Nous traversons une immense plaine accidentée, boisée, égayée par
les gazons encore jaunis par l’hiver et coupée par des collines.
Au nord-est, aucun obstacle ne borne l’horizon; les buées du matin
nous donnent l’illusion de la mer.
Les paysages africains, pour qui sait voir, varient à l’infini.
Dans la soirée, pendant une marche de nuit très favorable aux
attelages, mais malheureusement sans lune, le grand wagon entre dans
un trou profond et s’incline sur le côté ; nous sommes fortement projetés
à terre; nous nous relevons sans mal sérieux. Les boeufs sont alors
dételés et attelés à l’arrière, pendant que du'côté opposé, nous tirons
tous sur une forte corde, ce qui remet le lourd véhicule d’aplomb.
Peu après, les chiens donnent subitement de la voix. Nous nous
hâtons, fusils en mains, vers l’endroit d’où proviennent ces aboiements
furieux. Nous les trouvons aux prises avec un porc-épic qui
ne tarde pas à être assommé ; plusieurs des chiens sont blessés. L’un
a deux piquants dans le côté, il faut-à la lumière des lanternes les
extraire sur-le-champ, ce qui ne s’opère pas sans gémissements.
Nous décidons de laisser les wagons aller de l’avant jusqu’à Makoa
(Makwa) où nous espérons trouver de l’eau, puis de passer la nuit au
bivouac pour nous mettre en chasse demain matin de bonne heure;
Un « skerm », abri rudimentaire fait avec des branchages, est rapidement
établi ; les chevaux sont attachés et nous nous couchons autour
d’un grand feu, roulés dans nos couvertures.
25 mai. —I Un fort vent froid du sud-ouest a soufflé pendant la
nuit aussi nous n’avons guère dormi. A cinq heures ét demie, nous
sommes debout et peu après, à cheval. Nous allons, la carabine
en main, l’oeil aux aguets, tantôt à travers le « bush », broussailles,
tantôt à travers les grandes plaines brûlées. Nous galopons une
gazelle qui nous échappe; puis dans le courant de la matinée,
un gnou (Catoblepas gorgori) 1 pesant 300 à 400 livres et qui, de
lo in , ressemble à s’y méprendre à un boeuf de petite taille ;
superbe dans son galop la tête entre
les jambes. La bête a été rejetée du
côté de Reid qui l’a tuée : fameuse
addition à notre cuisine, surtout avec
le nombre d’hommes que nous avons
à nourrir.
Après six heures de chasse:, nous
nous rejoignons au campement de Koua
(KwaHoù nous faisons un repas composé
en partie de porc-épic bouilli.
GNOU BLEU, « CATOBLEPAS GORGON
A la tombée de la n u it, Pirie n’est _ çroïms de Van Muyden.
Spécimen rapporté par l’auteur.
pas de retour. Aussi suivant ce que
nous avons convenu en pareil cas, nous tirons de demi-heure en
demi-heure, par trois fois, une série de coups de fusil, suivis
immédiatement d’une fusée aux étoiles rouges et bleues ; à
notre divertissement, les hommes effrayés se réfugient sous , le
.chariot.
A dix heures du soir, Pirie n’a pas encore paru; il s’est sûrement
égaré. -
Nous tenons conseil et nous décidons d’envoyer demain matin
au point du jour à sa recherche le plus sûr de nos hommes, Jonnes
à cheval, accompagné de deux « bushinen », qui n’ont pas d’égaux
pour retrouver et suivre une piste.
1. Gnou bleu, blue Wildcbeeste.