condamnait à l’inaction. Si sa fortune le lui eût permis,
il eût alors quille la marine pour se livrer à l’étude;
mais force lui fut de rester à son poste, et de boire,
comme il l’a dit, le calice jusqu’à la lie.
Sur la iin de 18jo, à la suite d’un nouveau concours,
il fut nommé aspirant de première classe. Il
était alors embarqué sur le vaisseau le Suffren, mouillé
sur la rade de Toulon. A cette époque, les Anglais,
maîtres de la mer, tenaient tous nos ports étroitement
bloqués par leurs escadres. Tous les efforts de l’empire
s’étaient tournés vers le Continent, après le désastre
de Trafalgar, et les marins, restés à la garde
de nos vaisseaux, étaient condamnés à la plus complète
inaction. On comprend combien ce service insignifiant,
auquel était attacbé Jules d’Urville, avait
dû jeter de découragement dans son âme ardente,
dévoré qu’il était par la noble ambition des grandes
choses. Il chercha des consolations dans l’étude. Pendant
son séjour au Havre , il avait revu son coui’S
de mathématiques , afin de préparer son deuxième
concours; il avait appris l’allemand et l’anglais : il
utilisa ses loisirs, à Toulon, en étudiant l’espagnol
et l’italien: il relut ses classiques; la physique et la
chimie l’occupèrent tour à tour. Rarement il descendait
à terre, et ce n’était que pour se livrer à l’étude de
la botanique, qu’il menait de front avec celle de l’astronomie.
L’escadre française faisait peu d’évolutions ;
chaque fois qu’elle s’aventurait en pleine mer, poursuivie
parles vaisseauxennemis, elle était promptement
obligée de reprendre son mouillage, a l’abri des bat—
teries qui garnissaient les côtes. Il restait bien du
temps au jeune aspirant du Si/Jfren â dépenser pour
son instruction ; aussi était-ce un des ofiiciers les plus
érudits de l’escadi’e, lorsque, le 28 mai 1812, muni
de son brevet d’enseigne signé par l’empereur, il
embarqua en cette qualité à bord du vaisseau le
Borée.
Dans son nouveau grade, il fut attacbé à la 49® compagnie
des équipages de ligne, formant partie des
marins du Borée ; il sut gagner la confiance de ses
hommes et leur alfeclion; il sut enfin, cbose rare
alors pour tout officier qui n’avait pas mené au feu les
soldats qu’il commandait, il sut mériter les regrets
de sa compagnie, lorsqu’il fut distrait de Féquipage
du Borée pour embarquer d’abord sur le Donawert,
commandé par le brave Infernet, et ensuite sur la
Ville de Marseille.
Les nouvelles fonctions que lui imposait le grade
d’enseigne, auquel il venait d’être promu, ne parvinrent
pas â lui faire surmonter le dégoût qu’il éprouvait
pour la marine; l’inaction â laquelle étaient condamnés
nos escadres réagissant sur l’esprit des commandants,
en leur ôtant toutes les chances d’un avancement vivement
désiré, rendait aussi la position des subalternes
pénible et diificile ; aussi voyons - nous
qu’â cette époque, Jules d’Urville, toujours dominé
par des idées de gloire, poursuivi par le désir de
concourir à quelque grande entreprise , était dévoré
par les chagrins et les ennuis qui résultaient de sa
position. « Cruellement déçu dans mes espérances,