égorgés par le compagnon de la lionne. Pauvre « Help », si vif et si
gai, je ne croyais pas te monter hier pour la dernière fois!
Les traces du lion nous permettent de le poursuivre; mais la
brousse est tellement épaisse que nous ne pouvons pas l’atteindre.
11 est probable que le fauve viendra, à la tombée de la nuit, se repaître
de la chair de ses victimes, aussi nous tirons au sort pour désigner
celui d’entre nous trois, qui devra se mettre à l’affût et venger nos
chevaux; je suis désigné.
Peu avant cinq heures, je sors du campement, mon « express rifle »
à balle explosible sur l’épaule et prends seulement avec moi l’un de
nos- jeunes porteurs armé de deux lances. Arrivé sur le bord de la
rivière où gisent, au milieu des roseaux, nos deux chevaux, j ’installe
mon affût sur un arbre qui commande et surplombe l’endroit où se
trouve le cadavre du premier cheval. Je m’établis à califourchon sur
une grosse branche ; mon « boy » se perche un peu au-dessus
de moi.
Avant la nuit tombante et en attendant le fauve, je parcours tout en
ayant l’oeil et l’oreille aux aguets, un numéro déjà très ancien du
Journal de Genève que je n’avais pas encore eu le temps de lire. Le
crépuscule se fait peu à peu; voici la première étoile. Le grand silence
n’est troublé que par le bruissement des insectes, qui ressemble à celui
des grillons ou des cigales. La nuit se fait de plus en plus noire et sur
son perchoir, mon « boy » soupire profondément. Après plusieurs
heures d’attente vaine, je descends de mon poste sans que le lion ait
paru; mais non sans avoir entendu les sinistres appels des hyènes et
les glapissements des chacals, accourus à ce festin improvisé et qui
broient les os des malheureux compagnons de nos bons et de nos mauvais
jours. Jamais je ne vis un pas plus allongé que celui de mon
« boy », rentrant sain et sauf au campement!