développement des Tortues. Son travail, publié tout récemment, contient des observations suivies
depuis les premières phases de la formation de l’oeuf jusqu’à l’éclosion des jeunes (1). Les recherches
de MM. Tiedemann et Ralhke sur le même sujet avaient déjà mis en lumière des faits importants,
mais l’oeuvre de M. Agassiz se distingue tout d’abord par le soin que l'auteur a mis à ne laisser de
côté aucune phase du développement, et à montrer ainsi la succession des modifications organiques
qui s’opèrent dans le cours de la vie embryonnaire. Placé dans une contrée où les Chéloniens se
rencontrent en abondance, M. Agassiz a pu poursuivre ses observations sur différentes espèces, et de
la sorte rendre plus sûrs les résultats de ses investigations. On comprend qu’il n’est pas possible de
donner ici un résumé d’un ouvrage aussi étendu et aussi complet. Nous aurons d’ailleurs l’occasion
d’y revenir en traitant spécialement du développement des Tortues.
Dans un premier chapitre, le savant professeur de l’université de Cambridge s’occupe de la
formation de l’oeuf, du développement du vitellus et des cellules vitellines, de l’apparition de la
vésicule de Purkinje, de l’accroissement de l’oeuf dans l’ovaire, des membranes de l’oeuf et de la
fécondation. Dans le second chapitre, il passe à l’examen de la ponte, du dépôt de l’albumen et de
la coque autour du vitellus, de l’absorption de l’albumen dans le sac vilellin, des changements que
subissent successivement le vitellus et le disque embryonnaire. L’auteur étudie ensuite la formation
et le développement des organes de l’embryon : c’est d’abord le cerveau, l’oeil, l’oreille, la colonne
vertébrale, le crâne e lles autres parties du squelette; puis le système vasculaire, l’appareil digestif, etc.
De belles planches exécutées avec une rare précision permettent de suivre les descriptions avec
toute facilité. En un mot, l’oeuvre que nous venons de mentionner est de celles qui marquent dans la
science.
On le voit par ce qui précède, la série des travaux auxquels a donné lieu l’organisation des
Reptiles est déjà bien longue. Lorsque, sans compter même les connaissances peu nombreuses léguées
par l’antiquité, on vient à recueillir et à rapprocher tous les faits introduits dans la science depuis
deux siècles et demi, on est amené à reconnaître que la patience des scrutateurs de la nature s’est
exercée dans une large mesure sur des êtres qui pourtant ne paraissent pas avoir le privilège d’attirer
le plus l’attention de l’homme. Les premières recherches des naturalistes sur l’anatomie des Reptiles
furent, en général, assez superficielles ; mais quand, au commencement d e notre siècle, le mouvement
scientifique reçut celte vive impulsion q u i, suivant toute probabilité, ne se ralentira pas de longtemps,
on comprit combien il était intéressant de connaître la structure organique de ces animaux dont les
formes, parfois si étranges, semblent promettre aux investigations des résultats inattendus. Aiissi, dès à
présent, est-il permis de dire que nos connaissances louchant l’organisation des Reptiles sont déjà fort
avancées. Chaque système organique a été étudié dans tel ou tel type; dans plus d’une circonstance, un
organe en particulier a fait le sujet de longues et minutieuses recherches; des traités généraux, publiés
à diverses époques, ont présenté d ’une manière plus ou moins complète le résumé des faits consignés
dans des mémoires épars parmi une multitude de recueils et écrits dans les différents idiomes des
peuples civilisés. . Les zoologistes d’une époque encore récente avaient groupé les Reptiles d’après des
caractères extérieurs faciles à saisir, mais d’une importance minime; les études anatomiques, poussées
plus loin chaque jour, sont venues montrer qu’il y avait d eux types essentiellement distincts, là où un
$!' Contributions of the natural History of tlie United States of America, by Louis Agassiz, vol. II, part. III. — Embryology of
ihe Turtle. (Avec un allas de 27 planches). 4°, Boston (1857).
seul avait été reconnu; ailleurs que l’importance attachée à la présence ou à l’absence de membres
avait conduit à des rapprochements m alheureux.
La connaissance de la charpente osseuse a surtout fait de rapides progrès. Les débris fossiles
exhumés avec la plus grande ardeur n ’ont pas peu contribué à diriger l’attention des naturalistes
sur les caractères ostéologiques des différents types. Pour déterminer ces squelettes, ces fragments de
squelettes des animaux qui ont vécu aux époques géologiques, il fallait naturellement soumettre ces
débris à un examen comparatif avec les squelettes des espèces actuellement vivantes ; examen qui
devait produire chaque jour des notions plus précises sur l’ostéologie des Reptiles. Pour ces animaux
comme pour les Mammifères, les recherches paléontologiques devinrent la cause principale d’obser-
vations nombreuses sur la charpente osseuse des espèces vivantes. Cuvier, posant la base de l’édifice,
donna l’impulsion à ce genre de recherches qui a fourni à la science de grands résultats.
Dans le même temps, une grande idée commençait à imprimer aux travaux scientifiques une
véritable direction, cette direction philosophique dont il a été tant parlé. Geoffroy Saint-Hilaire
s’efforcait de démontrer que la charpente osseuse de tous les animaux est construite d’après le même
plan général. La justesse de l’idée se manifestant toujours davantage en présence des observations
qui se multipliaient, la science entra dans sa voie naturelle. On arriva peu à peu à se rendre compte
des différences existant dans la conformation du squelette des Reptiles et des vertébrés supérieurs. En
s’attachant à reconnaître dans toutes les parties, et principalement dans le c rân e , les mêmes pièces
que chez les Mammifères, on fut conduit à des comparaisons rigoureuses, inconnues jusqu’alors. De là
naquit la précision indispensable à tout progrès. Bientôt après, en vue d’arriver à l’appréciation
exacte des affinités zoologiques de certains types, on se livra à des éludes d’ostéologie comparée
souvent minutieuses; nous avons mentionné celles de J. Müller, sur les Ophidiens et sur plusieurs
genres de Sauriens; celles de M. P. Gervais, sur les Amphisbènes, e t un grand nombre d ’observations
particulières plus ou moins importantes. D’un autre côté, l’état rudimentaire de certaines pièces du
squelette appela l’attention de quelques anatomistes, et donna lieu aux recherches de Meyer, de
Heusinger, de J. Müller, sur le bassin des Sauriens privés de membres.
En résumé, le squelette de la plupart des grands types de la classe des Reptiles a été décrit et
souvent représenté, soit en partie, soit en totalité (1). Ce n ’est pas en quelques traits qu’il serait
possible d’indiquer tous les résultats acquis à la science par les études d ’osléologie. Il faut nous
contenter de rappeler que les comparaisons des différentes parties du squelette ont servi d’une
manière heureuse à la détermination et à la caractérisation des groupes naturels, comme à l’appréciation
de leur parenté zoologique. C’est la conformation ostéologique qui tout d’abord a montré des
différences profondes entre les Crocodiles et les Sauriens, auxquels ils avaient été associés, et qui conduisit
de Blainville à en former l’ordre des Émydosauriens, lorsque d’autres caractères organiques-
propres à ces animaux étaient encore ignorés. C’est la conformation ostéologique qui $ éclairé les
naturalistes sur les véritables affinités des Sauriens privés de membres que l’on classait naguère avec
les Serpents. C’est aussi la conformation ostéologique qui a montré la distance séparant certains types
des autres représentants de la même grande division, parmi lesquels on peut citer comme les plus remarquables
les Caméléonides, les Geckotides, les Amphisbénides. Enfin c’est la conformation ostéologique
encore qui a permis de classer rigoureusement les espèces éteintes, et fait reconnaître des
formes ne pouvant se rattacher à aucun des ordres établis pour les espèces vivantes.
('* ) L’exposé des caractères ostéologiques des Reptiles le plus .complet e t le plus récent qui ait été publié se trouve dans
l’ouvrage de M. Stannius, Ilandbuch der Zootomie. — Zweite auflagc. — Berlin (4856).
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