
ccliv D I S C O U R S
jourd’hui les délices des perfonnes qui aiment à s’inflruîre , &
fervent de modèles à ceux qui veulent fe diftinguer dans les
Lettres.
Mais afin qu’on juge mieux du chemin qu’eurent à faire les
Romains pour parvenir à ce point, donnons des échantillons de
ce qu’étoit leur Langue avant les beaux fiécles de leur Littérature,
M o NUMENS E> U PREMI ER A Q R
r- J)ç la Langue Latine.
V e r s " S a l i e n $.
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Le plus ancien monument littéraire des Romains il relie
quelque trace , confifte dans les Vers que chantoient les. Prêtres
Saliens établis par N uma. Ce Prince Philofophe , choifî entrq
les Sabins pour régner lur un Peuple qui.ne connoifloît que la
charr-ue Sç l’épée , fende la nëceffité de lui donner des moeurs Se
un culte : il profita pour cet effet de l’afceçdant que la haute fdée
qu’on avoir de fes connoifianccs, lui donnoit fur ce Peuple greffier*
pour en devenir le Légifiatcur moral* politique & religieux. Dan?
cette vue, il établit entr’ajutres, un Çorps de Prêtres appellés
Saliens , parce qu’ils dirigeoient les dan fes facrçes, en danfant
eux-mêmes, & en frappant en cadence fur un petit bouclier
échaneré. Par relpeét pour la Divinité ,ce.s Prêtres étoienr çhpifij
dans l’ordre de la Noblefle ; aufïi vit-on parmi eux , Appius
Claudius, Scipion l’Africain, &c.
Ils étoient au nombre de douze, ôc chacun étolc armé d’un
bouçlier facré, qui appartenoit à l’Etat * que Numa ayojt fai$
faire comme le garant de la durée perpétuelle.de l’Empire: la
légende fabuîeufe contoit qu’un de ces douze étoit tombé du Ciel
pour être la fauvegârde du Peuple Romain, & que Numa en
avoit fait faire onte autres parfaitement femblables à celui-là *
afin que dans le défefpoir de ne pouvoir découvrir-le vrai, personne
ne fongeât a l’enlever.
Mais chaque Peuple avoit dans ce terris là , un objet confacré
qu’il regardait çoiriméje gage alluré de fa durée : & quel fymbole
plus fenfible pour défigner la fiabilité d’un Etat & fon triomphe
dans toutes les adverfités que celui d’un bouclier, & fur-tout d’un
bouclier diià la1 protection des Dieux ! Quant au nombre de X ï l ,
il fut relatif aux mois de l’année , fepréfentés par les XII Saliens
& par leurs darilês,- imitatives de la danfê célefter
Ce qui le prouve, c’eft qu’au rrioîs de Mars, pendant les cinq'
•jours appellés Epagomènes chez les Grecs , & Quinquatres chez
les Romains, &qui terminoient l’année, les Prêtres Saliens por-
îtéièht leurs boucliers en triomphe dans toute la ville, en danfant,
en fautant, & en chantant des hymnes relatives à ces grands objets,
âux révolutions confiantes des années.
Il ri’eft donc pas étonnant' qu’on célébrât dans ces Vers
L ucetius, Ma n ia , meredes Lares, L uCia V oLum n ia , Ma*
MURff s V eturius , tout autant de Perfonnages qu’on a pris
«rès-mal-à propos poUr des hommes réels, pour des Romains, &
dans le dernier defquels on a cru voir l’Ouvrier dont Numa s’étoic
fervi pour la fabrication des XII Boucliers facrés. Ce font autant
de Perfonnages allégoriques relatifs aux Aftres qui préfîdenta
l’année & à fes révolutions.
L ucetius , formé d eL u cE , lumière , en défignçle Pere 1
le Dieu fuprême ; nous en aurions un bon garant s’il ëtoiç