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sous le titre de Conclusions et Réflexions, il donna
cours d’une manière frcheuse à toute son indignalion.
Incapable de déguiser tout ce qu’il y avait d’amertume
dans son coeur, il dut par l’âpreté de son style,
peinture fidèle de son caractère droit et ferme, mais
si peu courtisan, il dut, disons-nous, s’aliéner à tout
jamais les bureaux ministériels et le corps savant de
l’Institut. « Aussi, dès ce moment, dit-il, on ne me
(( revit plus, ni cbez aucun ministre , ni à aucune
« séance de l’Académie ; je sentis que je n’avais plus
« rien à attendre que du public et de la postérité. Je
« ne songeai plus qu’à leur présenter le récit de mes
« voyages et les résultats de nos travaux. Je me fé-
« licitai même d’être réduit, pour ainsi dire, à éviter
« certains bommes dont je détestais les voies. Mon
«( amour de l’indépendance mon borreur pour les
« intrigues et les ruses du jésuitisme, s’étaient encore
« accrus par les écbecs que j’avais éprouvés et que
(( je n’attribuais qu’aux cabales dont j’avais été l’objet.
(( Renfermé dans mon cabinet, et borné au commerce
« d’un très-petit nombre d’amis qui partageaient mes
« principes, je voyais avec douleur l’orage qui gron-
« dait sur notre belle patrie, et les épouvantables
« désastres qui devaient eu être la conséquence iné-
<( vitable. » Et, en eilbt, vraiment cosmopolite pendant
six années, Dumont-d’Urville menait alors en famille
une vie laborieuse et casanière, dans l’obscure rue du
Battoir-Saiiit-André-des-Arts , lorsque tout à coup
surgit la révolution de i 83o !
Les'fatales ordonnances du 2.5 juillet étalent venues
annoncer à la France attérée les intentions du gouvernement.
Prompte comme la foudre, la réaction
la plus terrible arrêta à son berceau ce dernier
effort du pouvoir absolu. Le peuple de Paris se
souleva pour défendre ses droits, et bientôt on le vit
inscrire lui-même, sur les pavés sanglants de la capitale
, la plus énergique des prolestalions contre ces
ordonnances. Dans trois jours, un roi perdit sa couronne,
et la France changea de dynastie.
On peut penser qu’avec ses opinions chagrines et
indépendantes, M. d’Urville accueillit avec transport
ce mouvement libre et spontané. Son parti ne lut
pas un moment indécis ; il assista en personne aux
glorieuses journées; et dès le 29, il courut porter son
tribut à la cause nationale, et se faire inscrire à sa
commune pour payer de sa personne, comme simple
citoyen, si le cas devenait nécessaire.
Le sang fumait encore dans les rues de Paris, lorsque
d’Urville se rendit au Palais-Royal, pour offrir
ses services au gouvernement provisoire. Le 2 août,
il fut mandé au ministère de la marine; c’était pour
l’ecevoir la mission de conduire hors de France Charles
X, et sa famille.
Etrange coïncidence! bizarre rapprochement! déjà
en i 8i 4 , Dumont-d’Urville, simple enseigne de vaisseau
, est embarqué sur la Ville de Marseille, qui va
chercher en Sicile, pour la ramener en France, la
famille d’Orléans. Seize ans plus lard , c’cst encore lui
qui est choisi pour conduire en exil la famille déchue.