pour former une sorte dë bord frontal. Sur les côtés -, le bouclier dorsal est également rabattu de
manière à constituer une carène marginale, et en arrière il1 est sensiblement échancré aü-dessus de
l’insertion dq pédicule de l’abdomen, de façon à laisser à la partie postérieure du corps la faculté de
se redresser. A sa surface, le bouclier céphalothoracique présente, très-près de son bord antérieur, une
éminence arrondie, assez élevée, sur laquelle sont groupés les y eu x , et presque dans sa région
moyenne, à une distance moins grande toutefois de l’extrémité postérieure que de l’extrémité antérieu
re , une très-forte dépression déterminée par des attaches musculaires. De chaque côté, quatre
sillons assez marqués partent de ce point central, et s’étendent jusqu’aux bords latéraux. Ces sillons
correspondent aux régions des appendices comme chez les Scorpionides, et tout ce que nous en avons
dit en traitant de ce dernier type (1) s’applique à la Mygale, aussi bien qu’aux autres Aranéides. Le
bouclier céphalothoracique n ’offre n i c arènes, ni tubercules ; il est p artout revêtu de poils, les uns fins
e t s e rré s , les (pitres, au contraire, plus ou moins longs et un p eu disséminés.
Yeux. — Les y eu x , au nombre de huit ou de quatre paires, tous placés sur l’éminence antérieure
du céphalothorax dont il vient d’être question, sont par conséquent très-rapprochés les uns des
autres (2). Les cornéules enchâssées dans le tégument se distinguent sans difficulté à leur teinte pâle,
à leur surface parfaitement lisse e t polie, à leur brillant. En considérant les organes de la vision de la
Mygale, on découvre de suite l’utilité de l’espèce de mamelon sur lequel ils occupent différentes
positions ; à l’aide d e cette saillie du tégument, ils se trouvent être orientés dans diverses directions.
Les yeux n’ont pas tous la même grosseur ni la même forme (3). Il y en a deux médians, deux principaux,
de même que chez les Pédipalpes, sensiblement plus gros que les autres e t presque a rrondis;
ceux-ci occupent le sommet du mamelon. Les autres sont rejetés sur les parties latérales ; ceux de la
première paire sont assez écartés et situés sur le devant e t vers les côtés, c’est-à-dire sur la portion
déclive de l’éminence céphalothoracique ; leurs cornéules s’étendent dans le sens transversal ; ceux de
la seconde paire, les plus petits de tous, placés en arrière des yeux médians, plus écartés, et, de la
sorteA sur un plan inférieur, ont une forme ovalaire. Enfin les yeux de la troisième paire sont situés
en arrière sur les flancs du mamelon.
On verra par la suite l’importance qu’offre la disposition des yeux chez les Arachnides, e t notamment
chez les Aranéides. Latreille, Walckenaer, et tous les entomologistes en général, n’ont guère
aperçu dans les variations de position de ces organes qu’un moyen commode pour classer les espèces ;
nous y reconnaîtrons autre chose ; nous constaterons dans chaque disposition particulière un but de
la n a tu re , une merveilleuse adaptation à des moeurs, à des habitudes spéciales, à un genre de
vie propre.
Antennes-pinces ou chélicères. — Les chélicères d e la Mygale ont un développement considérable,
tel que nous n’en trouverons guère d’autre exemple parmi les divers types des Arachnides. Ce sont
deux appendices insérés au-dessous du rebord frontal du bouclier céphalothoracique (4) ; ils sont
maintenus à l’extérieur par un tissu membraneux résistant, mais très-souple, qui se prête à tous leurs
mouvements avec une entière facilité; implantés assez près l’un de l’autre pour demeurer contigus
dans l’état de repos et avancés sur un plan horizontal. Ils sont formés d’un corps et d’un puissant
crochet mobile; le corps paraît être d’une seule pièce. Dans les Pédipalpes, nous avons constaté, la
présence d’un article basilaire et d’un article principal susceptibles d’être séparés ; chez la Mygale,
il y a réunion intime de ces deux éléments, soit par suite d’une fusion s’opérant avec les progrès de
l ’âge, soit p a r ossification confuse. Les chélicères ont leur face supérieure convexe (1), leur face
interne aplatie, leur face externe arrondie, et leur partie inférieure amincie, formant une sorte de
gouttière ; la gouttière est limitée du côté interne par une rangée de dents fortes e t aiguës (2) masquées
par de longs poils roides, et du côté externe par une bordure de poils semblables mais plus
touffus. A son extrémité, le corps du chélicère, très-sensiblement abaissé, se termine en dessus par
un bord concave, offre en dessous une échancrure qui s’étend beaucoup en arrière, de façon à
permettre au crochet de se fléchir complètement, e t présente sur les côtés une petite tête faisant
saillie, surtout en dedans. Cette saillie sert à l’articulation du crochet, e t se trouve reçue dans une
petite cavité en demi-cercle, dont celui-ci est pourvu des deux côtés. Le crochet se trouve de la sorte
très-solidement maintenu, e t articulé de manière que ses mouvements d’extension e t de flexion
s’opèrent avec une extrême facilité, et de manière aussi à ne pouvoir subir aucun déplacement latéral.
Cette partie de l’antenne-pince est d’une remarquable solidité, assez fortement courbée et terminée en
pointe aiguë; elle est, en outre, un peu creusée en dessous, ayant une fine arête dans le milieu, circonscrivant,
avec les bords latéraux qui sont en saillie, deux rigoles assez larges. Le crochet offre
également en dessous, et très-près de l’extrémité de sa pointe, une fente presque imperceptible destinée
à livrer passage au venin. Les chélicères ont des mouvements énergiques mais assez bornés ; ils ont la.
faculté de se dresser un p eu , de s’incliner e t de s’écarter l’un de l’autre dans une mesure assez étroite.
Ces appendices, doués d’une force vraiment prodigieuse pour la dimension de l’animal et n’ayant
cependant que des mouvements très-bornés, nous m ontrent une heureuse adaptation au genre de vie
de notre Aranéide. Les Scorpions ont des chélicères d’une assez grande mobilité qui leur permettent
de saisir une proie en se portant dans diverses directions, e t comme leurs pattes-mâchoires sont
conformées pour agir dans le même b u t avec plus d’efficacité encore, ils s’emparent de leurs victimes
à l’aide seule des mouvements brusques' et rapides de leurs appendices, sans pour cela changer de
place. Les Thélyphones ont également cette faculté, à un degré moindre seulement; mais cette faculté
est très-diminuée pour les Phrynes, dont l’agilité est plus grande. Les Mygales, par la rapidité d e leur
course, pouvant aisément poursuivre leur p roie, ont des pattes-mâchoires adaptées à un autre usage,
et des chélicères disposés pour n ’agir que dans une direction et avec une sûreté complète. Les crochets
en se dressant atteignent la proie, y enfoncent fortement leur pointe aiguë, et par l’éjaculation du
venin l’engourdissent ou la tuent. Ces appendices, en se repliant de façon à reprendre leur situation
la plus ordinaire, amènent nécessairement au-devant de la bouche l’animal destiné à servir de nourriture.
On voit ainsi l’utilité évidente d’une disposition qu i, arrêtant toute déviation latérale du
crochet et même du corps de l’anlenne-pince, ne permet pas à là victime une fois saisie de s’échapper,
malgré les mouvements les plus énergiques et les plus désordonnés. Le grand développement des
antennes-pinces de la Mygale, comparé à celui qu’on leur trouve dans les autres A ranéides, est expliqué
par la nature des animaux qu’elles doivent retenir. Tandis que les Araignées, en général,-s’emparent
d’insectes assez faibles, les Mygales, comme le rapportent tous les voyageurs, s’attaquent à
(1) Pl. 12, fig. 8. On a représenté ces organes dénudés de leurs poils, afin de montrer nettement leurs contours ainsi que
l’insertion du crochet e t les dents qui en garnissent le bord interne.
(2) Pl. 12, fig. 8.