Les espèces connues du genre Phryne sont toutes conformées bien exactement sur le même plan. Sous
le rapport des caractères extérieurs, elles n e diffèrent entre elles d’une manière un peu notable que p ar
les proportions de leurs pattes-mâchoires. Elles forment ainsi un genre unique composant à lui sèul la
famille des Phrynéides (Phryneidoe). Dans le chapitre précédent (1), on a vu déjà comment les affinités
naturelles de ce type avaient été appréciées p a r les principaux auteurs qui se sont ocçupés des Arachnides;
nous ajouterons seulement que les Phrynes ont été considérés comme appartenant à la même
famille que les Thélyphones par les auteurs célèbres de l'Introduction à l’Entomologie, Kirby et Spence
(Phrynidea (2), e t par un zoologiste suédois auquel on doit une classification des A rachnides, M. Sun-
devall (Phrynides) (3).
LE PHRYNE DE PALLAS (PHRYNUS P A L LA S II).
Phalangium reniforme, Pallas. Spicilegia zoologica. Fasc. ix , p . 3 4 , tab. Ht, fig. 3-4 ('1773).
Tarantula reniformis, Fabricius. Entomologia systematica. T. II, p. 432 ( 4:793).
Phalangiu^ reniforme , Herbst. N a tursystem der ungeflügelten Insecten (Galtungen Solpuga un d Phalangium), p . 7 9 , Tab. IV,
Phryne reniforme, Latreille. Histoire naturelle des Crustacés e t des Insectes. T. ŸH, p. 436 (4804).
Phrynus reforuis, Latreille. Généra Crustaceorum et Insectorum. T. I , p . 429 (4806).
~ ~ Koeh. Die Àrachniden. Band VII, seite 4 2 , Tab. 2 5 6 , fig. 600 (4844 ).
■ — Gervais. Histoire naturelle des Insectes aptères. T. III, p . 5 , pl. 2 3 , fig. 4 (4845).
Le Phryne de Pallas a une longueur variant de 18 à 25 millimètres du bord antérieur du céphalothorax
à 1 extrémité de l’abdomen. D’un, brun rouge foncé en dessus avec les extrémités des pattes
plus pâles, ainsi que tout le dessous du corps, il a le céphalothorax très-peu convexe, d’environ un
tiers plus large que long, avec son bord postérieur notablement échancré, son bord antérieur garni
de petites dents aiguës, et sa surface, finement granuleuse, marquée d’une forte impression au milieu;
les pattes-mâchoires d’un brun noirâtre , à peine plus longues que le corps, ayant les cuisses garnies
intérieurement de deux séries d’épines au nombre de cinq ou s ix , les jambes un peu élargies, armées
de plusieurs pointes aiguës, dont trois beaucoup plus grandes que les autres, et les tarses, plus rougeâtres,
munis de deux fortes épines à leur bord supérieur et d’une seule à leur bord inférieur; l’abdomen
finement tuberculeux en dessus, ayant sur la région médiane deux rangées de taches jaunâtres
plus ou moins nettement dessinées, sur les côtés une petite ligne de même couleur au bord de chaque
segment, e t, en ou tre , des points épars également jaunâtres.
Cet Arachnide se trouve assez communément aux Antilles, notamment à Saint-Domingue, à la
Guadeloupe et à la Martinique. Il habite ainsi les mêmes régions que le Thélyphone, dont nous avons
fait connaître l’organisation, e t, comme ce dernier, il se tient habituellement .s o u s des bois pourris ou
sous des écorces de vieux troncs. La forme aplatie de toutes les espèces de ce genre indique du reste
leur manière de'vivre.
Le Phryne de Pallas est bien certainement l’espèce signalée par les anciens auteurs qui ont décrit
les productions naturelles des Antilles e t, plus sûrement encore, l’espèce enregistrée p a r la plupart
des entomologistes sous le nom de Phalangium reniforme ou de Phrynus reniformis ; mais nous n ’avons
pu conserver celte dénomination par le motif qu’elle a été employée p ar Linné, avant tout autre naturaliste,
pour désigner un Phryne de l ’Inde'ou de Java, fort différent de celui des Antilles.
(4) Pages 437-438,.
(2) Introduction to Entomology, t. IV, p . 89 (4825).
(3) Conspectus Arachnidum, p. 29 . — ïn -8 ° , Londini Gothorum (4 833). '
Jusqu’ici un seul auteur, M. Van der Hoeyen, s’est quelque peu occupé de l’analomie des Phrynes;
il a étudié avec soin la conformation extérieure de ce type d’Arachnides, et présenté quelques
remarques sur les poumons et la portion centrale du système nerveux (1 ). Ces observations, extrêmement
limitées, n’ont pas fait connaître l’organisation des Phrynes : le sujet restait donc entièrement
à traiter.
Nous avons choisi comme type du groupe l’espèce dont il était possible de se procurer le plus facilement
un certain nombre d’individus. Nous avons dù nous résigner ici encore à poursuivre nos
recherchés sur des exemplaires conservés dans la liqueur. Cependant, plus heureux en cette circonstance
que nous ne l’avions été pour les Thélyphones, nous avons eu à notre disposition un Phryne
vivant qui s’était trouvé p ar hasard dans une caisse de plantes envoyée de la Martinique.
SYSTÈME T É G ÜM E N T A IR E .
Les téguments du Phryne, coriaces et d’une consistance déjà très-solide, ressemblent tout à fait,
sons le rapport de la structure intime, à ceux du Scorpion et du Thélyphone ; cependant, ayant réussi
à préparer quelques pièces favorables pour l’observation de cette structure, nous nous y arrêterons
un instant.
En coupant des tranches minces du tégument, de façon à l’observer dans le sens de son. épaisseur,
les deux couches principales qui le. constituent se dessinent avec une netteté absolue p a r suite de la
coloration intense de l’épiderme (2). La couche superficielle, ou l’épiderme, a une épaisseur très-variable
suivant les différentes parties du corps. Assez mince dans les pièces thoraciques , plus mince
encore dans les sclérodermites de l’abdomen, elle est déjà d’une force remarquable dans les pattes-
mâchoires et beaucoup plus encore dans les chéliçères, c’est-à-dire dans les appendices qui ont besoin
d’avoir une solidité considérable. L’épiderme, examiné dans le sens de son épaisseur, paraît strié irrégulièrement
et présente à des intervalles un peu inégaux des canalicules perpendiculaires qui établissent
des communications avec le derme (3). Des canaux de cette nature existent dans le tégument
de tous les animaux articulés, mais, ehez le Phryne, ils n’ont pas la régularité, la direction
parfaitement déterminée que M. Quekelt leur a attribuées pour le tégument de la Scolopendre par
exemple (4).
La couche profonde du tégument, ou le derme, a la même épaisseur à.peu près sur toutes les parties
du corps. De même que chez le Scorpion, on y distingue deux portions : l’u n e , sous-jacente à
l ’épiderme, la plus dense et la plus considérable, est formée essentiellement d’un tissu fibreux parcouru
p ar des canalicules irréguliers en général très-ondulés, souvent anastomosés sur divers points de
manière à présenter 1 aspect de réseaux (5). Le derme offre aussi des granules épars, nombreux en
certains endroits, e t, au contraire, rares en d’autres. La portion profonde du derme, d’une consistance
molle et partout assez mince, ne montre que des fibres extrêmement serrées (6).
On ne saurait se rendre compte d ’une manière complète de la structure du tégument, si l’on n’en
4) Bijdragen tôt de kennis v an het geslacht Phrynus, Oliv. - Tijdschrift voor N a tm rlijk e Geschiedenis en Physiologie. Deel IX .
bl. 6 8 , pl. 4 -2 . Leiden (4842).
(2) Pl. 40 b is, fig. 3 .
(3) Pl. 40 b is , fig. .3 1
(4) Lectures on Histology, vol. H, p . 383. — London (4854). '
(5) Pl. 40 b is , fig. 3 g
(6) Pl. 40 b is , fig. 3 |