tourmentée, placée sous un ciel si rarement pur,
la même tristesse s’empare de toutes les pensées, la même exclamation
s'échappe de toutes les bouches : Quel horrible séjour !...
Poussés par les fraîches brises de l’a lis é , nous atteignîmes le
mouillage devant James-Tuiun, vers onze heures. A peine l’ancre
fut-elle tombée, que le capitaine du port et le médecin de la colonie
vinrent nous faire raisonner, et nous communiquèrent en
même temps une nouvelle qui produisit une émotion générale à
bord. Ils nous apprirent qu’un ordre du gouvernement anglais
était arrivé aux autorités de Sainle-Hélène de livrer les restes de
l’empereur au prince de Joinville, investi du commandement
d’une division navale, pour recevoir et transporter en France ce
précieux dépôt. L’arrivée de cette division devait avoir lieu tr ès-
pi’ochainement; car, à la date des derniers avis reçus d’Europe,
on savait qu’elle était partie pour accomplir sa mission.
Cet événement iijoulait un nouvel intérêt à notre relâche.