Cependant les contemporains de Linné s’inspiraient peu du Systema Naturoe j chacun tenait à présenter
sa méthode ; ce qui a valu à la science d’assez tristes conceptions, méritant à peine d’être rappelées
aujourd hui. Un auteur allemand, Frisch, groupait les Oiseaux dans douze sections, ne reposant
la plupart sur aucun caractère sérieux (-1 ),
Un naturaliste français, Pierre Barrère, s’avisait de classer ces Animaux uniquement d’après les caractères
fournis par les doigts et arrivait de la sorte aux plus singuliers rapprochements. Il comptait
quatre classes ou divisions primaires: 1° les Palmipèdes, parmi lesquels figurent l’Avocette et le Flam-
mant; 2° les Semi-Palmipèdes., c’est-à-dire les Foulques et les Plongeons (Colymbus)';' 3° les Fissipèdes
réunissant les Perroquets, les Oiseaux de proie, les Grimpeurs, les Passereaux,;les Pigeons et l’Autruche
; et 4° les Semi-Fissipèdes; c’étaient les Échassiers, les Alcyons e t les Gallinacés (2V '
En Allemagne, vers la même époque, Klein n’était pas p.lus heureux. Il séparait, soi-disant d’après
la conformation des pieds, les Oiseaux en huit familles dont le détail n’offre vraiment aucun
intérêt. Une première famille comprenait l’Autruche seule; une seconde, le Nandou (Rhea), le Casoar,
l’Outarde, l’Huîtrier, etc. ; une troisième, les Perroquets, Pics, Passereaux, la plupart des Échassiers^
les Gallinacés, etc. (3).
En 1752, dans une petite ville du Hanovre, un zoologiste eut l’idée de constituer une classification
des Oiseaux toute différente de celles qui avaient paru jusqu’à lui, en prenant pour base des caractères
auxquels on ne s’était pas encore arrêté. Moehring établit d ’abord quatre divisions primaires ; il les
nomma des classes. Sa première, celle des Hyménopodes, caractérisée par l’articulation tibio-tarsienne
emplumée, et par les pieds revêtus en-dessous d’une membrane mince et écailleuse, comprend deuxl
ordres. Le premier (Picoe) réunit les Corbeaux, Pics, Grimpereaux, Huppes, etc.; le second (Passeres),
les Fringilles, Alouettes, Mésanges et Hirondelles. Sa seconde grande division, les Dermatopodes, celle
des Oiseaux dont l’articulation tibio-tarsienne est emplumée, et les pieds garnis en dessous d ’une peau
ru d e, réunit aussi deux ordres : l’un (Accipitres), comprenant les Oiseaux de proie, les Engoulevents
( Caprimulgus) et les Perroquets; l’autre ( Gallinoe), les Gallinacés et les Pigeons. La troisième division
de notre auteur ( Brachypteroe) renferme un seul groupe, les Oiseaux coureurs, c’est-à-dire l’Autruche,
le Casoar, le Dronte et l’Outarde. Enfin la quatrième division (Hydrophiloe), caractérisée par
l’articulation tibio-tarsienne nue, comprend cinq ordres: le premier (Odontorhynchoe), qui réunit les
Flammants (Phoenicopterus), les Pélicans et les Canards; le second (Platyrhynchoe), les Manchots
(Spheniscus) ; le troisième (Stenorhynchoe) , les Pingouins, Mouettes, etc. : le quatrième ( Vrimtores•),
les Plongeons (Colymbus) et les Foulques; le cinquième (Scolopaces), les Grues, Hérons, Cigognes,
Oiseaux-Mouches, Bécasses, Huîtriers, Vanneaux, Cincles, etc. (4).
Cette classification frappe tout à là fois par des assemblages de types singulièrement différents et
par quelques appréciations justes de certaines affinités naturelles.
Un ornithologiste français qui a acquis une certaine célébrité, Brisson, eut d ’assez heureuses idées relativement
à la classification des Oiseaux. Il fit une étude des caractères extérieurs plus complète qu’on
ne 1 avait fait encore; cette étude le conduisit à partager la classe qui nous occupe en vingt-six ordres,
Il eût été plus juste sans doute d’appeler du nom de familles ces nombreuses divisions, mais il suffit
qu’elles soient naturelles pour mériter d’être prises en sérieuse considération. Le premier ordre de
Brisson ne comprend que les Pigeons; le second, les Gallinacés; le troisième, les vrais Oiseaux de
( 0 Histoire naturelle des Oiseaux (4736).
(2) Ornithologioe specimen novum. —' Perpiniani (4745).
(3) J. T. Klein, Historiée Avium Prodromus, in-î°. Lubecæ (4750).
(4) Avium généra, auci. P. H. G. Moerhingio, in-8®. (4752).
proie- le qoatrièmë, les Corbeaux, Pies, Rolliers, Paradis, etc.; le cinquième, les Pies-Grièches.
Grives, Cotingas et Gobe-Mouches (Unsdcapa) ; le sixième, les genres Pique-Boeuf et Etourneau; le
septième, les genres Huppe et Promérops; le huitième, les Hirondelles et les Engoulevente; le neuvième,
les Tangaras, Moineaux, etc le dixième, les Alouettes, Bec-Figues ( F W u l a ) e ; Mésanges|
le onzième le genre Sitta ; le douzième, les Grimpereaux H H et les Oiseaux-Mouches; le treizième
les Torcols, Pics, Jacamars, Barbus (Bnccc), Coucous (Cumins), C o u ro u c o u s ^ o pm ) et Perroquete
le quatorzième, les genres Coq de roche (»„picola), Martin-Pêcheur, Todier, Guêpier, Calao ;
le quinzième, les genres Autruche, — Casoar et Dronte ; le seizième, les Outardes,
(H m m to pm ), Hnllriers et Pluviers; le dix-septième, la plupart des Oiseaux désignés par les
auteurs modernes sous le nom d’Échassiers (Gralloe, Lin .); le dix-huitième, les genres Poule d’eau,.
Phalarope et Foulque; le dix-neuvième, les Grèbes; le vingtième, les Gnillèmots ( ü n a ), Macareux et
Pingouins (Alca); le vingt et unième, les Manchots (Sphemscm)-et Plongeons (Mergrn); le vingt-
deuxième lès A lbatros; lé vingt-troisième, les Oiseaux de mer (Stem a ; lo ra s , e tc .); le vingt-quatrième,
4ès Canards ; le vingt-cinquième, les genres Paille-en-Quene (Leptunis). Fou, Cormoran, Pélican,
et le vingt-sixième, les Flammants et Avocettes
Brisson a évité avec le pl'uB grand soin les réunions peu homogènes, ce qui l’a conduit sans doute
à trop multiplier les divisions; néanmoins beaucoup d’entre elles se sont trouvées acceptées depuis,
soit comme“groupes primaires, soit comme groupes secondaires. En résumé, cet auteur a fait faire un
progrès sensible à l’ornithologie; progrès qui cependant n’a pu être apprécié qu’après un long espace
de temps. 1 ’ . . „ , n .
Nous ne nous arrêterons pas à la classification proposée par Schoeffer. Inspirée p ar celle de Brisson,
elle s’en éloigne à quelques égards pour offrir les rapprochements les moins justifiés; c’est ainsi que
les Grèbes“ et les Poules d'eau sont placés dans le même ordre ; que les Pigeons et les Corbeaux sont
groupés ensemble (3). Comme beaucoup de ses devanciers; Schoeffer avait tiré ses caractères de la conformation'
des' pieds ; on voit par les résultats qu’il y avait beaucoup de manières de considérer cesparties.
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Ant. Scopôli modifia l’arrangement d e Linné sans que ce fût avec avantage. Il eut les Rétipedes, qui
ont la peau des jambes réticulée, formant six ordres ; les Plongeurs, c’est-à-dire les Pingouins, Manchote
et Grèbes; les Palmipèdes; les Loogipèdes correspondant aux Échassiers (Gralloe, Lin.) ; les Gai-,
linacés; les Rapaces et les Perroquets (Psittaces); puis les Scutipèdes, dont le devant des jambes est
couvert de segmente ou d’anneaux inégaux ; ceux-ci partagés en trois ordres, les Négligés comprenant
avec les Picoe de Linné les Pies-Grièches,: les Chanteurs (Passeras, Lin.), et les Brévipèdes pour les
Hirondelles et les Engoulevents, groupe emprunté à Brisson (3). ,
Une fois Linné mort, les zoologistes commencèrent à s’apercevoir que ce qui avait été proposé par ce
- savant était préférable en général à ce qui avait été produit ailleurs. Un auteur anglais apprécié des
ornithologistes, Latham, adopta la classification du grand naturaliste suédois, en lui faisant subir quelques
modifications heureuses. Aux six ordres établis par Linné, il en ajouta trois, ce furent les Pigeons
(Columboe), groupe admis à l’exemple de Brisson, les Autruches (StraftaMs), division empruntée a
Moehring ( Brachypteroe, Moehr.) et les Pinnatipèdes pour les genres Phalarope, Foulque et Grèbe ( U n -
natores, Moehr.) (4).
(4) Ornithologie (4760).
(2) Elementa Ornithologioe (4774). ' . ,
(3) Introductio ad Historiam naturalem (4777).
(4) Synopsis Avium (4784) e t Index Omilhologious (4790).