reux, et qu’il est d’autant plus important de connaître, qu’il se
trouve directement sur la route de la baie Touranga (baie Poverty
de Cook, baie Taoné-Roa de ma carte), et jusqu’aujourd’h
u i, cette baie, du reste dangereuse, nullement propre à un
long séjour, est le seul point de la Nouvelle-Zélande où un navire
puisse encore se procurer des cochons et autres provisions à
vil prix. C’est un fait dont nous pûmes nous-mêmes nous assurer
dans la journée du 2 4 avril; mais je repartis dès le même
soir, et je fis bien , car des vents d’est qui succédèrent, dès le
lendemain, à ceux de S. O., auraient pu placer nos deux corvettes
dans une position peu rassurante.
Enfin , nous arrivâmes à la baie des Iles le mercredi 29 avril.
On connaît en Europe Pacte extraordinaire par lequel l’Angleterre
a pris possession de la Nouvelle-Zélande. Malgré la nature
bizarre et entortillée des termes dans lesquels il est conçu, je
n'iiésile pas à déclarer que c’est un véritable envahissement, et
les faits qui Pont depuis accompagné le prouvent assez, puisque
les naturels, privés du droit de disposer de leurs terres, sont de
fait dépossédés. Dans l’état actuel où se trouve fEurope, cet acte
me paraît si outrageant pour les autres nations, surtout pour la
France et les Etats-Unis, dont les citoyens exerçaient une bi’an-
che d ’industrie fort importante dans ces régions fort éloignées ;
il me parut si contraire aux droits des nations, que je crus devoir
m’abstenir à l’abord de toute communication avec le capitaine
Hobson, gouverneur improvisé de cette nouvelle succursale de
la Giande-Bretagne. Cependant, comme il me fît adresser ses
offres de service, je lui portai une carte , après lui avoir fait connaître
que c’était seulement au capitaine Hobson , chef des Anglais
établis à la Nouvelle-Zélande, que je faisais ma visite , mais
nullement au gouverneur de la Nouvelle-Zélande elle-même ,
titre que je ne reconnaîtrais qu’après en avoir reçu la notification
officielle de la part de mon gouvernement. Les Américains,
de leur côté, ne paraissent pas disposés à admettre bénévolement
cette nouvelle usurpation de l’Angleterre.
J’avais eu un moment l’envie d’adresser au capitaine Hobson
une protestation formelle à cet égard ; mais, privé comme je l’étais
de toute instruction positive du gouvernement français, et dans
la crainte de faire une démarche inconsidérée, je me contentai de
considérer comme non avenue la prise de possession du gouvernement
anglais, et d’agir comme si la Nouvelle-Zélande était
encore entièrement indépendante.
T outefo is, Monsieur le Alinbtrc, il ne faut pas se dissimuler
que cet état ne peut subsister longtemps. Il faudra que la France
fasse une démonstration telle , que les Anglais soient forcés de
s’arrêter dans leurs odieux empiétements , ou bien qu elle reconnaisse
franchement leurs prétentions ; et alors nos compatriotes,
tant ceux qui sont établis dans ces contrées, que ceux qui n y
apparaissent que pour la pêche à la baleine, seront obligés de se
soumettre prochainement à toutes les avanies que le gouveine-
ment local voudra bien leur faire subir. Ici, je trouvai encore
nos missionnaires catholiques, sous la direction d eM . l’évêque
de Maronné, exerçant leur pacifique ministère, avec une simplicité,
une charité sans borne et une abnégation qui contrastaient
d’une manière bien étrange avec l’arrogante, la forte et surtout
la sordide cupidité des missionnaires anglicans, bien plus occupés
de leur propre intérêt que du bien-élre des naturels , qu’ils
prétendent diriger dans la voie du salut. Cette disparate est tellement
choquante, qu’elle frappe les Anglais même, si mal disposés
envers les Français , particulièrement sous le rapport du culte.
Aussi, comme je l’avais déjà fait à Mangareva, je crus aller au-
devant des intérêts de Sa Majesté, en accordant à ces estimables
apôtres le modique secours dont notre mission pouvait dis-
poser.
Le 4 mai, dans la matinée, nous fîmes nos adieux aux plages de
la Nouvelle-Zélande, et fîmes route au nord. Le 10, nous eûmes
connaissance du volcan Maihews, et le 12 nous commençâmes
l’exploration de la bande occidentale de l’archipel Loyally, q u il
nous avait été impossible de reconnaître lors du dernier .voyage
de {'Astrolabe.
Ce travait fut complètement terminé dans la journée du i 5, et
de ce moment je m’empressai de rallier, le plus vite possible, la
terre de la Louisiade. Cette découverte est éminemment française,
puisqu’elle est due à Bougainville, et qu’après bu d’Entrecasteaux
seul avait reconnu la partie septentrionale; nulle autre expédition
n’en avait approché, si ce n’est XAstrolabe, qui avait reconnu,
en 1827, le cap de la Délivrance, sur l’île Rossel. Ainsi,