26 mai. — Quoique nous soyons sous les tropiques et que nous
ayons depuis longtemps passé le Capricorne, il a fait très froid la
nuit dernière et le thé que nous avons laissé hier soir dehors, forme
un bloc de glace dans chaque tasse; différence extrême avec la température
du milieu du jour, où l’ombre est recherchée. Nous ne
pouvons p a s , malgré la meilleure bonne volonté, avaler notre
traditionnelle bouillie d’avoine du matin, car la vase y entre dans
une trop forte proportion; il nous faut aussi renoncer aux ablutions
les plus élémentaires.
Pirie est revenu au campement cette après-midi seulement à deux
heures. Comme nous le pensions, il a pris hier une fausse piste après
la chasse ; il est resté vingt-sept heures sans nourriture et dix-sept
sans eau!
27 mai. — A la halte du déjeuner, les biftecks de gnou sont
déclarés excellents. Nous rencontrons une caravane de Zambéziens
retournant dans leur pays après avoir travaillé aux mines de diamants
de Kimberley. Très pittoresques dans leur accoutrement; un
mélange de hardes européennes et de vêtements indigènes; chacun
d’eux est armé d’un fusil et ils ont un air de prospérité qui fait
plaisir. Le danseur de la bande, coiffé d’un chapeau pointu surmonté
d’une longue plume, vient égayer notre repas. Il danse sur place ; tout
en chantant et en sifflant, il agite une calebasse de la main droite ;
une clochette pend à son côté.
L’eau, trouvée en très petite quantité et dont nous sommes obligés
de nous contenter aujourd’hui, est la plus mauvaise que nous ayons
eue jusqu’à présent. Nous la faisons bouillir, et par trois fois, nous
en extrayons une écume verdâtre ; malgré cette opération, nous
n’avons pour notre thé et pour préparer notre repas, qu’un mélange
d’eau et de boue dont il faut bien nous contenter.
28 mai. — Puits de Tlalamabélé; nous sommes heureux de pouvoir
abreuver,-les attelages qui ont été privés d’eau pendant trente-
neuf heures! Pour contenir l’impatience de ces malheureuses bêtes
et afin que les plus faibles puissent avoir leur tour, nos hommes
les mènent à l’eau par escouades, ce qui ne se fait pas sans peine.
Nous continuons notre route le long d’une piste sablonneuse, à travers
un pays où les arbres deviennent plus nombreux et plus grands,
pour arriver dans la journée au campement de Linokaneng, où nous
nous réjouissions à la pensée de trouver de 1 eau pure en abondance.
11 faut en rabattre ! Ce n’est plus il est vrai, de la boue liquide, mais
hélas! de l’eau grise dont nous sommes encore heureux de nous servir.