Dans cette histoire si curieuse de la classification des Reptiles, où tant d’auteurs ont leur p art, deux
noms dominent tous les autres : Alexandre Brongniart et de Blainville. C’est à ces noms que sont attachés
les grands progrès de cette partie de la zoologie.
C’est dans les limites tracées par de Blainville dès 4816 qu’est présentée ici la classe des.Reptiles,
en y rattachant comme divisions ordinales les types éteints, dont il crut devoir, en 1835, former des
classes particulières.
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Mais ce qui importe aussi à notre sujet, ce n’est pas seulement de connaître la manière dont les différents
auteurs ont apprécié les ressemblances et les dissemblances des êtres que nous examinons ici ;
il s’agit encore de voir clairement ce que chaque époque a fourni de faits essentiels sur l’organisation
de ces êtres.
Il nous suffit sans doute d ’indiquer brièvement les observations qui ont précédé le temps où l’anato-
mie comparée a été constituée comme science ; mais à partir de ce moment, c’est-à-dire à partir des
jours derniers du dix-huitième siècle , il faut nécessairement préciser ce que chaque travail a apporté
de faits, pour mesurer ensuite le champ qui nous reste à parcourir.
Il est indispensable ici de voir comment s’est élevée au point où nous la trouvons aujourd’hui la
connaissance de l’organisation des Reptiles, connaissance déjà si étendue et cependant si incomplète
encore.
Aristote avait constaté diverses particularités de la structure de ces animaux ; il connaissait leur
génération ovipare. Les trois types principaux de Chéloniens, les Tortues de terre, les Tortues d’eau
douce, les Tortues d e mer, sont distingués dans ses écrits, et l’on y trouve un aperçu sur la conformation
générale des viscères les plus apparents de ces singuliers Reptiles. Les Crocodiles avaient fixé
aussi L’attention du naturaliste de Stagyre, e t, selon toute apparence, d ’après Hérodote, il a donné
divers détails, du reste assez vagues, souvent inexacts, sur ces animaux. Aristote avait bien reconnu
chez les Caméléons la disposition des côtes-, la conformation des pieds, d’autres particularités extérieures,
les changements de couleur, etc. Il a consigné également à l’égard des Lézards quelques
observations de peu d’importance; un animal mentionné sous le nom d'Ascalobotes paraît se rapporter
à notre Platydactyle des murailles, si commun dans tout le midi de l’Europe et le nord de l’Afrique.
Plus heureux que certains naturalisteâ du dix-huitième siècle, Aristote avait su constater les grands
rapports qui existent entre les Serpents et les Lézards, malgré la présence de membres chez les uns et
leur absence chez les autres. Il a indiqué la configuration, chez ces animaux, de la langue, du canal
intestinal, du foie, du poumon, etc. La propriété que possèdent ces Reptiles de reproduire leur extrémité
caudale quand elle a été brisée ou coupée lui était connue. Il avait même observé que la Vipère
donne naissance à des petits vivants après avoir produit des oeufs à l’intérieur.
Les observations sur l’anatomie des Reptiles dues aux médecins et aux naturalistes qui précédèrent
le dix-septième siècle sont en général d’une importance si faible, qu’elles méritent vraiment peu d ’être
mentionnées. On cite cependant encore les écrits de Gesner (1), ceux de Vésale, quelques remarques
sur les Tortues publiées par Coiter en 1575 (2); diverses observations de Paræus sur les Crocodiles,
d’Angelo Baldo Abbati sur la Vipère, etc. (3). •
Vers le milieu du dix-septième siècle, un professeur napolitain s’adonna le premier, avec une certaine
suite, à des recherches sur les Reptiles. A cette époque, les anatomistes se contentaient de peu.
Ouvrir le corps d’un animal, indiquer d’une manière plus ou moins vagué la position des principaux
viscères, signaler quelques particularités de formes, briser- le crâne et reconnaître la masse du cerveau,
c’est à peu près à une semblable opération que se réduisait leur travail. En 4645, Severino
fit quelques études de cette nature sur la Tortue marine et sur la Tortue terrestre (4), sur le
Lézard (5) et la Vipère (6), e t, peu d ’années après, il publia un ouvrage spécial (7) sur la Vipère, contenant
des observations sur les habitudes de ce Reptile, sur sa température, sa génération, ses viscères,
son venin,.et les organes qui le sécrètent.
Dans le même temps, Joseph Fabri (8) décrivait le coeur de la Tortue d’une manière plus exacte que
ne l’avaient fait ses prédécesseurs.
En 1664, parut un petit ouvrage posthume dû à un naturaliste Scandinave, Jean Vesling, dans lequel
on trouve divers détails anatomiques sur le Crocodile et la Vipère (9).
En 1669, un membre de l’Académie des sciences de Paris, Charas, publia des observations assez
étendues sur l’anatomie de la Vipère sans avoir connu, selon toute apparence, l’ouvrage de Severino.
Du reste, son travail, accompagné de figures, exécutées à la vérité comme s’exécutaient alors les dessins
d’histoire naturelle, mais cependant d’une utilité réelle, est très - supérieur à celui de son devancier.
L’auteur examine les caractères extérieurs de la vipère; il en décrit la forme générale du crâne,
les narines, le cerveau, les yeu x , l’organe auditif, les dents, etc., montrant que l’opinion des anciens
qui admettaient que le siège du venin de la Vipère était au fiel n’a pas le moindre fondement. Il décrit
encore lés diverses parties du squelette et les organes internes (10).
A la même époque, furent imprimées quelques remarques succinctes du célèbre Malpighi sur les
poumons de plusieurs animaux, et notamment sur ceux des Tortues (11 ). * -
Dans les années qui suivirent, Claude Perrault s’attacha à faire connaître l’organisation de divers
animaux. Sans doute, ce sont là des anatomies bien imparfaites, bien insuffisantes pour donner une
(4) Historioe Animalium liber secundus (1554).
(2) Diversorum Animalium sceletorum explicationes.
(3) De a dmirabili Viperoe natura (4 587).
(4) Zootomia democritea Marci Aurelii Severini, p . 320 (1645).
(5) Zoc. cit.,*p. 326.
(6) la c . c it., pv 359.
(7) Marci Aurelii Severini Vipera p y th ia (1654).
(8) Histoire du M exique, par Hernandez (1651).
(9) Johannis Veslingi Observa liones anatomicoe et Epistoloe medicoe, ex schedis posthumis. selectæ et edilæ Th. Barlholino. —
Hafniæ (4664).
(40) Nouvelles Expériences sur la Vipère; Paris, in-8° (4669). — Réimprimé Mémoires de l’Académie royale des sciences, t. III,
2 e partie, p. 206 (4733) ; — et Suite des Nouvelles Expériences sur la Vipère (467i;)>
(14 ) An Extract of a latin letler writlen by the learned signor Malpighi, to the publisher, concerning some anatomical observations
about the structure of the lungs o f the Frogs, Tortoises and perfecter animais.— Philosophical Transactions, t. V I, p. 2149 (4671).
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