Qu’on ajoute à cela deux autres mois pour rallier quelqu’un des
archipels de la Polynésie, et voilà six mois d'écoulés sans autre
résultat qu’un espace immense de mer sillonné sans fruit.
Par la voie nouvelle que je me proposai de suivre, à chaque
pas des mines fécondes en tout genre à exploiter s’ofirantà mes
regards, ne me laissaient que l’emban’as du choix et le regret de
ne pouvoir les aborder toutes. L'événement a encore dépassé mes
espérances. Grâce à un beureux concours de circonstances, en
trois mois j’ai pu enrichir l’expédition d’une masse de faits, de
matériaux et d’observations, qui seule surpasse déjà tout ce que
je pouvais attendre pour le reste du voyage, en suivant l’autre
route. Puis, un avenir tout entier de six ou huit mois est encore là
pour ajouter à toutes ces acquisitions.
Du 12 avril au 21 du même mois, nous fîmes l’exploration
complète de toute la bande occidentale du groupe des îles Arrou,
si peu connues jusqu’à présent, et dont le tracé sur les cartes
était tout à fait incorrect. Nous passâmes, en outre, trois jours
au mouillage du havre Doho, entre les îles W am a et kVokan,
temps qui fut bien fructueusement employé de toutes manières.
Nous eûmes des relations journalières et amicales avec les naturels
de ces îles, ainsi qu’avec une horde nombreuse et industrieuse
de Bouguisde Mankassar, temporairement établis à Dobo
pour leur commerce.
Sur la point S. de Wokan, je retrouvai et visitai avec intérêt
les ruines de l’aucien fort hollandais et des édifices qui l’entou-
l’nient. Par leur nature et leur étendue, ces ruines attestent que
l’établissement avait dû être assez important. Mais aujourd’hui
murs, remparts, tombeaux, fontaines, tout commence à disparaître
sous un voile épais d’herbes, de lianes et de plantes parasites
qui envahissent avec rapidité le sol naguère occupé par
l’homme. Pourtant, il y a quarante ans au plus que ce point est
complètement abandonné.
Le 22, nous reparûmes sur la côte méridionale de la Nouvelle-
Guinée pour combler quelques lacunes que les vents contraires
et les brumes m’avaient contraint de laisser dans notre travail du
mois précédent. Cette fois, d’ailleurs, je pus conduire les deux
corvettes au fond de l’immense baie Triton, devant le lieu même
où les Hollandais tentèrent récemment un établissement, qu’ils
ont évacué, il y a trois ans environ. Car c’est bien ici devant les
îles Arrou, près de l’île Wesscls, et non pas a la rivière Dourga ,
comme on l’avait écrit , q u ’avait été placé le (oi t Dubus. Sur le
littoral, un espace triangulaire dans la forêt, un peu plus dégagé,
indiquait seul de loin à nos regards curieux le lieu où fut la colonie.
De près une petite jetée, un four en maçonnerie et quelques
morceaux de palissades à demi-carbonisés sont les seules
traces matérielles du travail des hommes. Une végétation d’une
incroyable activité se bâte de recouvrir les lieux qui furent défrichés,
et déjà sur plusieurs points des arbres ont pu s’élever de
20 à 26 pieds , dans le court espace de trois années.
Sauf les bords marécageux de la rivière, tout le sol qui environne
la baie Triton est montueux, et recouvert de forêts si épaisses et
souvent si enlacées, que la promenade est loin d y être facile ni
agréable. Néanmoins, le court espace de temps qui fut donné à
cette relâche enrichit notablement le domaine de fhistoire naturelle,
et les plans levés seront d’un hautinlérêtpourla navigation.
Le 3o avril, nous quittâmes la baie Triton. Le jour suivant,
nous explorâmes une baie spacieuse qui lui est presque contigué
dans l’ouest, et qui était complètement inconnue avant nous.
Puis, favorisés par une belle brise, nous fîmes la reconnaissance
détaillée de toute la partie de la Nouvelle-Guinée comprise entre
la pointe S .- 0 . et l’entrée du canal de Macluer. Cette partie de
côte est très-accidentée, et se découpe en vastes enfoncements, où
doivent exister des mouillages admirables. Ce sera une belle mine
à exploiter pour la mission qui aura pour but spécial la géographie
de celte grande terre. Quant à moi, jaloux de mettre à profit
un bon vent, afin de remplir avec honneur le cadre plus
large et, à mon avis, bien autrement glorieux, qui avait été mis a
ma disposition, je me hâtai de gouverner sur la belle île de Ceram,
et, le 6 m a i, nous mouillâmes près de la pointe orientale,
dans la baie de TVarou, où nous passâmes trois jours qui furent
bien mis à profit.
Puis nous traçâmes en détail toute la côte septenirionale de la
longue île de Ceram jusqu’au détroit de Bourou-, la côte septentrionale
de Bourou fut également relevée , ainsi que la partie du
S. de Bouton ; enfin toute la portion méridionale de Célèbes, depuis
jusqu’à Mankassar. En passant, je dois faire obser