navigateur dont le souvenir vivra consacré par le
malheur et la gloire, à Dumont-d’Urville qui l’apporla
en France les vieux débris de ce grand naufrage!
« Depuis quelque temps, l’inexorable destin choisit
ses victimes parmi ce qu’il y a de plus éminent et de
plus regrettable parmi nous. Nos plus hautes illustrations
contemporaines semblent attirer les coups du
sort, comme les monts élevés attirent la foudre. Dumont
d’Urville, qui avait tout bravé sur les eaux,
périt par le feu ! Mais des bommes tels que lui ne disparaissent
pas tout entiers ; leur souvenir reste impérissable
comme leur âme; l’histoire des sciences géographiques
a déjà enregistré dans ses annales les grands
travaux qu’il accomplit, et la patrie, qui récompense
les services rendus, inscrira son nom dans ses fastes.
« Ce nom restera attacbé aux extrémités du monde,
comme celui des Magellan, des Baffin, des d’Entre-
casteaux; on le lira sur les cartes, comme sur cette
tombe, près de celui de l’épouse qu’il chérissait, du
jeune fils qu’il aimait si tendrement. La terre Adélie,
le mont cPÜrville, l’île de VAstrolabe, rappelleront
le théâtre de ses dernières découvertes et tout ce qu’il
fit pour la science, dans la mémorable expédition qui
a répandu tant de lumières sur des régions presque
inconnues avant lui. Les secrets que la nature avait
cachés dans des mers mystérieuses, la direction et la
tendance des courants magnétiques, tous les phénomènes
qui peuvent intéresser la navigation, le champ
de l’hydrographie élargi par son audace, ses deux corvettes
sortant victorieuses d’une lutte acharnée contre
des montagnes de glace, le flambeau de l’observation
porté jusqu’aux dernières limites des mers navigables,
le pavillon national saluant les terres de Louis-Philippe
â plus de trois raille lieues de la France, voilà les titres
de gloire de celui dont nous honorons la cendre !
voilà ses droits aux hommages de la postérité !
« Les qualités morales du contre-amiral d’Urville
seront appréciées par lous ceux qui l’ont connu dans
l’intimité, comme le sera aussi le sentiment d’admiration
que ses travaux scientifiques doivent inspirer à
tous ceux qui savent le juger. Chez lui la force d’âme,
l’inébranlable volonté, l’audacieuse résolution émanaient
de l’intelligencequil’éclairait. Vous, Messieurs,
qu’il présidait dignement dans vos séances , vous avez
pu apprécier tout ce qu’il avait conservé d’affection
sincère, dépensées nobles et désintéressées, de dévouement
à la science, tout ce qui restait d’énergie,
en un mot, dans un corps usé avant le temps par de
longues fatigues, assailli par de précoces infirmités, et
souvent tourmenté par la douleur, mais qui semblait
se ranimer par l’étude, en présence de devoirs toujours
consciencieusement remplis.
« Entouré de la considération de tous, si simple
dans la baute position que lui avaient valu ses services,
si reconnaissant des égards et distinctions que vous lui
dispensiez, pouviez-vous penser que vous auriez si tôt
la douleur de le perdre ?... Mais , c’en est fait, il ffest
plus parmi nous! e t , celte fois, c’est pour toujours !...
« Adieu, contre-amiral! honneur et paix à ta cendre
! que mes paroles te soient consolantes, s’il t’est
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