
IV. VO LV A IR E S .
OB SERVATION XXX.
Empoisonnement par le Volvaria viperina F rie s.
(Picco, de Turin, Mémoires de la Société royale deméd., 1780-1781,
p. 355, rapporté par Paulet, Traité des champignons, II, p. 311.)
L e 6 octobre 1791, la femme du nommé Moriondo, de
Stu p in i, cueillit environ deux livres de ce champignon
(Agaricus conicus) (1), les fit cuire avec du b eu rre , et à dîner
en mangea avec son mari, trois de ses enfants, dont l’aîné
a v a it environ 21 ans, e t une fille de 19 ans. Celle-ci en goûta
à p eine; les au tre s en m an g è ren t d av an tag e , e t la mère
finit le re s te a v an t l’heu re du souper. Après ces deux repas,
to u s se co u ch è ren t bien p o rtan ts.
Vers deux heu res ap rès minuit, le plus jeu n e des enfants,
âgé de 7 ans, éveilla to u te la famille pa r des pleurs e t des
cris p e rç an ts . Il se p laignit de fo rtes douleurs dans le v en tre ,
e t on le ju g e a a tte in t de v e rs; on lui fit p ren d re un peu de
th ériaq u e . P e u après la mère se p laignit d ’une violente
g a stra lg ie et de suffocation ; elle fit de gran d s efforts pour
vomir. L ’aîné des enfants commença également à éprouver
des envies de vomir, accompagnées d’une sen sa tio n d’a rd eu r
dans l ’estomac. Avant qu’il fit jo u r, le père fu t égalem en t
a ttaq u é e t v e rs les neuf heu res du matin ce fut le second fils.
L a fille qui se fla tta it d ’é chapper aux mauvais effets des '
champignons, pu isq u ’elle en avait très peu mangé, ne commença
à se p lain d re que vers le soir.
Le D® Picco fut appelé le matin du 7 octobre.
I. — Le plus jeu n e des enfants é ta it a ssis su r son lit dans
un te l é ta t de stupidité qu’on ne pouvait lui a rra c h e r la
(1) h ’Agaricus conicus de Picco, que Paulet appelle Oronge souris,
est actuellement classé dans le genre Volvaria. Fries (Ilymeiiomycetes
Europaei, 1874, p. 184, n» 649), lui a donné le nom de Volvaria
viperina, affine à Volvaria gloïocephala VAG., dont il n’est vraisem-
blement qu’une variété.
moindre parole. Il ne pouvait boire que de l’eau fraîch e e t
se p laig n a it de temps en temps de douleurs de v en tre . Il
vomit trè s peu e t ne ren d it que deux ou tro is déjections
ja u n â tre s . Il tomba ensuite dans une lé th a rg ie dont on ne
pou v a it le tire r qu ’en lui to u ch an t, quoique lég è rem en t, le
b a s-v en tre qui é ta it trè s m étéorisé. 'Vers midi il eu t des
convulsions avec les ex trém ités froides; il je ta it de temps en
temps des cris aigus comme si on lui eu t pincé les en tra illes.
Le spasme cynique finit la scène à l’e n tré e de la nuit. Son
pouls fut si p e tit ju sq u ’à la fin, qu ’on en s e n ta it à peine les
b a ttem en ts irrég u liers.
Autopsie le lendemain. — Cadavre a y a n t p a rto u t des
tach es v io le tte s. Volume du foie, double de l’ordinaire. Le
foie é ta it trè s pâle, e t si ten d re qu’il se d é ch ira it au moindre
a tto u ch em en t d’une sonde d’a rg en t. Vésicule du fiel pleine de
bile aqueuse et pâle. E stomac e t in te stin s d isten d u s de gaz
trè s fétides : leu rs muqueuses corrodées p o u v a ien t s’enlever
comme une e sch arre . P lu sie u rs ta c h e s livides d ans l’estomac
p rè s du pylore : dans le côlon, va lv u le s sphacélées, liquide
ja u n â tre infect où on d is tin g u a it des débris de champignons.
II, — L a mère se p la ig n a it d’anxiété suffocante: à la
c ardialgie, su c c éd è ren t des vomissements v e rd â tre s , puis des
v iolentes coliques, à la suite desquelles il y eu t des déjections
ab o n d an tes de m atière s v e rte s e t san g u in o len tes avec
ténesm e. L a malade d ev in t jau n e p a r to u t le corps e t l’or-
thopnée m en a ça it à chaque in s ta n t de la suffoquer. Nombril
enfoncé; le bas-v en tre , affecté de co n stric tio n s sp a sm o diques,
ne pouvait souffrir la plus légère compression sans
que la ré tra c tio n des jam b e s n ’au gm en tât. Su eu r froide,
profonde léth a rg ie , et mort d ix -h u it h eu re s ap rès l’in vasion
du mal. Après la mort, le v e n tre enfla p ro d ig ieu sem en t;
écume olivâtre, pu an te , so rta n t p a r la b o u ch e ; co rp s e n tie r
livide, et, p a r le nez, issu e de sang iclioreux. E lle n ’av ait
pu p re n d re que de la th ériaq u e .
xlutopsie. — Foie ex trêm em en t gros, pâle, c o u v ran t l’e stomac
flasque; ra te o rd in a ire ; sang des v a is se au x in te s tin
au x c h au d , fluide, n o ir; in te stin s spa sm o d iq u em en t
re sse rré s eu c ertain s en d ro its, disten d u s dans d ’a u tre s ,
p a rsem é s de ta ch e s gan g rén eu se s ainsi que l’estomac.
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