manier le sextant. Mais tous jouiront du spectacle qu’offre l’Océan
dans ses phases diverses, des couchers de soleil sous les tropiques
dont la magnificence, ainsi que celle des nuits étoilées, défie toute
description.
Le spectacle imprévu ne manque pas non plus : un jour des
baleines sont aperçues dans le lointain; des bandes de marsouins
viennent se jouer à la surface des eaux ; des poissons volants s’élancent
d’une vague à l’autre; des oiseaux de mer nous rendent aussi visite
de temps en temps.
Le soir, huit musiciens, hommes de l’équipage, font retentir la ir
de leurs échos joyeux; en outre, plusieurs séances de musique ont
été organisées par des amateurs sans compter les jeux divers et les
conversations intéressantes.
•Enfin, malgré la chaleur, deux demi-journées ont été remplies par
des sports athlétiques que les Anglais ne délaissent jamais sous
aucun prétexte, ni sous aucune latitude. Principe excellent : de
cette pratique développe non seulement le corps, le maintient en
bonne santé; mais elle est aussi une discipline pour le caractère et
produit: courage, persévérance, endurance.
Le dimanche, culte dans le grand salon de la poupe. La Bible est
placée sur le pavillon national. Si nous n’avions pas un clergyman
passager à bord, le service religieux, suivant l’usage de la marine
anglaise, serait célébré par le commandant.
Puisque je parle de l ’état-major du Norham-Castle, je ne puis
m’empêcher, pour faire comprendre la valeur de ces marins, de
mentionner la conduite du premier officier, M. Frank Whitehead qui,
pour l'intrépide courage et le dévouement qu’il a déployés le 7 avril
dernier, a été récemment en Angleterre l’objet des distinctions les
plus flatteuses et méritées et a reçu une médaille d argent du
Lloyd, une médaille d’argent de la Fédération des agents maritimes de
la Grande-Bretagne, une adresse de remerciements de la « Liverpool
Shipwreck and Humane Society ». Le Norham-Castle, naviguant
près des côtes inhospitalières du Natal, se trouve à la u b e , en
vue d’un quatre-mâts échoué sur un récif. De sa mâture, les
matelots naufragés font des signaux de détresse. Le commandant
Duncan se rend compte que son steamer ne peut pas s’approcher
du récif et il fait aussitôt descendre deux bateaux de sauvetage, dont
l’un est commandé par Whitehead, qui juge que ce serait folie
d’aborder l’épave. 11 se fait alors attacher une corde autour du
corps et plonge dans les flots ; l’un des matelots naufragés agit
de la même manière. Les deux hardis nageurs se rejoignent et
attachent leurs cordes, et dix-sept vies sont sauvées par ce
moyen. Le capitaine du quatre-mâts, qui n’avait pas voulu quitter
son navire avant que tous ses hommes fussent sains et saufs,
est lui-même si grièvement b le ssé , qu’il ne peut pas être sauvé
sans un nouveau secours. Une fois de plus, W hitehead se jette à
la mer; après une lutte héroïque, il parvient à ramener le capitaine
vivant.
Nous espérons arriver au Cap jeudi 11 avril. De Southamplon, nous
aurons accompli en dix-neuf jours, neuf à dix mille kilomètres, soit
environ le quart de la circonférence de la terre. Dans ce court espace
de temps, nous aurons subi l’hiver en quittant l’Europe, le printemps
à Madère, l’été sous les tropiques et l’automne au Cap.
/ / avril. — La présence de nombreux oiseaux présage notre prochaine
arrivée; des cormorans aussi noirs que du jais, émigrent vers
le sud.