zoologistes lui ont adjoint d’autres groupes, en admettant alors la.<distinotion en ordres pour des animaux
que nous croyons devoir considérer comme des types de classes particulières. Ainsi, Cuvier
désignait le groupe qui nous occupe ici sous le nom d’A c é p h a le s t e s t a c é s , et rangeait dans la même
classe une autre division qu’il appelait les A c é p h a l e s s a n s c o q u i l l e s . Pour lu i, la qlasse des Acéphales
comprenait donc deux ordres. De son côté,,Lamarck formait une classe à part pour les Acéphales sans
coquilles, e t il ia désignait sous le nom de T u n i c ie r s ; mais ce naturaliste, n’en ayant nullement saisi
les affinités naturelles, les plaça parmi les Zoophytes. Cuvier, au contraire, avait bien compris les
rapports qui les unissent aux Acéphales testacés; seulement ces rapports ne sont pas assez intimes,
comme l’ont montré de plus en plus les recherçhes ultérieures, pour que nos classifications n’expriment
pas davantage les différences considérables qui existent entre ces deux types. Les zoologistes,
depuis assez longtemps d éjà, considèrent le second ordre des Acéphales de Cuvier comme une classe
particulière, pour laquelle on a conservé généralement là dénomination de Tuniciers, introduite dans
la science par Lamarck.
D'autre p art, Cuvier, forma, pour certains Mollusques, pourvus, comme les Acéphales, d ’une
coquille bivalve, une classe particulière à laquelle il imposa le nom de B»icai«PODEs. Comme nous le
verrons p a r l a suite, ces animaux ont des rapports étroits avec les Acéphales; mais leur organisation
présente des différences très-importantes, et c'est sur la considération de plusieurs de ces différences
que se fonda l’auteur de Y Anatomie comparée f)Our établir une séparation nette entre , les Brachiopodes
et les Mollusques dont ils se rapprochent le plus. Néanmoins divers naturalistes de notre temps, tout en
adoptant le groupe tel qu'il a. été circpnscrit par Cuvier,. le réunissent aux Acéphales et se contentent
de le distinguer comme un ordre. Cependant la séparation établie par l ’illustre auteur du
Bègne animal nous parait hautement motivée, comme nous l’expoSerons plus loin; et dès lors nous
l'adoptODs.
Ainsi, la classe des Acéphales, telle qu’elle est présentée ici, correspond exactement aux Acéphales
testacés de Cuvier, à la classe des Ctmchi[hres de Lamarck, et à l’ordre des Acéphalophores lamellibranches
de De Blainville.
Les Acéphales forment un ensemble extrêmement homogène; ces animaux ne paraissent pas devoir,
dans une méthode naturelle, être partagés en plusieurs ordres, comme on l’a fait, d’après le nombre
des muscles qui meuvent les valves de la coquille. Nous ne voulons préciser encore l’importance d ’aucun
caractère, car ceci ressortira naturellement, plus tard, de l’étude de chaque type. Il nous suffira
de rappeler ici que c’est de suite par familles que Cuvier, dans sa méthode, crut devoir diviser la
classe; et, en effet, les différences organiques existant entre tous les types ne sont peut-être:pas de
nature à faire donner à quelques-unes de ces divisions une valeur plus considérable.
Jusqu’à présent, les familles ont été établies, parmi ces Mollusques, simplement d’après la considération
des charnières des coquilles; or l’on ne tardera pas à se convaincre que ces caractères, toujours
pris isolément, ont conduit souvent à des rapprochements qui sont loin d’être heureux et à des séparations
bien opposées aux véritables affinités naturelles. Dans ces classifications, les auteurs se sont
occupés bien rarement des caractères même tout à fait extérieurs des animaux ; et quant aux particularités
d’organisation, la science étant encore peu avancée sur ce point, il n’en fut pour ainsi dire
jamais question. Dans nos ouvrages, ce sont les traits généraux de l’organisation de ces êtres qui sont
présentés ; mais presque tout encore s’est arrêté là.
Les Mollusques acéphales étant'd’une étude assez difficile, c’est fort lentement que se sont amassées
les connaissances acquises aujourd’hui touchant leur organisation.
Le dernier siècle finissait quand la science vint à: s’enrichir d’observations importantes sur la structure
intérieure de ces animaux.
C’est Poli, le célèbre naturaliste napolitain, qu’il faut citer ici de premier. Soumettant à de laborieuses
investigations les espèces qui abondent dans le golfe de Naples, il dévoila une longue série do
faits. Sans doute, dans ses recherches, des erreurs graves se sont mêlées aux réalités, des choses
essentielles sont demeurées inaperçues; mais cependant, sur plusieurs points, jusqu à l’époque actuelle
on n’a pas été au delà. Les faits exposés dans de. grand ouvrage du zoologiste italien servent encore
dans tous les traités modernes à l’énoncé des particularités les plus caractéristiques des Acéphales. Les
figures de ses planches se trouvent encore également reproduites de notre temps , malgré les imperfections
inévitables à l’époque où elles ont été exécutées.
C’est l’anatomie de presque tous les types d’Acéphales répandus dans la Méditerranée que nous
offre le grand ouvrage de Poli (1). On y trouve représentée la disposition dés principaux muscles chez
diverses espèces, ainsi que quelques portions du système nerveux; mais 1 auteur du livre sur les
Testacés des Deux-Siciles se méprit complètement sur la nature de ce dernier appareil. Il considéra les
nerfs comme des vaisseaux lymphatiques et les ganglions comme leurs réservoirs. C’est ce que savent,
au reste, tous les naturalistes, et ce que d’ailleurs oq répète depuis plus d un demi-siècle dès qu il.
s’agit de celte question. .
Le névrllème ayanl une certaine résistance et la substance nerveuse en offrant très-peu, au contraire,
chez ces Mollusques, Poli avait réussi à injecter une partie des nerfs au moyen du mercure, Celle circonstance
le conduisit à ne voir là que des vaisseaux et à conclure à l’absence d ’un système nerveux.
Il fut en outre toujours très-loin de voir l’ensemble de cet appareil; il eu signala seulement quelques
portions. .-•*
Le canal alimentaire et l’organe hépatique sont aussi représentée par le zoologiste napolitain, chez
plusieurs espèces et d’une manière même assez satisfaisante; les circonvolutions de l’intestin ont été
suivies avec soin, et depuis encore il n’a rien été produit sur ce sujet qui soit préférable.
L’appareil de la circulation a été également l’objet des recherches de Poli; i l a fait connaître la
forme du coeur chez divers Acéphales; il a vu l’aorte ét l’origine de quelques-unes de ses branches;
il a constaté encore comment le'sang revenait des branchies au coeur, ayant suivi avec assez de soin
la disposition des vaisseaux branchio-cardiaques ou veines branchiales. D’après ses observations * il èst
aisé d e se convaincre qu’il existe chez ces Mollusques un coeur volumineux, que le sang est porté aux
organes au moyen d’artères, et ramené des branchies au centré circulatoire par des vaisseaux bien
constitués, en communication directe avec deux oreillettes très-développées. Ceci est la partie bien
constatée; mais le reste du trajet que parcourt le sang fut très-incomplétement suivi.
Enfin, Poli a représenté les organes respiratoires avec assez d ’exactitude, sinon avec tous les détails
nécessaires. Il a vu aussi les ovaires dans la cavité abdominale, et il a reconnu que les embryons
séjournent quelquefois entre les lames branchiales.
D’après cela, on comprend facilement quel progrès un tel ouvrage fit faire à la marche de la science.
Peu de temps après sa publication, un naturaliste Scandinave, J. Rathke, constata d ’une manière positive
la présence du système nerveux chez les Acéphales (2). Ainsi, bien des faits déjà étaient acquis
sur ce sujet quand s’aeheva le dernier siècle.
(1) Tcstacea ulriusque Sicilioe, 1791-1795.
(2) Om Dammuslingen — inSkrivter af Nalurhistorie-Selskabet, t. IV, p. 139-162, pl. 9, 6g. 10-11 (1797).