
 
		Il est curieux  de  suivre la marche de la  science  touchant  l’appréciation  des  affinités que  présentent  
 entre eux tous ces animaux.  Ce n’est pas  du premier  coup que les zoologistes  sont arrivés à classer les  
 Reptiles  d’une manière  naturelle.  Les  rapports  et  les  différences  qui  existent  entre  ces  êtres  furent  
 presque totalement méconnus par les auteurs  du siècle dernier et souvent encore par les classificateurs  
 du  siècle.actuel. 
 Pour Linné  (1),  les Reptiles  appartenaient  à  la  classe  des Amphibiens,  et  cette  classe  comprenait  
 trois ordres :  les  Serpents,  qui n’ont pas de p attes;  les Reptiles,  qui  en  sont  pourvus,  et  les Amphibiens  
 nageurs,  c’est-à-dire la plupart des Poissons cartilagineux ; mais ceux-ci ne figuraient à  côté  des  
 premiers que par suite  d’une erreur :  un  anatomiste,  Garden,  avait  assuré  à  l’auteur  du  Système de  
 la nature qu’il existait un  poumon double chez ces animaux.  Il avait pris pour un poumon une vessie  
 natatoire bilobée. 
 En 1768,  un  médecin  de  Vienne,  Laurenti  ( 2 ) ,   devenu  célèbre  dans  la  science  par  son  ouvrage  
 d’Erpétologie,  rejetait  les  Tortues  en  dehors  de  la  classe  des  Reptiles.  Dans  sa  méthode,  
 ce dernier groupe ainsi  réduit  se  divisait  en  trois  ordres  :  les  Reptiles  sauteurs  correspondant  aux  
 Batraciens anoures  des naturalistes modernes;  les Reptiles marcheurs comprenant à la fois les animaux  
 connus aujourd’hui sous le nom de Batraciens urodèles et  de Sauriens,  et enfin les Serpents,  en  y joignant  
 les Cécilies,  que les zoologistes  de  l’époque  actuelle  rangent parmi  les Batraciens,  les Amphis-  
 bènes,  classés d epuis, tantôt avec les Sauriens,  tantôt avec les Ophidiens,  tantôt encore dans  un ordre  
 particulier,  et les Orvets (Anguis) , qui  appartiennent incontestablement à  l’ordre des Sauriens. 
 En  1788,  Gmelin, modifiant  un peu  la  classification  de  Linné (3),  reporte les Amphibies  nageurs  
 du  naturaliste suédois parmi  les Poissons,  et m et ainsi  la classe des Reptiles  dans les limites qu’on ne  
 songea plus à  modifier pendant près  de  trente ans. 
 A la même  époque,  de Lacépède présentait les Reptiles dans  ces limites comme devant être partagés  
 en quatre classes ou  divisions primaires (4).  Les  caractères  de ces groupes  étaient choisis  aussi  arbi-  
 trairement  que  possible. Ainsi  le  célèbre  continuateur  de  Buffon  distinguait :  10  les Quadrupèdes  ovipares  
 qui  ont une queue,  et ce groupe renfermait les Tortues et les Lézards avec  les Batraciens urodèles  
 (Salamandres);  2° les  quadrupèdes  ovipares  qui  n’ont pas  de  queue,  c’est-à-dire  les  Batraciens  
 anoures (Grenouilles,  etc.);  3° les  Reptiles  bipèdes,  c’est-à-dire  les Sauriens, chez  lesquels  une paire  
 de membres  est  avortée,  et 4° les Serpents,  en  y  comprenant,  bien  entendu,  les  Sauriens privés de  
 membres. 
 Mais dix ans plus tard la classification des Reptiles  faisait un progrès immense :  elle  devenait scientifique. 
  Les caractères des grandes divisions étaient cette fois étudiés suivant les principes de la méthode  
 naturelle.  Cest à  Alexandre  Brongniart qu’appartient  l’honneur  de  ce  progrès  (5).  Il  adopte quatre  
 ordres dans la classe  des Reptiles :  le  premier est celui  des Chéloniens ou les Tortues;  le second,  celui  
 des  Sauriens ou les  Crocodiles et les Lézards;  le  troisième,  celui des Ophidiens ou les Serpents, mais 
 (4) Sy stema  naturte,  editio XII  (4767). 
 (2) Specimen medicum,  exhibais  synopsin  Reptilium emendatam  cum experimentis  circa  venena  et  antidota Reptilium austria-  
 corum;  Viennæ  (4768). 
 (3)  Linhæi Systema naturoe (4788). 
 (4) Histoire naturelle des Quadrupèdes  ovipares e t des Serpents,  par  le  comte de Lacépède,  1. 1  (4788)  et t.  Il (4789). 
 (3)  Essai d’une classification naturelle des Reptiles. — Magasin encyclopédique, p. 4 84 (4799) ; Bulletin de la  Société philomathique,  
 t.  II, p.  84  et 89  (4799), e t Mémoires des  savants  étrangers de l’In stitu t,  t.  I ,  p.  587  (4806). 
 en y joignant,  comme Laurenti,  les O rvets,  les Amphisbènes et les Cécilies,  et le quatrième, les Batraciens  
 ou les Grenouilles  et les Salamandres,  dont les rapports si intimes étaient toujours restés méconnus, 
  jusqu’à cette époque,  à  cause de la présence d’une  queue chez  les  uns,  de son  absence  chez  les  
 autres. 
 Cette  classification  fut  bientôt  adoptée p ar la plupart des naturalistes,  ainsi que les nouvelles dénominations  
 appliquées aux  ordres.  Depuis  longtemps  ces  noms  de  Chéloniens,  de  Sauriens,  d’Ophidiens, 
   de Batraciens,  publiés pour  la  première fois  il  y  a  àujourd’hui un  demi-siècle,  sont  tellement  
 entrés,  non-seulement  dans  la science, mais  même  dans le langage  vulgaire,  que maintenant  en  les  
 prononçant on  les  croirait volontiers  plus  anciens  que la science  elle-même.  Aussi  ne  sait-on  guère  
 pourquoi deux  d’entre  eux  seulement  se  trouvent  inscrits  par  l’Académie  française  au  nombre  des  
 mots  de notre  langue. 
 Une fois tous  les Batraciens groupés dans un même o rdre,  on  en  vint à  s’apercevoir de plus  en  plus  
 que  ces animaux appartenaient à  un« type très-différent  des  autres Reptiles.  Dès  1807,  M.  C. Duméril  
 l’indique en quelque sorte  en insistant  sur la  différence la plus essentielle qu’on  remarque dans l’appareil  
 circulatoire  de ces Vertébrés,  la  présence de  deux  oreillettes  au  coeur  chez  les  u n s ,  l’existence  
 d’une seule chez les autres ;  en  insistant aussi  sur  l’absence de  copulation  chez  les  Batraciens  et  sur  
 leurs métamorphoses après la sortie d e l’oeuf (1 ). 
 En  1811,  un  naturaliste  bavarois,  Oppel  (2),  publie  une  nouvelle  distribution méthodique,  dans  
 laquelle cette classe ne se trouve divisée qu’en trois ordres  :  les  Testudinata,   correspondant aux Chéloniens  
 de Brongniart;  les Squammata,  comprenant les Sauriens  et les  Ophidiens,  et  les  Nuda,  correspondant  
 aux Batraciens. C’est là  un  arrangement  qui mérite  l’attention.  En étudiant les  Reptiles,  le  
 zoologiste  est frappé,  en  effet,  de voir combien les Chéloniens  constituent un  groupe  isolé,  et  combien  
 ,  au  contraire,  se  lient étroitement les Sauriens et  les Ophidiens,  que les auteurs du  siècle  dernier  
 regardaient toujours comme  fort différents. 
 On avait toujours  regardé  la  classe  des Reptiles  comme parfaitement naturelle  dans les  limites  tracées, 
   depuis Gmelin,  par tous les erpétologistes. Cependant en 1816 un naturaliste peu connu,  de Bar-  
 bançois (3), dans le but de conserver à  chaque grande  division son homogénéité,  proposa,  le premier  
 selon  toute apparence,  de séparer complètement des autres Reptiles ceux  dont la peau  est visqueuse,  
 c’est-à-dire les Batraciens. 
 A la même époque,  de Blainville considérait aussi les Reptiles comme devant constituer deux classes  
 distinctes  :  l’une comprenant  les Chéloniens,  les  Sauriens  et  les  Ophidiens,  l’autre  les  Batraciens.  
 Appliquant à tous  les groupes  son  système de nomenclature,  de  Blainville  prit  le  nom de Squammi-  
 fères  pour  les  premiers,  et  celui  de Nudipellifères pour les seconds, montrant le premier  type comme  
 lié aux Oiseaux,  et le second aux Poissons. 
 A  cela  il  faut  ajouter  que  de Blainville  n’adopta  pas  les  divisions  ordinales  telles  qu’elles  étaient 
 (4)  Mémoire sur  la  div ision des Reptiles Batraciens  en deux  familles naturelles. 
 (2)  Die Ordnungen,  Familien und  Gattungen der Reptilien,  a ls  Prodrom  einer  Naturgeschichte  derselben,  von  Michael Oppel;  
 Munich  (4844). 
 (3) Observations pour  se rvir à  une classification des Animaux. —  Journal de phy s.,  de  chimie e t d'hist. n a t., t.  LXXXUI, p.  67.