idtie de la richesse et de la variété des fruits croissant dans cet
heureux pays. Suivant la saison, l’on y trouve les différents fruits
européens mêlés aux hananes, ananas, naatjes, mandarines, citrons,
oranges, mangoustes, guavas.
La ville s’étend le long de la baie, puis elle s’étage sur les flancs de
la colline Béréa, où les plus gracieuses résidences se cachent au milieu
des arbres et des fleurs des tropiques. De la Béréa, le point de vue
est admirable; la baie semblable à un lac tranquille, est reliée à la
mer par un canal qui baigne Ja base d’une falaise couverte de verdure,
à l’extrémité de laquelle se trouve un phare ; au delà, l’océan Indien,
d’un bleu foncé. Les vagues qui rident sa surface semblent le franger
d’argent et plusieurs grands navires à l’ancre sont balancés doucement
sur ses flots.
Durban fait honneur à Natal, l’une dés colonies anglaises les plus
favorisées de l’Afrique. Vasco de Gama a découvert ce pays le jour
de Noël 1497; il l’a baptisé Terra Natalis. Sa superficie est égale
à celles de l’Angleterre et du pays de Galles réunies, soit environ
32000 kilomètres carrés; elle est habitée par 45000 Anglais, Hollandais
et Allemands, 40000 coolies hindous et 450000 à 500000 noirs.
Natal est, depuis le 23 juillet 1893, une « self gOverning colony »•;
le gouvernement se compose de deux Chambres.
%6 janvier. — En mer! Quelle jouissance de respirer enfin la bonne
brise salée !
Les sujets d’intérêt ne manquent pas à bord du Roslyn-Castle, steamer
sur lequel je m’embarque à destination du Cap, ville où j ’ai de
nombreux bagages à réclamer ainsi que d’autres formalités à remplir.
Nous avons, parmi les passagers, quatre-vingt-dix des hommes de
Jameson qui ont pris part à la récente invasion du Transvaal, y compris
trois officiers, prisonniers sur parole, sous la responsabilité de
notre commandant. Ils seront débarqués dans les différents ports.
Ces soldats, qui comptent parmi eux quelques représentants de bonnes
familles anglaises, semblent être forts et déterminés. Ils sont accoutrés
de la façon la plus disparate, car ils ont presque tout perdu sur le
champ de bataille. Quelques-uns pourtant sont encore revêtus du
coquet uniforme de leur régiment, du justaucorps et des culottes de
cheval en « velvet cord » brun très clair. Comme coiffure, ils portent
le feutre aux larges ailes, fièrement retroussé sur le côté gauche. Ils
ont beaucoup souffert ; mais ils se louent de la manière dont les
Boers les ont traités lors de leur captivité à Prétoria.
L’un d’eux me montre le projectile reçu au fèu qui, après lui avoir
traversé le poumon, est ressorti par le dos. Heureusement pour lui,
cette balle provenait du nouveau fusil, le Lee Metord. Les armes à
petit calibre semblent, suivant les dernières expériences, moins meurtrières
que les anciennes; leur force de projection est si forte que les
balles, très minces et allongées, traversent les chairs sans les déchirer
et sans briser les os.
Quelques heures après le départ, nous avons en vue les côtes découpées
et montueuses du Pondoland, l’une des récentes acquisitions de
l ’Angleterre. Voici en particulier la pittoresque embouchure de la
rivière Saint-John (Umzimvubo) ; elle se je tte dans la mer, enclavée
par de hautes falaises couvertes d’arbres.
Cette après-midi j ’ai assisté à un incident caractéristique : un commandant
boer et un groupe d’officiers qui ont pris part au raid de
Jameson sont fraternellement assis à la poupe et conversent courtoisement,
tout en discutant les fautes de tactique qui ont été commises
de part et d’autre, lors de la dernière campagne.