acide. Ajoutons encore, que dans une infinité de localités, les habitants du littoral mangent les Pho-
lades, et que ces animaux ne présentent au goût rien d'acide; que leur coquille n’est jamais enduite
d aucune mucosité de nature à Îa protéger contre les effets d ’une substance agissant sur les pierres.
Sans doute , des liquides tirés de ces Mollusques peuvent présenter une certaine acidité, rougir le
papier de tournesol, comme cela a été constaté par diverses personnes et par M. Gailliaud lui-même.(!).
Mais de là à la production d’un acide spécial assez énergique pour creuser des trous profonds parfaitement
délimités, dans des pierres d’une grande dureté, baignées par l’eau, il y a loin.
On peut donc regarder comme positifs les faits établis par M. Cailliaud et les détails intéressants que
M. Rôbertson est venu y ajouter.
Examinons maintenant comment les muscles sont mis.en jeu chez- la Pholade, dans les mouvements
qu’elle exécute pour se loger.
A 1 aide de son pied, qui est extensible, la Pholade prend adhérence sur les corps environnants et
parvient ainsi à se déplacer, du reste avec une extrême lenteur. Sur le point de chercher à pénétrer
dans une pierre ou dans un banc tourbeux, on le s a it, le Mollusque est dans une position renversée,
cest-à-dire que la partie antérieure de son,corps est tournée en bas, et la partie postérieure dirigée en
haut. Dans cette situation, l’animal se maintient plus ou moins verticalement en étendant son pied
autant que possible, et le fixant sur la pierre. Ce pied est tronqué (2); son extrémité présente donc une
surface à peu près plane qui adhère fortement aux corps sur lesquels elle vient s’appliquer. Nous en
avons été témoin très souvent, et d’ailleurs nul n’ignore cotebien les Mollusques se fixent solidement sur
des roches, à l’aide de leur pied musculeux. Certains Gastéropodes, tels que les Patelles, lesHalio-
tides, les Oscabrions, etc., sont remarquables sous ce rapport.
Voici une Pholade placée sur une pierre qu’elle est prête à entamer; sa partie la plus pesante est en
bas, sa partie la plus légère en haut ; un appui très-faible lui suffira pour se maintenir dans cette situation
et ne pas tomber sur le côté. L’appui est fourni p ar le pied; mais le pied sortant presque horizontalement
par l’ouverture du manteau (3), le Mollusque ne pourra conserver une position absolument
verticale que si le pied rencontre une'partie de la pierre plus saillante que celle où porte l’extrémité
des valves de la coquille; si la surface est à peu près plan e, le p ied , pour venir chercher-un point
d’adhérence, entraîne plus ou moins la coquille, et alors celle-ci prend une position plus ou moins
oblique. C’est là ce qui explique la direction variable que présentent les trous de Pholades.
D’un autre côté, si la coquille peut être entraînée par le p ied , ce mouvement est contre-balancé en
sens inverse d’une manière très-sensible par le muscle antéro-dorsal, qui est protégé par les pièces
accessoires de la coquille (4). En se contractant, il tend à ramener tout l’animal dans une direction
opposée à celle qui lui a été imprimée par le mouvement du pied. II est aisé de se convaincre de
la réalité dè ce fa it, chez une Pholade vivante, en excitant ce muscle de façon à le forcer à se contracter.
Ce sont les individus très-jeunes qui ont particulièrement besoin de creuser la cavité dans laquelle ‘
(1) Observations et nouveaux faits sur les Mollusques perforants en général. — Comptes rendus de F Académie des sciences
t. XXXIX, p. 34 (1854).
I l Pl. I fig. I e t 8.
(3) P l .i , fig. | et 8.
(4) Pl. i , fig. 9 a et 10 b.
ils doivent vivre; en avançant en âge ils ont seulement à l’agrandir. Il ne paraît pas que les Pholades
une fois établies sur ün point aiqnt à changer de place, à moins d’accidents sans doute fort rares; or,
chez les jeunes individus, le pied étant plus extensible que chez les adultes, la position que l’animal est
dans la nécessité de prendre pour s’enfoncer devient plus facile à maintenir.
Notre Mollusque ayant les moyens de se poser convenablement pour opérer son travail, voyons
comment il doit agir pour l’exécuter. D’abord, il n’est pas inutile de remarquer la forme de 1 instrument
de perforation (1). C’est l’extrémité antérieure des valves de la coquille qui est destinée à entamer
la substance dans laquelle l’animal va se loger ; cette extrémité n’offre-t-elle pas une condition
parfaite? Rétrécie et très-épaissie du côté de la charnière, elle a une résistance considérable ; garnie
de dentelures sur son b o rd , elle a le moyen de mordre sur la pierre, même sous un effort assez médiocre.
Il est nécessaire pour l’animal d’opérer le mouvement de va-et-vient propre à accomplir l’opération.
Sur des Pholades vivantes, il.est aisé de voir comment alors les muscles sont mis en jeu . Du même
côté du corps, ils se contractent tous à la fois, et subitement l’animal et sa coquille sont entraînés dans
ce sens; la contraction ayant lieu ensuite du côté opposé, le mouvement s’effectue dans l’autre direction.
Voici de quelle façon on peut reconnaître ce fait : en prenant une Pholade bien vivante que l’on soutient
dans une position verticale, si l’on excite soit les muscles palléàux, soit les muscles adducteurs, après
avoir brisé une petite partie de la coquille, de manière à pouvoir les atteindre, on voit se manifester la
contraction et le mouvement que l’on vient d’indiquer. Le rapprochement et l’écartement des valves de
la eoquille rendent encore les mouvements plus variés et plus énergiques.
La Pholade est donc parfaitement organisée pour creuser ; il eût suffi de l’étude de ses muscles et des
mouvements qu’elle est apte à exécuter pour se convaincre qu’un agent chimique ne lui était pas
nécessaire.
L’observation de M. Robertson sur la manière dont l’animal se débarrasse de la pierre pulvérisée
par les courants qu’il fait arriver et qu’il rejette au moyen de son siphon, achève de mettre en lumière
ce qui aurait pu rester de difficile à concevoir dans l’opération qu’exécute notre Mollusque.
Une fois l’excavation commencée, l’extrémité de la coquille engagée, l’animal se trouve plus facilement
maintenu dans la position qu’il doit conserver. Le travail continuant, la portion la plus large de la
coquille va agir et ses aspérités contribuer à élargir le trou. Or, ici, remarquons l’épaississement énorme
de la charnière et la saillie de son bord rabattu extérieurement qui sert à protéger les parties les plus
faibles de la coquille (2) ; cette portion a une extrême dureté. En examinant tous ces détails, on n’est
■plus surpris du résultat obtenu p ar le Mollusque, parvenu à se loger dans une roche. En arrière de la
charnière, la coquille, s’amincissant, n ’a plus guère de frottement à éprouver; ses aspérités s’amoindrissent
considérablement ; elles disparaissent vers le bout, où elles deviennent tout à fait inutiles.
En parlant de la fragilité de la coquille des Pholades comme d’un obstacle manifeste pour agir sur
des corps d ’une grande d u reté , on a omis de distinguer entre les parties de la coquille : les parties qui
ne sont pas destinées à agir sont fragiles; au contraire, les parties destinées à entrer en action sont très-
solidement constituées.
SYSTÈME NERVEUX.
Comme chez tous les Mollusques Acéphales, le système nerveux de la Pholade est binaire, symétrique,
et constitué essentiellement par trois paires de masses médullaires : les ganglions cérébroïdes ou
( |j Pl. i , fig. É 2 , 3 et 4.
(2) Pl. i , 6g. 3 e t 4.