les princesses, leurs mères, tristement penchées sur le
bord du navire, s’abandonnaient à leurs douloureuses
réflexions. A quelques pas de là, Charles X
et le duc d'Angoulôme, se promenaient gravement, et
il hii échappa de me dire q u ’il venait à l’instant même de recevoir de son
gouvernement la décision relative à la demande formée par Charles X de
descendre en Angleterre et d’y être reçu avec les honneurs dus à son rang,
ü n lui accordait la permission de débarquer sur le sol anglais, mais seulement
comme un simple particulier, et il devait renoncer à toutes prétentions
touchant les lionneurs dus à son rang.
M. Folley, en me faisant cette communication, oubliait sans doute que
celte nouvelle, jointe au mécontentement que j ’avais hautementmanifesté,
pouvait bien être la cause réelle de ce changement de conduite avec moi ;
du moins, c’est ce que j ’imaginai, peut-être injustement, mais je jugeai à
propos de dissimuler.
J ’abordai ensuite le chapitre du salut ; à cela, M. Folley répondit sur le
champ qu’il était prêt à me rendre celui que je ferais, mais qu’il croyait
devoir me prévenir qu’en cela il serait obligé de suivre les règlements de
la marine anglaise : le premier salut se doit au pavillon et se régie sur les
grades respectifs des commandants. Qu’au reste, il me considérait comme
contre-amiral et me rendrait sur le champ le salut, en cette qualité. Mais
il était amiral, et l'infériorité eût été, à mon avis, encore trop marquée;
je lui demandai vainement à ce que le salut national eût d’abord lieu, puis
celui du pavillon. Il allégua que cela ne pouvait avoir lieu ; il appela en
témoignage divers officiers supérieurs présents à notre entrevue, qui confirmèrent
son assertion. En conséquence, satisfait de la reconnaissance
très-explicite qu’il venait de faire de mon pavillon, je lui déclarai que je
renonçais au salut, attendant à ce sujet des ordres plus positifs de mon
gouvernement; j’aurais peut-être pu me conformer aux coutumes locales,
sans encourir aucun blâme, d’autant plus qu’il existe dans nos nouvelles
ordonnances de la marine un article conçu dans ce sens ; mais je ne voulais
point laisser planer sur une première démarche d’une nature si authen •
tique le moindre soupçon de faiblesse.
Du reste, en sortant de cbez l’amiral, le consul me proposa de faire insérer
dans le journal de Portsmouth le résultat de ma conversation avec
l’amiral Folley, afin de détruire toute espèce de doute sur la reconnaissance
formelle de notre pavillon. J ’approuvai fortement celte publication.
Après avoir laissé nos noms cbez le gouverneur Campbell qui était
revenaient sans cesse sur les derniers et terribles événements
des journées de juillet. Attirés, sans doute,
par la bienveillance du capitaine, ils semblaient re-
cbercber sa conversation, toujours intéressante et
toujours variée. Souvent, tout le monde reposait à
bord du Great-Britain, excepté les bommes de quart,
que le roi infortuné et le capitaine de vaisseau, arpentaient
encore le pont du navire, emportés qu'ils
étaient l’un et l'aulre, par leurs idées et leurs réflexions.
Certes, il dut arriver bien des fois, dans ces
quelques jours, que le simple officier et celui qui avait
porté une couronne, se trouvèrent en opposition manifeste
; car le marin, à l’esprit si libre et si indépendant,
ne pouvait faire de concessions à personne.
Le 17 août, l’escadrille était arrivée à Cowes; le
lendemain, les princesses quittaient le Great-Britain
après avoir, à plusieurs reprises, témoigné à Dumont-
d’Urville leurs remerciements.
Le roi et le duc d’Angoulcme ne quittèrent le bord
du Great-Britain que le 23 août; il nous suffii’a de
citer les paroles de Charles X , au moment ou il se séparait
de Dumont-d’Urville, pour faire apprécier
absent, nous avons fait un tour dans la ville qui est médiocrement bâiic,
mais où règne une activité assez grande ; puis, à trois heures, nous avons
remis à la voile ; mais la marée cette fois était contre nous, et sans un
yacht du club que nous rencontrâmes sur notre route, je ne sais vraiment
pas quand nous aurions pu arriver. Les gentlemen qui le montaient m’offrirent
avec la plus grande politesse à nous recevoir à leur bord et prirent
notre canot à la remorque. Leur charmante et légère embarcation naviguait
d’une manière admirable, et nous eûmes bientôt atteint le mouillage
de Cowes.
A six heures du soir, j ’étais de retour à bord du Great-Britain.