10 L’ORGANISATION DU RÈGNE ANIMAL.
idée tant soit peu étendue des caractères des principaux organes; mais elles montrent la configuration
et la disposition des viscères d’une manière un peu plus sérieuse que les recherches de la plupart des
naturalistes antérieurs. On constate déjà un progrès. Le célèbre architecte de la colonnade du Louvre
décrivit aussi l’organisation du Caméléon, déjà un peu étudiée auparavant par no Italien du nom
de Panaroli (1). Il s’occupa des changements de couleurs que subit ce reptile, sujet qui a tant fixé
l’attention des zoologistes, sans que la cause ait pu en être encore sûrement déterminée. Il s’occupa
également de ses caractères extérieurs, de son squelette, de la singulière conformation de sa langue,
des diverses parties de son appareil digestif (2).
Plus tard, ayant eu l’occasion de disséquer une grande Tortue de l’Inde, il en décrivit et représenta
de la même manière les téguments, la langue, l’appareil digestif, les reins, le coeur et l’aorte, la
trachée-artère et les poumons, le cerveau, etc. (3).
Enfin l’on possède encore sur l’anatoraie du Crocodile des observations de Perrault, publiées longtemps
après sa mort-(4).
Pendant que ces recherches se poursuivaient en France, en Allemagne Frédéric Lachmund appelait
l’attention des naturalistes sur la conformation ostéologique des Tortues (S), e t, pour la première fois,
11 donnait la représentation du squelette de ce remarquable type zoologique. Comme on le pense bien,
c’est une étude extrêmement imparfaite; on s’en tenait facilement alors à quelques traits généraux, et
il n’était guère question de rechercher le nombre et l’agencement des os qui entrent dans la composition
de la tête.
Dans le même temps, un naturaliste du Danemark, Borrich, publiait une dissertation sur les caractères,
les habitudes et l’organisation interne d’une espèce de crocodile, s’attachant entre autres
choses à montrer que la langue existe bien réellement chez cet animal, contrairement à l’opinion émise
par Aristote et adoptée depuis d’une manière générale (6).
C’est une période durant laquelle les anatomistes étaient nombreux. On voit encore de cette époque un
ouvrage où se trouvent de nouvelles études sur l’organisation des animaux, jointes aux observations
antérieures. Ainsi ce livre, dû à un médecin hollandais, Blaes ou Blasius (7), et accompagné de figures
assez bonnes pour le temps, contient, sur l’anatomie du Crocodile, les recherches de Borrich (8) sur
les Tortues, celles de Coiter, de Severino et de Yelsch (9 ), et des détails plus importants de Blasius
lui-même (10) ; sur le Caméléon, les dessins de Perrault, et des figures plus détaillées dues à Swammer-
damm (11 ) , et une étude de la Vipère et de son embryon par Fabricio d’Acquapendente, Blasius et
Angelo Abbati(12).
(1) I l Chamoeleonte esaminato, in-4° (1645).
(2) Mémoires pour servir à l’histoire naturelle des an im a u x , p. 13 (1671 ) ; — et Mémoires de l'Académie royale des sciences,
t. f f l , p a r tie l” , p . 34.
(3) Suites aux Mémoires pour se rvir à l’histoire naturelle des a n im au x , p . 193 (1676); — et Mèm. de l’Acad. ro y . des sciences,
t. III, partie 2®, p. 172.
(4) Mémoires de l’Acad. ro y . des sciences, t. III, partie 3e, p. 161 (impr. 1734).
(5) Frederici Lachmund Tesludo ex suo scuto, u t vulgus pu ta t, exire non potest. — Miscellanea curiosa medico-physica Âcademiæ
naturæ curiosorum, etc.; anno 4°, 1 6 7 3 , p. 227 (1688).
(6) Uermetis Ægyptiorum. Hafniæ (1674), p. 168.
(7) Anatome animalium, figuris variis il lus) rata (1781).
(8) P. 274.
(9). P . 304. ■
(40) P . 4 4 6 , pl. x x x .
(44) P. 372 et 3 7 4 , pl. x iv et xv .
(42) P . 4 94, pl. lx. — Yoy. aussi Journal de Physique, part, x i , année 4 7 5 4 , p. 28.
Puis, en Hollande, Von Hammen publie une nouvelle dissertation sur l’anatomie du Crocodile (1);
en Angleterre, Grew fait pour le Crocodile ce que Lachmund venait de faire pour la Tortue : il en représente
le squelette dans son ensemble, et il ajoute quelques remarques sur divers Chéloniens et Sauriens,
particulièrement sur le Caméléon (2).
Quelques années plus tard , apparaissent les premières observations comparatives sur les différentes
Tortues par un naturaliste florentin, Caldesi (3); quelques détails sur l’oeil du Caméléon par un anatomiste
de Kiel, Daniel Major (4), et les travaux de savants italiens dont les noms ont acquis une grande
célébrité, Redi et Vallisnieri. On doit à ce dernier une anatomie du Caméléon (5), la plus belle que
l’on ait encore aujourd’hui à citer. On doit à Redi des observations sur le même animal et des expériences
sur le venin des Vipères. Cet habile naturaliste reconnut le premier la présence des vésicules
qui sécrètent le venin, et il constata que l’on peut manger sans inconvénient des animaux tués par des
Vipères ou sucer les blessures des personnes qui en ont été mordues, contrairement à une opinion très-
accréditée jusqu’à cette époque (6).
D’un autre côté, un médecin anglais, George E nt, fit connaître le résultat de l’hivernation chez une
Tortue terrestre (7).
*
Le dix-septième siècle finit, et le dix-huitième commence. A cette époque, au sein de l’Académie
des sciences de P aris, une série de travaux et de discussions touchant l'o rg a n is a tio n des Reptiles va se
produire.
Ce sont des expériences sur la reproduction de la queue chez les Lézards par Thévenot, Duvemey
et Perrault (8); quelques faits relatifs à l’organisation du Crocodile de Siam ( Crocodilus galeatus,
Cuvier) et d’un Saurien de la famille des Geckotides ( Platydactylus guttatus, Daudin) envoyés par les
missionnaires français à la Chine, avec des notes de Duvemey (9 ), la constatation par ce dernier des
pores que l ’on remarque sur la peau qui couvre la partie interne des cuisses du Lézard et qui correspondent
à autant de glandes (10); une description du coeur dé la Tortue et de la Vipère, et des observations
sur le mode de respiration de la Tortue, également par Duvemey (11), enfin une critique des
faits observés par celui-ci sur le coeur des Tortues de terre, par Méry, accompagnée de nouvelles
descriptions et de nouvelles figures du coeur de cês animaux plus exactes que les précédentes (42).
Jusqu’à cette époque, on avait souvent décrit et représenté les principaux organes de divers Reptiles,
mais on n’avait guère songé à suivre un système organique dans son ensemble. C’est un naturaliste
(4) De Crocodilo Getani dissecto. Lugduni Batavorum (4684).
(2) Muséum regalis Societatis, p. 42, tab. 4 , etc. (4684).
(3) Osservazioni anatomiche intorno alle Tartarughe maritime, d’acqua dolce e terrestri, in-4° (4687).
(4) De oculo humano, Chamoeleontis et aliorum Animalium. .Kiel (4690).
(5) Istoria del Cameleonte africano (4696).
(6) Degli Animali viventi (1699). — Voy. aussi Journal de Physique, part, x i, année 1754, p. 39.
(7) Observationes ponderis Testudinis. — Philosoph. Transact., t. XVII, p. 533 (4693).
(8) Histoire de VAcadémie royale des sciences, t. II, p. 7, année 4686.
(9) Descriptions anatomiques de quelques animaux envoyés de Siam à l’Académie par les pères jésuites français en 4687. —
Hist. de l’Acad. roy. des sciences, t. II, p. 254 (impr. 4733).
(40) Loo. cit., t. I I , p. 447, année 4692.
(14) Sur le coeur de la Tortue e ts a respiration (Hist. de l’Acad. roy. des sciences, année 4699, p. 34 (impr. 4702);—et Observations
sur la circulation du sang dans le foetus, et description du coeur de la Tortue e t de quelques autres animaux (Zoo. c it., p. 227).
(42) Histoire de l’Acad. roy. des sciences, année 4703., p. 337.