
« Vers 11 heu res, les vomissements c es sen t pour ne plus
re p a ra ître , la diarrh é e continue jusq u e vers 1 heu re de
l ’après-midi.
« A midi, l’é ta t me p a ra ît sa tis fa isan t, le malade a sa
pleine connaissance, ju r a n t que de sa vie il ne g o û te ra it aux
champignons ; la ch aleu r e st ün peu revenue.
« Vers 2 h eu re s su rv ien t un nouveau symptôme ; on vient
me p rév en ir que le malade e st pris de convulsions. A mon
a rriv é e, v e rs 3 heu res 30, j ’a ssiste en effet à une crise de
convulsions éclamptiformes (mouvements saccadés de la
face e t de la bouche, la tê te convulsée du côté gauche), qui
dure cinq à six minutes. Vingt minutes après, il en a une
seconde, d ev an t moi, de même durée. On me dit que c ’e s t la
sixième depuis deux h eures.
<c L a face e st vu ltu eu se , v iolacée, la peau baignée de sueur.
Je p ra tiq u e des injections so u s-cu tan ée s d’éth e r. Le malade
ay an t les den ts se rrée s e t ne p o u v an t rien prendre, j ’envoie
ch e rch e r du chloroforme pour lui en faire in h a le r au besoin.
Mais, a y an t a tte n d u v in g t minutes, les convulsions ne se
rep ro d u is en t p a s. Dès ce moment je p o rte un pronostic
p rom p tem en t fa ta l. E n effet, le malade tombe clans une
sorte de coma, d ’où il ne so rt que p o u r p o u sser quelques
gémissements. Il a p o u rta n t quelques lu eu rs d’intelligence
ju sq u ’à 6 h eures. A ce moment, la connaissance disp a raît. Il
succombe enfin vers 8 h eu res du soir. Le corps e st profondément
émacié, la peau m arb ré e de larg e s lignes b leu â tre s.
L e poison a mis q u a ran te -h u it h eu res à peine à accomplir
son oeuvre.
« P o u r expliquer les effets q uasi-foudroyants du poison
fongique, il fau t ten ir compte, sans doute, des an té céd en ts
morbides de M. A..., qui av a it eu une fièvre typhoïde grave
l’été d e rnier, et qui é ta it, en outre, tu b ercu leu x e t alcoolique,
et ce jo u r-là av ait a rro sé un peu copieusement le p la t
de champignons dont il a été la victime. »
Autopsie médico-légale. — M, le D® Ollive, m édecin légiste,
co n sta ta quelques lésions d ’origine a n té rieu re à l’acc id en t
qui m e tta ien t c ertain em en t le sieu r A... dans un é ta t de
moindre ré sistan c e , mais qui n ’a u ra ien t pu en tra în e r la mort
dans les conditions où elle s’e s t p roduite. U ne tro u v a aucune
lésion c ara cté ris tiq u e. M. Ch. Menier ch arg é , comme ex pert,
de d é te rm in e r l’espèce de champignon, re ch e rch a in u tile men
t au microscope des trac es de tissu ou de spores dans le
la it Coagulé e t la pulpe de l’estomac et des in te stin s. En
somme, l’auto p sie ne p u t rien faire découvrir q u an t à la
n a tu re du champignon, ainsi q u ’en témoigne le ra p p o rt de
M. le professeu r Ollive.
IL — M. le D® Glaverie fut appelé aup rès du deuxième
malade :
c< J ’ai eu l’occasion de soigner, dit-il, du 8 au 21 novembre,
un sieur X ..., âgé de 55 ans, qui av ait été empoisonné p a r
les champignons. Il en av ait mangé dans un rep as qui av ait
eu lieu à 8 heu res du matin, le 8 novembre.
« Dans l’après-midi, il éprouve beaucoup de m ala ise, mais
comme il e st coutumier de ce malaise to u s les m atin s, en
ra iso n d ’une g a s trite trè s prononcée, il ne veut p as y pren d re
ga rd e à ce m oment-là, le ra p p o rta n t à la même cause. P o u r
le dissiper, il se je tte su r son lit en a tte n d a n t 8 h e u re s du
soir, heu re à laquelle il doit re p re n d re son tra v a il h abituel.
Mais alors le malaise s ’a c c en tu e ; X... m arch e comme un
homme iv re ; il éprouve des v e rtig es , trem b le et titu b e . Il
e s t obligé de se recoucher. Il ne se doute pas encore qu ’il
e s t empoisonné; un vomissement su rv ie n t; le malade ne se
tro u v e p o u rta n t pas so u lag é; force lui e s t de réfléchir aux
champignons mangés le matin.
« Appelé, je re connais qu’il e st, en effet, empoisonné.
L ’anxiété e s t extrême, le pouls irrég u lier, d é p re ss ib le ; des
su eu rs froides in ondent le corps du p a tie n t. J e lui admin istre
une masse d’huile, en a tte n d a n t un ém é to -c a th a rtiq u e . Cette
médication amène des év acu atio n s alvines e t des vom isse m
ents ab o n d an ts.
« L e malade passe la n u it en proie aux symptômes p ré c é den
ts e t, de plus, a des syncopes ; il continue d ’a b so rb e r du
la it e t de l’huile en q u antité.
« L undi 9. — L e m atin , de bonne h eure, je re tro u v e X...
dans ce mauvais é ta t. Il se p la in t de crampes dans tous les
membres e t d ’un froid glacial ; il p ré sen te des fourmillements
M